jeudi 31 décembre 2015

Maisons fantômes

La maison fait la ruine et la ruine les pierres,
Elles-mêmes bientôt, mouvement circulaire,
En murs s’entassent haut, dociles sous les mains
Des hommes oublieux du minéral humain.

mercredi 30 décembre 2015

Tangente

L’un, l’autre, sur la route, nous allions, serrés
Puis le vent du destin, vif, nous a séparés.
Vingt ans plus tard, j’entends l’étourdissant silence
Entre nous, entaillé comme un canyon immense.

mardi 29 décembre 2015

Organum

L’organique maison s’enracine si loin
Dans l’humeur tellurique et l’humique terrain.
Ses pièces lambrissées sont ses vivants organes
Et dans l’une, son cœur, l’orgue joue des arcanes.

lundi 28 décembre 2015

Vies passées

Il a mis ses besicles sur son nez camus,
Lisant sa lettre encore, toujours aussi ému,
Qui lui dit qu’elle attend que finisse la guerre…
Il ne l’a pas revu. Peine crépusculaire.

dimanche 27 décembre 2015

Dans tes yeux

Les heures de tes yeux sont d’un noir si profond
Que j’y reste plongé, puis m’y perds et morfonds,
Quand enfin ton sourire ingénu vient briser
Le sort et sur mes lèvres quérir un baiser.

samedi 26 décembre 2015

Traduttore

Ce verre de cristal qu’en silence tu vides
Et dont tu suis d’un doigt le rebord, intrépide,
Enfin produit le son que tu voulais, flûté,
À la place des mots qui m’auraient contenté.

vendredi 25 décembre 2015

Dénivelé

Que de temps à gravir la côte vengeresse !
Au fond, mon corps, mon cœur sont ici dans l’ivresse
À deviner ce que l’esprit nie tout de go,
Que la beauté sourd d’une faille de l’ego.

jeudi 24 décembre 2015

Structure

Épars, le bois flotté, poli par la rivière,
A fini son parcours en tas sur la gravière,
Enchevêtré, porteur à nouveau d’un plein sens,
Celui qu’à une mort donne une renaissance.

mercredi 23 décembre 2015

Félin

C’est entre chien et loup qu’il est le plus matois,
Hésitant entre merle et grive, qu’il chatoie,
Allant du coq à l’âne, habile télépathe,
Toujours sûr, du velours aux pattes acrobates.

mardi 22 décembre 2015

Apesanteur

Je chois sans fin, menu, dans la vallée d’Éden,
Aussi léger dans l’air que le grain de pollen,
Aucune peur ne vient, ma chute au fond m’élève :
L’essence de la vie est en ce qu’elle est brève.

lundi 21 décembre 2015

Voleur de nuit

Je cherche en vain la nuit qui fuit les lampadaires
Et toutes ces ampoules, diodes mensongères,
À la lueur desquelles il faut se réjouir,
Qui forcent dans les cieux chaque étoile à pâlir.

dimanche 20 décembre 2015

Nos lointains

Dandy de laine bleue, comme un ciel sur le corps,
Que j’imagine allant dans les ruines d’Angkor,
Le sourire étiré tel un chat qui s’éveille,
Où sont tes mélodies de voiles qui faseyent ?

samedi 19 décembre 2015

Amertume

Un violon perdu dans un chaudron de cuivre
Attend d’être joué par la musicienne ivre
Ayant jadis poussé son âme à l’infini,
Mais la rancœur le gagne et gâte son vernis.

vendredi 18 décembre 2015

Pile

Repoussée par le flot tumultueux de l’onde,
Elle tient sans faillir au milieu de la ronde,
Intimement tenue dans la terre qui dort.
Au-dessus des passants s’imaginent la mort.

jeudi 17 décembre 2015

Mélodie

Le joueur de cithare aux doigts bleus s’ennuyait
De ne pouvoir jouer qu’un piètre menuet,
Qu’importe, les oiseaux, dans leurs trilles mignardes,
Avaient trouvé le la. Faut-il tuer le barde ?

mercredi 16 décembre 2015

Rue du jazz

En tanguant dans l’air noir, en transe tu m’étreins,
Vénus sur le trottoir. Aux courbes de tes reins,
Les chats se sont perchés sur d’élégantes pattes,
Entonnant des solos éraillés pour leurs chattes.

mardi 15 décembre 2015

Infusion

La bouilloire a sifflé sur la plaque de fonte,
Un thé sans fin commence et tu me dis un conte,
Il était une fois, des bêtes et des hommes,
La bouilloire chuchote et le chat fait un somme.

lundi 14 décembre 2015

Bord de mer

Je rêvais de marcher sur le sable avec toi,
Le long de l’océan, plein d’un amour courtois,
Puis la marée gagnant vient effacer nos traces
Et nous ne fûmes plus que des âmes qui passent.

dimanche 13 décembre 2015

Oratoire

Rien ne saurait souffrir en ce bois reposé,
Peut-être est-ce l’aplomb d’une abside apaisée,
La mousse aurait couvert depuis longtemps les dalles
Et les gouttes de pluie en guise d’eau lustrale…

samedi 12 décembre 2015

Étages

Dans les soutes viciées les rats cherchent pitance
Et la voile au-dessus se gonfle d’importance,
Entre les deux, la barre est tenue par le Vieux,
En bas roule la mer et là-haut vont les cieux.

vendredi 11 décembre 2015

Instantané

Ta robe est bleue, toute piquée de taches claires
À la mesure des néants de Baudelaire,
Enfant, tu chantes dans le square des Buissons.
Je n’ai pas écouté la fin de la chanson.

jeudi 10 décembre 2015

Revers

Accroupi contre un mur qui monte jusqu’au ciel,
Tu ressens le plaisir des gens, superficiel,
Aucun moyen de fuir, ton vieux cœur fait des bonds.
Le destin des passants. Celui des vagabonds…

mercredi 9 décembre 2015

Piste

Dans le cercle d’argent surgit la contrebasse
Au tempo dérangeant de bossa nova lasse.
Une robe en lamé, tu danses sans effort
À côté du danseur qui t’oblige et dévore.

mardi 8 décembre 2015

Effluves

Des soupiraux sortent d’étranges fumerolles
Encore mues par la mémoire des idoles,
Au fond des caves des ruelles de Paris,
Fées souterraines, mortes reines de la nuit.

lundi 7 décembre 2015

Chemin faisant

Espérance gardée, je vais à l’horizon
Sans que jamais ne vienne à moi cette raison
Qui fait que l’univers hors de mon temps vacille,
Alors que tout mon fait tient dans une brindille.

dimanche 6 décembre 2015

Hivernales

Elle part en lambeaux, cette arrogance d’être
Au cœur de la forêt des charmes et des hêtres.
À bruire sous le vent, les branches sont amies,
Quand bien même elles sont, dans l’hiver, endormies.

