Âme en peine

Je dérive, ombre noire, au-dessus des bâtisses,
Entrepôts ravagés, fumées qui se blottissent
Au fond des cours perdues de la ville de fer.
Je suis une âme en peine aux confins des enfers.

Le Nom du Monde...

Tu veux savoir sans doute où se trouve le Bois
Blottie dessous la Liane ronde qui ondoie
La Dryade farouche et la Source du Gui
Mais je ne dirai rien, le silence est le prix.

Roxane

Roxane du bayou, tes longues jambes arborent
Comme un désir de pluie sur de noirs ellébores
Du bord de la jetée tu balances en cadence
Tes pieds nus dans le flot de l'eau noire qui danse.

Le sel du temps

Nous avions tant marché, ta posture languide
Offrait à mon regard quelques vivantes rides.
J'y voyais tout le sel du temps qui nous dévore
Et cet instant précieux qu'encor le soleil dore.

Bobby

Bobby quand t'as quitté d'ici-bas l'avant-scène
La maman des poissons s'est jetée dans la Seine.
Tu as brûlé tes ailes aux choses de la vie
Marcelle à l'hélicon depuis joue l'insomnie...

Sable

Je suis de sable fait, grains sur grains de silice
Si rugueux au toucher, mais à la vue si lisse
Par l'harmattan porté, je vais de dune en dune
Je fais taire les grands, j'enterre des fortunes.

Ciel indien

Allongé sur un mur, sous un tapis d'étoiles,
Je plonge mon regard et déchire les voiles.
La fragrance est indienne et le vertige effleure,
Étrange oiseau de nuit qui surgit à son heure.

De la Joie

Enfant déjà ton rire avait fendu la terre
Et répandu des flots de lave libertaire.
Femme enfin ton sourire avait ouvert les cœurs
De ceux qui jamais ne font partie des vainqueurs...

Cécile

Tous les vendredis soirs, je te trouve Cécile

A enfourner le pain, si forte si fragile.

Le temps ne bouge plus, je m'assois, je suis bien...

Tu toques, le pain sonne et la vie bat son plein.

Le bal des gens perdus

Ma nuit vogue soyeuse au bal des gens perdus.

L'ennui vaque à mes pieds comme un serpent tordu,

Je nous revois courant dans de vertes prairies

Quelques minutes valent en soi toute une vie...

Mystique du vélo

J'ai suivi ton vélo, Madeleine Delbrêl
A défaut d'un guide, un guidon spirituel.
Vacillant dans les cols, en quête de hauteur,
J'ai fini tout petit avec un souffle au cœur.

Père Jean

Il avait des yeux doux enfoncés dans la trogne
Et fallait éviter de lui serrer la pogne
Ou bien on y laissait des phalanges en morceaux.
Il était missionnaire et n'aimait pas les sots.

Soleil couchant

Que j'aime ces beaux ciels qui ressemblent à des femmes
En jambes de nuées, ces volutes qu'enflamme
Un soleil qui se couche en un roux de renard...
Au sein de tes bras nus je me love, pénard.

Non dit

Une table de bar au formica vieilli,
Comme une mer hostile entre nos deux pays :
Toi princesse aux yeux pers, en quête de tendresse
Et moi dont l'âme sourd en flots de petitesse...

Blé sous la neige

La neige avait couvert le champ sur le coteau
Noyant les brins de blés, raides comme couteaux...
Mais la neige a fondu, le blé roussi repart,
Je veille l'alouette et son chant du départ...

Hirondelles

Ça y est les hirondelles ont accosté les murs,

Leur gazouillis fidèle emplit de chant l'azur

Et leurs battements d'ailes ont raison de l'hiver !

J'admire leurs chandelles au fond de tes yeux verts.

Petits pas

Je fais des petits pas sur ma ligne de vie,
Le vent emporte tout, les traces, les envies.
Je regarde le ciel et je me sens léger,
Si loin du bronze mort des statues érigées...

Automne

C'est arrivé soudain, mon âme était obscure
Et mon silence obtus celait une blessure,
Des feuilles automnales en cadence tu fis
Crisser l'or et le sang, puis tu t'évanouis.

Muscari

Muscari négligé, joyau sur un talus,
Lamier pourpre à côté d'un coprin chevelu,
J'entends ton cœur qui bat, l'eau vive qui bruisselle
Quand tu ôtes tes bas au son du violoncelle.

Doute

Frêle tu frissonnais, regard perdu, assise
Sur un banc vide et froid de la petite église.
Engloutie la lueur du vitrail scintillait
Sur ta joue gauche seule une larme perlait.