samedi 5 décembre 2015

Vestiaire

Appuyée sur le bord du casier métallique,
Elle écoute dans l’ombre un morceau de musique
Et les ombres sont nues devant ces notes-là.
Celle du casier semble être un grand coutelas.

vendredi 4 décembre 2015

Petit lai

Il a cherché les mots qui lentement s’imposent,
Intimidés, de ceux qui, tenant le cap, osent
Un baiser dans le cou, caché dans les cheveux,
Des mots qui disent tant « je te veux, tu me veux ».

jeudi 3 décembre 2015

Dans l’air

Ce serait le dernier été, tout en oiseaux
De couleurs, volant dans le ciel, amoroso.
Tous les chats fixeraient ces plumes, ameutés,
Feulant pianissimo d’être ou d’avoir été.

mercredi 2 décembre 2015

Souffle

Le ralentissement trouve en soi sa substance
Et façonne le temps tout à sa convenance.
Au dedans va le souffle et son flot de vigueur,
Écho d’un autre flux plus intime du cœur.

mardi 1 décembre 2015

Babylone

Les heures sont piégées dans les rayons des livres
Et je poursuis ma route au fond d’un couloir, ivre,
À rechercher sans fin les destins imprimés,
Le nôtre à peine écrit de mots désarrimés.

lundi 30 novembre 2015

Humilité

De grâce ne mettez vos pas dans ses empreintes,
Une est la source qui de ce creux prend la teinte,
En bleu proche du ciel, tant pure est l’onde née,
Qu’un seul pétale y tombe et la voilà ruinée.

dimanche 29 novembre 2015

Anamnèse

La neige n’a cessé d’ensevelir les cris
Des peines et des joies, des jours aux flots taris.
Étranges, ces flocons qui placides s’entassent,
Au secours, le soleil, avant qu’ils ne se glacent !

samedi 28 novembre 2015

Moire

Quand la couleur exulte, en cette singulière
Heure, aux mille fragments, j’ai le flot littéraire
Et je sasse en riant les instants de remords,
Petites démissions vers de petites morts.

vendredi 27 novembre 2015

Errance minérale

Le sable dévoré par le sable s’enroule
En silence tandis que la dune s’écroule
Avec pareillement le soleil qui sévit,
Je sens les glissements de la mort, de la vie.

jeudi 26 novembre 2015

Baiser

Je suis resté longtemps debout sur le parking,
Sonné comme un boxeur dans les cordes d’un ring
À regarder sans voir. Les gens sans pudeur passent.
Un tien parfum de musc encore me terrasse.

mercredi 25 novembre 2015

Saisissement

L’espace a des langueurs et des mélancolies,
Les étoiles clouées sur la voûte, pâlies,
Vibrant à longs sanglots dans la nuit sidérale…
Un instant je perçois la mesure abyssale.

mardi 24 novembre 2015

Bagdad café

Le soleil agressif cautérise l’asphalte
Où la vieille mustang a voulu faire halte
Et les virevoltants vont en bandes serrées.
Le bar est à deux pas, dans l’air désespéré.

lundi 23 novembre 2015

Outre-porte

Sentinelles de bois, sentinelles de pierre,
Enchevêtrées toujours, gardiennes de la terre,
Aux humains oublieux, elles chantent encor
Pour qui les va confiant toucher d’âme et de corps.

dimanche 22 novembre 2015

Bulles

Petites, irisées, serrées comme brebis,
Vous faites feu de tout, si joliment fourbies.
Le plus ténu rayon, sur vos facettes denses,
Étincelle sans fin, tout empli de nuances.

samedi 21 novembre 2015

Vain temps

Aux mots que tu me dis la vérité se mêle,
Un fil ténu de peine et de joie qu’il ou elle
Avions serré jadis, au temps des amours bleues.
L’alouette jamais ne chante quand il pleut.

vendredi 20 novembre 2015

Le fleuve

Si vive est l’eau qui coule aux pieds des jours heureux.
Je rêve assis devant l’arc-en-ciel dangereux.
La chute gronde au loin. Je suis un bois, je flotte.
Au bord, j’entends ma voix qui doucement sanglote.

jeudi 19 novembre 2015

Énigme

Le filigrane est là dans le papier, dissout,
La lumière au-dessus, la lumière au-dessous,
Deux manières de voir que l’encre n’est pas sage
Et je ne sais laquelle éclaire le message…

mercredi 18 novembre 2015

Saison

La vergerette pousse entre les dalles grises
Obstinément. Ses fleurs, de bien modeste mise,
Oscillent sous le vent, puis grainent en mourant.
La vie va sous les pas des gens indifférents.

mardi 17 novembre 2015

Inhumanité

La vasque où l’eau limpide aux anges s’abandonne
Est d’obsidienne noire. Au-dessus, la Madone
Immobile est en pleurs. Peut-être est-ce la pluie
Qui coule, ou la douleur de l’inhumaine nuit.

lundi 16 novembre 2015

Ritournelle

Ce soir, j’ai la musique aux couleurs des sentiers
Perdus dans la garrigue où jadis vous étiez,
Dans vos atours de vent, les yeux emplis de rire,
Un petit air de rien dont les oiseaux s’éprirent…

dimanche 15 novembre 2015

Au gué

Je suis mort dans ce temps comme d’autres s’en viennent,
Ultime traducteur de kabbales anciennes.
Au jour du jugement, rien ne sera compté
Qui ne fut, même un peu, germe de vacuité.

samedi 14 novembre 2015

Barbarie

La violence est passée, projectiles feulant,
Dans les rues. Le grésil, devant le Bataclan,
Tente de diluer les taches, traînées sombres.
En vain. Le monde va, lâchant la proie pour l’ombre.

vendredi 13 novembre 2015

Eau-de-vie

La chartreuse est vert d’eau, tu la bois sans désir,
Je sais que les mauvais génies vont te saisir.
Tu penses qu’à ce jeu tu vas être vainqueur
Mais non, c’est toujours la belliqueuse liqueur.

jeudi 12 novembre 2015

Les jours

Tout est mis dans la boîte et nul ne sait l’ouvrir,
L’envie monte où le ciel cesse de réfléchir,
Les oiseaux sont partis vers d’étranges espaces.
Il fait froid, le bonheur plane comme un rapace.

mercredi 11 novembre 2015

Dédale

Encore un peu, le soir va glisser sur ton corps,
Le vent du crépuscule a plaqué trois accords.
Le cercle est refermé. Jouons à la marelle
Au fond du chemin creux qu’une fée ensorcelle.

mardi 10 novembre 2015

Aveu

Dans la décoration, je suis iconoclaste,
Ayant toujours voulu du vide dans le faste,
Effaçant sans façon les vanités perchées.
Sur ce point, vous ou moi, je n’ai jamais tranché…

lundi 9 novembre 2015

À l’aube

Je ne t’ai pas déplu. Tu ouvris les fenêtres.
Eut-il fallu rêver de l’avoir ou de l’être,
Aux heures des passions si joliment perdues ?
Les cinq lettres d’amour ? C’est le jeu du pendu.

dimanche 8 novembre 2015

Codicille

Rien n’en pourra sortir, de ce chaudron de vie
Donnant à gros bouillons tant de chair desservie,
Qui ne soit à l’encan du Ciel un témoignage,
Au plus offrant des Dieux, du peu de notre rage.

samedi 7 novembre 2015

Kerguelen

De cette île glacée dont je reviens à peine,
Il me reste des chants qui dans mon âme traînent,
Emportant les oiseaux sur les vagues brisées,
Leurs ailes déployées rêvant des alizés.

vendredi 6 novembre 2015

Hall

J’écoute le silence en transe dans la gare,
Il se blottit derrière un flot de sons bizarres
Et l’air est cisaillé d’interstices glacés.
J’attends. Tu donnes sens aux instants traversés.

jeudi 5 novembre 2015

Grimoires

Les mondes de papier se pressent à ma porte
En kaléidoscope étrange de cohortes
Et les flots d’encre noire, aussitôt répandus,
Viennent chercher au puits de mon âme leur dû.

mercredi 4 novembre 2015

Torrentueux

C’est l’homme du torrent, pieds de galets, racines,
En cascades tendues de jambes couleuvrines,
Au teint de vif argent, qui vous glace le sang
Sans jamais s’arrêter, sur un lit si glissant.

mardi 3 novembre 2015

Trompeuse sente

Dans la forêt des hêtres rouges, le sentier
Conduit sans doute à la clairière du moutier…
Mais attention, les esprits jouent dans les feuillages
Et, les suivant, tu feras d’étranges voyages.

lundi 2 novembre 2015

Les yeux noirs

Le lac de tes yeux noirs est un miroir liquide
Immense qui se perd dans les peurs et les vides,
Au bord desquels les cils s’ouvrent à l’au-delà,
Puissé-je me noyer dans ce bel entrelacs.

dimanche 1 novembre 2015

Sénescence

La feuille qui vacille aux frimas de l’automne
Un matin se rompt, choit, d’audace tourbillonne,
Attirée par le sol aussi bien que par l’air,
Offrant au soleil bas sa palpitante chair.

samedi 31 octobre 2015

Voie d’accès

Le sol est rebutant, l’atmosphère étouffante,
Une mouche vrombit. Noir, d’humeur massacrante
Aussi, le chat se plaît à me déconcentrer.
J’ai mis tout mon espoir dans la porte d’entrée.

vendredi 30 octobre 2015

Remède

Je pensais, te cherchant, que la douleur irait
Se faire pendre ailleurs, mais ce jour tu dis vrai,
Que ma détresse avait des relents d’égotisme
Et tes doigts m’ont frôlé comme un rayon le prisme.

jeudi 29 octobre 2015

Source

Il suffit d’un instant de grâce et tout devient
Plus clair, dans une luminosité du rien,
Une voix qui nous touche, un geste de tendresse,
Un chemin de dépouillement puis d’allégresse.

mercredi 28 octobre 2015

Réalité

Elle a mis son tableau sur le vieux radiateur,
On y voit un jardin, des pommiers enchanteurs
Dessinés à grands traits de mines de cinabre,
Et tout du radiateur, peu à peu, se délabre.

mardi 27 octobre 2015

Détrempe

Je regarde le banc derrière la maison.
La pluie dans sa constance est plus qu’une oraison,
Le banc prend la couleur peu à peu des nuages
Et la terre et le ciel ont des rides sans âge.

lundi 26 octobre 2015

Usuriers

Ils se sont envolés, les hommes de la nuit,
Vêtus de grands manteaux, plus sombres que la suie.
Vers des jours sans espoir leur instinct bas les mène
Et leurs ailes crochues sans pause les entraîne.

dimanche 25 octobre 2015

Fantaisie

Des grands vitraux s’épand la lumière argentée
De la lune. Les livres, files enchantées
Dans la bibliothèque, en foule se maintiennent
Et sur leur cuir, pieds nus, dansent des fées anciennes.

samedi 24 octobre 2015

Blues

Tout était bleu ce matin-là, contre les pierres.
Appuyée, ta robe flottant, devant derrière,
Indifférente à ma détresse de ce jour,
Tu regardais l’aube gagner toute la cour.

vendredi 23 octobre 2015

In pace

Tu as toujours veillé que dans ce petit vase
Il reste un frais bouton de rose qui s’embrase
Au rouge des amours que le temps a fauchés,
Devant le portrait sombre, intense du cliché.

jeudi 22 octobre 2015

Emmaüs

Sur la planche en agglo, les fripes s’amoncellent,
On va fermer. Les vitres lentement ruissellent.
Il fait froid. Le dernier chaland s’en est allé,
Il venait d’acheter un vieux parka doublé.

mercredi 21 octobre 2015

Volonté

Il n’en est pas resté grand-chose, après l’été,
Quand les arbres sont pris de rage ensanglantée,
De ce courage lent qui remontait le fleuve
Et qui se fissurait sous l’assaut de l’épreuve.

mardi 20 octobre 2015

Choix

Je ne l’ai pas suivie, cette voie de lumière,
Elle avait des éclats, des lueurs mensongères.
Alors je suis parti sur des chemins tordus
Dont les arbres jadis abritaient des pendus.

lundi 19 octobre 2015

Faux semblants

Les corps se vendent bien, tout est dans l’apparence,
On n’existe qu’à plat, les selfies se balancent.
En masse les photos s’accumulent… à voir
Mais jamais la beauté ne remplit le miroir.

dimanche 18 octobre 2015

Ici ou là

Et si le temps te dit de n’être qu’un après,
Dans l’allée des senteurs florales des cyprès,
N’hésitons pas alors, enlacés par la taille,
À passer au présent par la vieille muraille.

samedi 17 octobre 2015

Émietté

Sur des miettes d’amour encore je picore,
Oiseau perdu dans ce monde monocolore.
À peine nés, le sort se mêle de nos vies,
Le chemin se fait rude, une chute suffit.

vendredi 16 octobre 2015

Crescendo

Au froissement des pages, elle se fait passionnée
(l’évasion de la cage où la colombe est née).
L’encens la brûle enfin, les mots vont en cascade,
En flots de poésie. Son cœur bat la chamade.

jeudi 15 octobre 2015

Hammam

Les pierres empilées fument en chuintant,
La vapeur en volute a des envies de temps,
Des corps ensevelis passivement s’emperlent
Et cueillent les lueurs qui dans les nues déferlent.

mercredi 14 octobre 2015

Arc-en-ciel

La foule a piétiné les fleurs, les cotillons,
La musique s’éloigne et nous désennuyons
Ces vestiges de joie pétrie de convenances :
Un seul baiser, voilà que la vérité danse.

mardi 13 octobre 2015

Lacis

Où ce chemin secret commence, nul ne sait…
Mais quand ? Un jour d’enfance, où vive tu dansais
Dans cette transparence oisive des secondes.
Ailleurs, sur cette voie, tout près, je vagabonde.

lundi 12 octobre 2015

Ombre et lumière

Des relents de folie traînent dans tes yeux sages,
Assise à l’ombre d’un oranger des Osages,
Il te plaît de garder un silence perdu.
Rêver à Pawhuska… le temps est suspendu.

dimanche 11 octobre 2015

Largo

J’ai la lenteur en moi comme une certitude.
À ce creuset, le temps garde sa plénitude
Et laisse deviner des interstices fins,
Quand l’instant se dilate en un saut de dauphin.

samedi 10 octobre 2015

La rivière

Aux balancements lents, tu accordes ton corps,
Même l’horizon danse au milieu du décor.
Au fil de l’eau ta main traîne et fait un sillage,
Où la rivière va, notre pensée voyage.

vendredi 9 octobre 2015

Vers…

J’ai oublié mon nom, j’ai perdu le chemin,
Des nappes de brouillard me dévorent les mains,
Mais qu’importe, l’amour court encor dans mes veines,
En cette vie qui court ou qui navigue vaine.

jeudi 8 octobre 2015

Laudes

Las du compte à rebours, les mécanismes font
Peu à peu le silence, et dans le lac profond
Qui reflète le ciel, la musique se lève,
Emplie de la clarté des êtres et des sèves.

mercredi 7 octobre 2015

Au-delà

Je ne sais que m’asseoir au ras des asphodèles,
En écoutant la voix des arbres, tout près d’elle,
Au soleil qui se lève une chaleur se tend.
Mon âme au loin dérive, amoureuse longtemps.

mardi 6 octobre 2015

La liste

J’ai vu les noms gravés, rouge sang, gris d’acier,
Sur les pierres scellées, de tous les suppliciés.
La cendre porte loin, les stèles se fissurent,
Aux portes de l’oubli, qui sait de vos blessures ?

lundi 5 octobre 2015

La Ravie

Sans doute un jour d’avril, après les infortunes,
Exquise, tu viendras me trouver à la brune,
Ici, vêtue de ciel et de nues qui rougeoient,
Ton sourire à lui seul dira ton nom… la Joie !

dimanche 4 octobre 2015

Timide

La tache de soleil caresse les pavés.
Un pigeon s’y pavane, et belle vous buvez,
Dédaignant mes regards, le fond de votre tasse.
Oserais-je mêler mon ombre à votre espace ?

samedi 3 octobre 2015

Mortel

Un jour vous le verrez, cet esprit facétieux,
Passant de monde en monde, hilare, par les cieux.
Si vous écoutez bien l’une de ses histoires,
Alors même la mort sera jubilatoire…

vendredi 2 octobre 2015

Violoniste

De cette fierté que tu as, je te l’accorde,
Exprimée par un jeu subtil de quatre cordes,
Il m’est resté l’écho des notes d'un oiseau,
Le babil de la rousserolle des roseaux.

jeudi 1 octobre 2015

Consolation

Assise devant moi, sourire à peine éclos,
Tu attends que je laisse enfin tarir le flot
Des détresses passées, des petitesses vaines
Et tu m’étreins si fort pour que je réapprenne…

mercredi 30 septembre 2015

À la fête

Désordre dans l’espace à la portée des corps,
Pantins aux fils ténus, braillards, dans le décor,
Tout est là, dans la glu tenace de l’ivresse,
Au fond, l’enfant frissonne et manque de tendresse.

mardi 29 septembre 2015

Libre silice

Dans l’azur pâle, étendue sur le sable blond,
Tu laisses aller l’armée des grains glisser le long
De ta peau noire : aucun n’ira jamais sous verre,
Enfermé dans le sablier du temps sévère…

lundi 28 septembre 2015

Morphisme

Écrire au fil de l’encre, entre ciel et papier
Dans le tumulte noir des mots, c’est perdre pied,
Se laisser entraîner dans les rivières blanches
Entre les mots jetés, quelle belle revanche !

dimanche 27 septembre 2015

Eau vive

Le réservoir est vide et la pluie ne vient pas,
L’eau du puits se dérobe, il faut aller plus bas,
La vouivre garde encor le grand lac sous la terre,
Il fait chaud, il fait froid, la source est le mystère.

samedi 26 septembre 2015

Altérité

Sous l’oreiller je cache un étrange trou noir
Au fond duquel je sais dans les volutes choir,
Sans que son horizon jamais ne me ramène,
Exhumée du sommeil, la chair se veut humaine.

vendredi 25 septembre 2015

Des routes

Sur tes lunettes file en reflets bleus le rail
Qui longe indifférent le bord, où que tu ailles,
Aussi longtemps que va le monstre de métal
Et, derrière le verre, une larme s’étale…

jeudi 24 septembre 2015

Sous la futaie

Je cours sur les rochers, la pente est souveraine.
Ici les arbres noirs s’élèvent près des graines
Enfouies dans l’humus. Les branches des chablis
Grincent des mots anciens. Je cours vers mon oubli.

mercredi 23 septembre 2015

Licorne

Elle a posé sa tête en son giron, sans bruit.
Tout autour des lueurs semblent chasser la nuit.
La Dame est à l’orée d’une forêt profonde,
D’elle ou de l’eau qui court, quelles plus pures ondes ?

mardi 22 septembre 2015

Jeu de Kim

Il doit mémoriser, sur le plateau de verre,
Un crâne, un stylomine, un sabre, un revolver,
Mille autres objets puis le Maître en enlève un :
La vie ôtée… perdu ! Le joueur meurt en vain ?

lundi 21 septembre 2015

Soirée

Ses chaussettes pendues devant la cheminée,
Sur un banc fait de bûches, il attend, chagriné
Qu’elle ne soit pas là, la soupe est pourtant bonne,
Il l’a mise à chauffer. Le chat béat ronronne.

dimanche 20 septembre 2015

Fin de vigne

Les ceps au flanc du val peu à peu s’ensauvagent,
En grains petits, serrés, racontant le breuvage
Et la coupe vermeille, au soir des fins d’été.
La vigne à l’abandon, qui n’a pas regretté ?

samedi 19 septembre 2015

Polcanto

Madeleine a pour lui le plus beau des sourires,
Andrea lui rend bien, pas besoin de traduire.
Deux êtres enlacés ne laissent pas de bois.
Oui, c’est le mot qui fonde et le vin qui se boit !

vendredi 18 septembre 2015

Paréidolie

Du beau papier vergé, les taches de vieillesse,
Après quelques instants, livrent une sagesse
Issue des formes vues cachées sous les mots noirs,
Un sentiment de vaincre enfin l’aléatoire.

jeudi 17 septembre 2015

Au vert

Pardonnez-moi, les brins d’herbe, de piétiner
Vos verts espaces, pour un charmant déjeuner.
Fourmis vaquez à vos affaires incessantes,
Oubliez-moi le temps d’une sieste innocente.

mercredi 16 septembre 2015

Acrimonie

Méchamment elle allait planter sa banderille
Et je restais cloué, les yeux comme des billes,
À ne pas savoir quoi, l’amour soudain glacé.
Sur cet air discordant, je ne sais pas danser.

mardi 15 septembre 2015

Fatuité

Les lunettes donnaient à sa benoîte face
Une note d’esprit, quelque lueur sagace
Et quand il posait dans son bureau Consulat,
Le creux de sa pensée paraissait presque plat.

lundi 14 septembre 2015

À la page

Derrière la maison se tient le banc de pierre,
Au pied de la fontaine, aussi vieux que la terre.
Une dame est assise : ombrelle du dimanche,
Une goutte de sang sur une page blanche.

dimanche 13 septembre 2015

Vie chère

La vie est un costume étrangement tissé,
De trames et de fils sciemment damassés.
S’il t’est trop rude alors tu peux bien t’en défaire,
Qu’à l’amour seulement ton geste se réfère.

samedi 12 septembre 2015

Vive joie

Dans le duvet des clématites j’ai laissé
Quelques bribes de joies aux teintes nuancées
Pour qu’un rayon moqueur un instant s’en saisisse
Et qu’ainsi diffusées jamais ne dépérissent.

vendredi 11 septembre 2015

À tire d’ailes

Quatre légions venues des quatre coins des cieux
En fauves, pers éclats, écarlates précieux,
S’échappant des vitraux, convergent vers l’autel
Pour y fondre leurs feux. Les anges sont mortels.

jeudi 10 septembre 2015

Gisante

Elle était allongée sur la table de pierre.
Elle avait attendu si longtemps que le lierre
En amoureuse liane l’avait épousée.
Des statues à l’entour, il fut fort jalousé.

mercredi 9 septembre 2015

Lanterne magique

Le paravent de soie calligraphié sépare
Habilement les corps sur le tapis épars
Et comme tatoués se projettent les mots
Dont personne ne sait le sens. Ecce homo.

mardi 8 septembre 2015

Mesure de l’amour

J’irai vous dénicher jusqu’au bout de la terre
Alors que chacun sait qu’un bout sur une sphère,
Ça ne se trouve pas. J’oublierai la raison.
Sans vous mon cœur meurtri tambourine aux cloisons.

lundi 7 septembre 2015

Si las

Encore un bout de bois, le feu repart à peine.
Avide, la nuit va, serpente entre les bennes.
Ici le temps se fige et les âmes ont froid,
L’espérance voltige et tombe de non-droit.

dimanche 6 septembre 2015

Brins d’herbe

Assise sur le sol, dans la chaleur qui monte,
Elle écoute le soir, les herbes qui racontent
Interminablement les jours inassouvis,
Lorsque d’un même élan, naissent, meurent les vies.

samedi 5 septembre 2015

Persistance

De la chambre où les draps pâlissent de vieillesse,
Une musique sourd en bordée de tendresse,
Il est onze heures, un flot de lumière jaillit,
Je me lève en sueur, mon cœur a défailli.

vendredi 4 septembre 2015

Épée

D’hermine est le revers de son fourreau de guerre,
Elle passe à travers les champs comme les chairs.
D’argent sous la clarté féroce de la lune,
Obscure est son pouvoir qui vient des mortes runes.

jeudi 3 septembre 2015

Suicide

Un homme s’est jeté du haut du pont Burrard,
À Vancouver. Autour, les bateaux des richards
Sont à quai. Pas besoin de cailloux dans les poches,
Il coule dans la baie. Plus de vagues, des roches.

mercredi 2 septembre 2015

Sérère

Je marche à ses côtés, mon cahier d’écolier
Ouvert, pour y glisser les plantes oubliées.
Lui les connaît, les simples, les rares espèces,
En maître paysan d’expérience et sagesse.

mardi 1 septembre 2015

Fugace

Les nuages au ciel, les vagues sur la mer,
C’est la fascination des formes éphémères,
Au milieu je navigue et tout de moi me crie
Le destin passager d’un être humain. Je prie.

lundi 31 août 2015

Camarde

Sur la jetée du crépuscule ils sont tous deux,
L’une est en habit de soirée, l’autre piteux.
Quand elle arpente le ponton, fort aguicheuse,
Il reconnaît devant lui la Grande Faucheuse.

dimanche 30 août 2015

Feu follet

Tu es la menue fée de la fête foraine
Et voltes çà et là, prête à mille fredaines,
Au milieu des flonflons, ton rire tant ravi,
Ces paillettes dorées sur ta peau, me convient.

samedi 29 août 2015

Fat

Il arbore grossier de l’or à pleines dents,
Stupide carnassier d’un monde décadent.
Tout au fond, sous les fards, les poses de flambeur,
Les costumes blafards, dissimulée, la peur.

vendredi 28 août 2015

Binaire

Dans la cabine nue vit le projectionniste,
Il n’a plus ses charbons, sa pellicule, triste.
Ici la croix de Malte est un rêve lointain,
Le numérique est froid comme un petit matin.

jeudi 27 août 2015

Au-dessus

L’échelle est suspendue dans le fond du grenier.
Je devine dans l’ombre un vieux sac de meunier.
Le rayon de soleil qui tranche la poussière
Ouvre le temps perdu comme une orange amère.

mercredi 26 août 2015

Duo

Tu n’as pas ta pareille à dire avec les yeux
Ce gonflement du cœur qui monte silencieux,
Je le prends au dedans, ma main contre la tienne.
Ensemble nous avons la joie comme la peine.

mardi 25 août 2015

Les mots roulent

De ma peine puisées, les paroles s’enchaînent,
Rondes comme les roues de ma petite reine.
Un lacet, deux lacets, le col me joue des tours,
Tandis que plane haut l’impassible vautour.

lundi 24 août 2015

Lithosphère

Des pierres sont gravées parmi les pavés nus
Sans que nul ne les voie. La foule est convenue.
Quand bruissent les statues, que les ombres bleuissent,
Une humeur minérale en mon âme se glisse.

dimanche 23 août 2015

Le goût de la terre

Il ne me reste plus, en terre nourricière,
Au milieu des gravats, qu’à mordre la poussière,
Avoir un goût de sel et de sang mélangés.
Qui a, d’elle ou de nous, de nature changé ?

samedi 22 août 2015

Gros son

Des basses saturées, les noires harmoniques
Exhalent dans la rue leur fièvre mécanique
Et le vent qui maraude en fait bien peu de cas :
L’orage qui s’approche est d’un autre fracas.

vendredi 21 août 2015

Fossile

Dans l’argile, le corps, imprimé de sa peine,
Étire en ronde-bosse une histoire lointaine
Et nous, dans la pénombre où gisent nos cités,
Dissertons inconscients de notre vanité.

jeudi 20 août 2015

Confiance

En terres inconnues, nous sommes mains serrées,
Bouches avides, nus, l’un ou l’autre effleurés,
Des silences précis, sur nos peaux frémissantes
Entièrement données, jamais ici ne mentent.

mercredi 19 août 2015

En liberté

Vivante, titubant de ne pas regarder
Le monde à l’aune des affiches placardées,
Sa jupe cingle loin dans les mers insipides
Et son rire fracasse : elle est source limpide.

mardi 18 août 2015

Si loin

Il n’est que l’horizon, de la blancheur des routes,
À résister encore au bitume sans doute.
Et qu’en est-il des jours que tous deux nous rêvions ?
L’arc-en-ciel jaillissant des traînées d’un avion ?

lundi 17 août 2015

Chaînes sans fin

Des tombereaux roulent encor sur les chemins
Creux, dans les brumes de l’aurore, mais d’humains,
Pas une trace, il s’agit de fantômes liges
Assidûment à la besogne, vains auriges.

dimanche 16 août 2015

Boniment

Du commercial sourire, en vain réitéré,
Je n’ai cure. Il suffit d’attendre qu’effleuré
Par la fragile fleur de la vérité nue,
L’homme enfin se dessille au seuil de l’inconnu.

samedi 15 août 2015

Fin de soirée

Les flonflons se sont tus, les gens quittent la place.
Au loin, quelques éclairs de chaleur s’entrelacent.
Une chouette chevêche hulule au creux d’un tronc,
La nuit reprend son dû, le temps se love en rond.

vendredi 14 août 2015

Repos

Ménage tes efforts, ma vieille haridelle,
Il se fait tard, rejoins ta petite pradelle
Où la flouve odorante et le trèfle te font
La plus douce litière et des rêves profonds.

jeudi 13 août 2015

Ferrailleur

Je suis dans la ferraille et laisse tout dehors,
Des poutrelles d’acier, de vieux escalators,
Devant, c’est ma muraille en carcasses de tôle.
Au pied je suis blotti, je sais tout, je contrôle.

mercredi 12 août 2015

Sorcière

Tu es, insoucieuse, à l’orée des hivers
Et vas, sans que le temps te frôle d’un revers,
Mais faut-il à ce prix se priver de mémoire
Au point de ne compter que sur de vieux grimoires ?

mardi 11 août 2015

Mémoire de chêne

Tu t'appelais Gauvin, tu m'as planté jadis
Au bord d'un champ de blé, maintenant de maïs.
J'ai gardé la mémoire enfouie de mes branches,
Il se fera longtemps avant que l'on me tranche.

lundi 10 août 2015

Ébloui

L'eau du canal se ride au vent du crépuscule,
Où les derniers rayons en mille particules
Éparpillent l'espace, et sur ta peau bronzée
Laissent de lumineuses taches t'embraser.

dimanche 9 août 2015

Calcul

Le vingt-trois, boulevard des apothicaires
Est presque en face du  quarante-deux, notaires
Et rien ne dit, pour celui qui bat le pavé
Que le secret se trouve entre les deux, rêvé…

samedi 8 août 2015

Choses sues

Les croisillons gauchis, les vitres fissurées,
La fenêtre gémit, offerte aux vents madrés.
J'écoute. Au bord du lit, un rayon de lumière
Illumine aussi la mémoire de poussière.

vendredi 7 août 2015

Relief

La granulosité du monde est un message,
En ronde-bosse avec les strates de nuages,
Océans et déserts, montagnes et forêts,
Qui donc a le recul pour trouver le secret ?

jeudi 6 août 2015

Rêve de terre

La passagère clandestine rêve encor,
Oubliant que fument les ruines, tous ces corps.
Elle s'envole avec le vent, la brigantine.
Au loin, la côte des vivants la prédestine.

mercredi 5 août 2015

Vade-mecum

Sa veste était trouée, mais les poches étaient sûres
Et jamais rien ne se perdait dans la doublure.
À sa mort on trouva dans sa poche de cœur
Une lettre d'amour, et dessus, une fleur.

mardi 4 août 2015

Avant la fugue

Prélude en la mineur. La nef soudain palpite,
Et les voûtes déploient leurs ailes de granite.
En dessous, la musique est un pur océan
Dans lequel je m’immerge avec un cœur béant.

lundi 3 août 2015

Là-haut

Tu monteras plus haut que tous les bancs de brume
Et le sel de ta peau blanchira sous l'écume,
Encore un peu, la joie dans l'air pur des sommets
Te saisira. La vie, quand le corps n'en peut mais.

dimanche 2 août 2015

Glissade

En chaussettes, tu cours sur la dalle de marbre,
On dirait un chaton voulant quitter un arbre,
Et même en cahotant, ta grâce me séduit,
Je te lance : « Une danse ? Et c'est moi qui conduis !  »

samedi 1 août 2015

Ordre

Le sous-main de cuir vert est posé tout au bord
Du bureau. Les classeurs, les cahiers à ressort,
Le stylo, le buvard sont à la place dite,
Or le chaos jaillit de ma plume maudite.

vendredi 31 juillet 2015

Au creux

Dans un été toujours, de poussières dorées,
Je sais les chemins creux, les voies inexplorées,
Les bêtes là blotties, la fraîcheur du feuillage,
Au fond de moi, tapies, cette faim, cette rage.

jeudi 30 juillet 2015

Alcool

La bouteille est vidée, les souvenirs se traînent
Et leur vie parallèle à la mienne m'engrène.
Avec ou sans liqueur, la mélancolie tue.
Je regarde le fond de mon verre. Où es-tu ?

mercredi 29 juillet 2015

Vélo vole

En longeant le chemin des saules, pédalant,
Je remarquais qu'elle suivait, d'un bel élan,
Toute élégante, la mésange penduline,
Au gazouillis d'une mélodie sibylline.

mardi 28 juillet 2015

Aux prés

Les prairies de ma terre en sont les vêtements,
D'élégante émeraude où dansent les amants,
D'un tendre vert prasin pour les bêtes qui paissent,
Et leur frais ondoiement toujours une caresse.

lundi 27 juillet 2015

Porziúncola

Un jour de tremblement, Sainte-Marie-des-Anges
Où je me tins, fragile, entre cris et louanges,
Abandonné, je pris des roses du pêcheur,
Sans épines, pourtant je fus touché au cœur.

dimanche 26 juillet 2015

Sous-marin

La coque de métal, sous le poids des abysses,
Étrangement gémit, tandis que les hélices
Arrachent peu à peu le mortel léviathan
Des profondeurs. Survient le fatidique instant.

samedi 25 juillet 2015

Orient-Express

Je vous vis quelque part entre Munich et Vienne,
Au fumoir, apaisée, le regard sur la plaine,
Élégamment vêtue, vous fumiez une Anic.
Idylle. Vous partîtes entre Vienne et Munich.

vendredi 24 juillet 2015

Pasta asciutta

Une tendance à fuir, qui jamais n'a de cesse
Au bord de l'égouttoir, de ces pâtes m'oppresse :
Est-il si fascinant de finir dans l'évier,
Plutôt que de s'offrir au puits de mon gosier ?

jeudi 23 juillet 2015

À la porte

Je t'ouvris ma maison comme on efface un huis,
Toi qui surgissais, pâle, au mitan de la nuit,
Les mains crispées, la peur au fond de tes prunelles...
Une seconde encore, enfin je te vis, belle.

mercredi 22 juillet 2015

Cathédrale de paille

Ils l'ont faite serrée, majestueusement
Dressée, fière, bâtie de paille de froment.
Les balles montent haut, la nef est vive et fraîche
Et même le clocher de chaume monte en flèche.

mardi 21 juillet 2015

Désert

Trop d'écume, de sel, un soleil dévoreur,
La terre où tu vécus se perd dans sa sueur.
La Voie Lactée se tait, la manne, en vain céleste,
Oublie. Tu enfouis la semence qui reste.

lundi 20 juillet 2015

Glorieux mensonge

Je rêve de ce livre, où rien n'est délivré
Du rêve qui m'enivre, à l’œuvre désœuvré,
De forme cancrizane enfouie sous le charme,
Au sens comme le sang qui coule avec les larmes.

dimanche 19 juillet 2015

Sous le projo

Sortie du bar, Emma va vers le lampadaire.
Elle bouge, elle bouge et le rond de lumière
Aléatoirement se pose sur son corps.
La rue est son théâtre et le temps fait le mort.

samedi 18 juillet 2015

Au jardin

Au milieu du gazon, vit la tortue de pierre,
Elle a son cou tendu, par-delà la barrière.
Il lui faudra mille ans pour faire un premier pas.
Minéral ou de chair, le temps ne compte pas...

vendredi 17 juillet 2015

Précaution

Il signe au son des douze coups de la pendule
Et satisfait, manie son buvard à bascule :
Avec ce codicille, il n'est pas de raison
Pour l'occire avant la normale conclusion.

jeudi 16 juillet 2015

Discorde

Le combiné de bakélite est suspendu
Par son fil tors comme une corde de pendu.
De l'écouteur sort une voix qui s'égosille.
À l'autre bout, depuis longtemps, se tait la fille.

mercredi 15 juillet 2015

Appendice

Il avait le poil noir, mais la moustache rousse
À ce point qu'à le voir, il suscitait la frousse.
Aussi finit-il par, après bien des années,
La raser. Désespoir, on ne vit que son nez !

mardi 14 juillet 2015

Mystique du chat

La pelote de laine a filé sous la maie,
Le fantôme du chat l'y aurait poussé, mais
Les esprits cartésiens, pour les dites pelotes,
Ont des chats à fouetter trop raides dans leurs bottes.

lundi 13 juillet 2015

Messidor

Juché sur la moisson, le chardonneret balle,
À peine soutenu par l'épi vertical.
Où le vent souffle il va, gazouillant à l'envi,
L'océan blond, l'azur, l'oiseau vole ravi.

dimanche 12 juillet 2015

Derrière les livres

Le mur est recouvert d'ouvrages reliés,
Si justement serrés, que tous ont oublié
La porte dérobée qui mène à une salle
Où furent enterrées des pensées abyssales.

samedi 11 juillet 2015

Ex machina

L'exactitude sied aux mécaniques fines,
Une ancre qui s'échappe, un foliot qui dodine,
Et le chaland ne sait rien de cet univers :
Il admire l'endroit mais dédaigne l'envers.

vendredi 10 juillet 2015

Éléments

L'or fondu brille et coule en son creuset de pierre,
Un pollen se répand comme fine poussière.
Au loin crient la débâcle et ses plaques d'argent,
Plus loin encor le soc, dans le sillon, plongeant.

jeudi 9 juillet 2015

Changement de phase

De la tasse de thé, la vapeur se dissipe
Avec elle le flot des pensées s'émancipe,
Ainsi rien ne s'oppose à leur dilatation…
Pour quelques gouttes d'encre après condensation.

mercredi 8 juillet 2015

Danse au-dessus

Sur cet air d'« In the Mood » d'un Glenn Miller Quartet,
Elle enchaînait ses pas en jouant des claquettes
Et semblait échapper à la commune loi
De la pesanteur, si rude pour vous ou moi...

mardi 7 juillet 2015

Hors du cadre

Elle a les cotillons que l'on porte aux moissons,
Légers, de coton frais, sans être polissons.
Je la vois qui sourit sur la carte postale.
Elle en jaillit soudain, pimpante dans la salle.

lundi 6 juillet 2015

Lumière rasante

La maison de l'hôtesse a des pierres gravées
Qui disent les secrets que la pluie a lavés.
Le soleil à cette heure effleure les intailles
Et l'ombre clarifie les pensées des murailles.

dimanche 5 juillet 2015

Vacuum

Les graphes buissonnants cascadent sur les bords
Où l'Univers se plaît aux échelles encor,
Au point que la pensée sombre dans le néant :
Le vide et l'infini sont un même océan.

samedi 4 juillet 2015

Petite joie

Les cannes de Provence, en maquis élancés,
Colonisent sans fin les talus délaissés,
Mais le cycliste las, de cette ombre bruissante,
Éprouve une fraîcheur qui l'aide dans la pente.

vendredi 3 juillet 2015

Visage

De ses lèvres, le rouge a des teintes lassées
D'avoir, goulues ou pas, des lèvres embrassées.
De ses yeux, le bleu nuit de toutes les alcôves
A le feu qu'ont parfois en cage les grands fauves.

jeudi 2 juillet 2015

Corridor

Mon rêve se prolonge, un rêve en blanc et noir,
Cet éléphant de pierre au milieu du couloir.
Des visages aimés s'affichent sans sourire
Et je cherche le tien dans la nuit qui s'étire.

mercredi 1 juillet 2015

Ainsi va

Au fil des pas perdus, l'aléa me concerne.
Une maîtresse mouche au hasard se gouverne
Et donne à mon destin quelque principe clair :
Le but ou le chemin sont paroles en l'air.

mardi 30 juin 2015

Temps d'un sourire

Un détail aggravant : ta mine réservée
Soudain s'épanouit, fragile, captivée,
Faisant tomber le masque, arrivant à séduire
En ce, tout à la fois, premier, dernier sourire.

lundi 29 juin 2015

Battements

Les plumes en tous points se lient pour que les ailes
À la faveur du vent se gonflent vives, frêles
Et les grains de lumière, à leurs franges tissés,
D'incertitude créent leur étrange odyssée.

dimanche 28 juin 2015

Blé de miracle

Achetez, achetez ! C'est une affaire en or !
Ce froment-là vous comble un grenier à ras bord !
Voyez ces épis lourds, branchus, cette farine,
Une telle moisson, c'est la manne divine !

samedi 27 juin 2015

Enchanteresse

Un geste de tes mains, magicienne de l'air,
Me charme. Es-tu la fée, la mutine âme-chair,
Immortelle à nos sens, qui pousse les humains
Vers des lieux de hasard… d'un geste de tes mains ?

vendredi 26 juin 2015

La toile

Les données grises s'éternisent dans le flux
Sans fin qui coule, inerte foule, à peine lues.
Les mariniers voguent liés à ces eaux sombres,
En espérant sortir du rang malgré le nombre.

jeudi 25 juin 2015

Vu de la tour

Ses tuiles revêtues de roux, rose et carmin
Font une belle armure, au-dessus du jasmin,
D'écailles miroitant sous les ondes solaires.
Ivre, le martinet se noie dans le ciel clair.

mercredi 24 juin 2015

À nu

Il me serre la main comme on sauve sa peau,
Suspendu dans le vide au-dessus du clapot
Menaçant du ressac, quand les rochers affleurent
Et puis, sans retenue, dans ce naufrage, il pleure.

mardi 23 juin 2015

Bibliothèque

J'aime venir dans la Grand Salle et revoir ses
Belles alcôves, vieux ouvrages entassés,
Quand, de ma vie, les wagonnets sont à la peine.
Ici la paix des jours passés est souveraine.

lundi 22 juin 2015

Poste restante

Des pierres au miroir, quelques dalles usées
Par les milliers de pas de gens inapaisés
Comptent l'espace hostile entre la porte et moi.
Rien dans la boîte encor, revenir dans un mois...

dimanche 21 juin 2015

Ouzoum

Vois ces brebis de pierre, au cirque du Litor,
En troupeaux lents et fiers, minérales pécores,
Sis aux flancs bruns et verts des ombrées et soulanes,
Ose, délie la chair du sort qui la condamne.

samedi 20 juin 2015

Amourette

La brize hoche ses cœurs si délicatement
Que je ne sais si d'elle ou de vous le moment
De grâce est à son point le plus inexprimable,
Ainsi la dune agrège entre eux les grains de sable.

vendredi 19 juin 2015

Adieux

Longtemps je restais là, sur le quai de la gare,
À observer les gens, l'allure, le regard,
En espérant trouver quelque similitude
Avec vous, mais je fus transi de solitude.

jeudi 18 juin 2015

Humbles

À Longue bride et Petit pas, j'envoie ce mot :
Continuez votre chemin, par les hameaux.
Dans les plus modestes logis, trouvez refuge.
Et ne craignez pas que le sot, mordant, vous juge.

mercredi 17 juin 2015

In caelis

La caldeira se tait, ses eaux de bleu serties,
Qu’au fond les anciens dieux des temples engloutis
Contemplent du dessous, ce miroir si changeant,
Ne concevant de ciel qui soit noir ou argent.

mardi 16 juin 2015

Ballon

Il abhorrait le tour de la conversation,
Ces modesties gonflées de viles prétentions.
Fixant alors son verre et ses anamorphoses,
Il souriait de voir le bestiaire qui pose.

lundi 15 juin 2015

Art Poétique

Il s’était accroupi sur le tapis de laine
Avec à ses côtés les œuvres de Verlaine,
Happant les mots posés sur les pages jaunies :
« Que ton vers soit la chose envolée »… que nenni !

dimanche 14 juin 2015

Entre nous

Faut-il que de ta bouche un malheureux sourire
Ait endeuillé mon jour, n'ayant pas su te dire
À quel point je voulais que le monde connût
La beauté de ton âme en ton corps si menu ?

samedi 13 juin 2015

Lézardes

Les courbes sinuées de l'encre sur la page
En noir ont révélé cet étrange message :
« Entre ces mots, vont fiers les loups de la pensée,
Prêts à mordre l’esprit, dans la faille, enchâssé. »

vendredi 12 juin 2015

Au bal

Au bal des jours heureux, la musique est silence,
À l’éclat de tes yeux, ton sourire, je danse,
Et toute l’eau du ciel vainement peut tomber,
Jamais nos pas unis ne vont se dérober.

jeudi 11 juin 2015

De profundis

La froide eau de l’abysse en ténèbres suinte
Où la crypte sommeille, au fond du labyrinthe,
Oubliée des humains qui trépident là-haut :
D’eux à elle une vaine attente du chaos.

mercredi 10 juin 2015

Trait pour trait

Le peintre était devant un portrait difficile,
Une femme ridée, toute vieille, un fossile,
Et la difficulté venait que sa beauté
Jamais ne se laissait sur la toile insulter.

mardi 9 juin 2015

Fusilli

Au fond de l’eau qui bout, l’hélicoïde pâte
A des sursauts debout, parmi les aromates,
Appelant au secours, face au destin cruel :
Être noyé, bouilli, finir dans l’écuelle.

lundi 8 juin 2015

Ascendance

De ses torrents lovés, la montagne bruisselle
Et l’air qui se réchauffe au soleil étincelle.
Encore un martinet qui s’élance au zénith,
Très haut, dans la splendeur des parois de granit.

dimanche 7 juin 2015

Circonstance

Le luxe qui m’échoit tient à si peu de chose :
Un matin, la rosée, qui perle sur la rose
En bouton que je cueille en me piquant le doigt,
Gouttes d’eau puis de sang, c’est l’instant que je bois.

samedi 6 juin 2015

Intimes

Memento, lai, rondeau, que de mots tatoués
Sur ta peau fraîchement, souvenirs avoués
Qui glissent sur le corps, comme autant de sésames.
Au Yi Jing je me plie dans les plis de ton âme.

vendredi 5 juin 2015

En vie

Le grillon porte loin quand, tenace, il stridule.
Il n’a pas son pareil au chant du crépuscule
Et sa ténacité me dit que la vie tend
À donner à chacun sa fractale du temps.

jeudi 4 juin 2015

Inclinaison

L’écliptique a son plan qui, de juste raison,
Nous enjoint d’aller au bal des quatre saisons.
Ta robe est au printemps, ton giron notre été,
L’automne les enfants, l’hiver d’avoir été.

mercredi 3 juin 2015

Sur cette pierre

Le bestiaire du haut des pinacles se tait.
Les colosses figés dans la pierre futaie
Rassemblent lentement leur fureur minérale.
En dessous les passants oublient la cathédrale.

mardi 2 juin 2015

Faille

Un enfant se déplace en riant sur le bord
D’un trottoir. Il se tient en haut d’un château fort.
Au-dessous, un archer tente en vain de l’atteindre.
Étrange que le Tout puisse ainsi se disjoindre…

lundi 1 juin 2015

Secrète histoire

Au fond des mauves diamants sont enchâssés
Les visages des pauvres gens des temps passés.
Sur le velours de nuit, leurs feux nobles se fanent
Au secret désespoir de la vieille sultane.

dimanche 31 mai 2015

Une vie

Cette âpre certitude émerge avec le temps,
Nous n’avons qu’une vie qu’il faut payer comptant,
Même s’il faut languir dans d’infâmes sentines
Et boire sans amour des liqueurs assassines.

samedi 30 mai 2015

Funérailles

D’en haut les parapluies sont comme des fleurs noires,
Amples, épanouis dans cette pataugeoire,
Agglutinés, soumis au temps qui lave tout.
Dessous, ma tendre amie, je vous ai vue debout.

vendredi 29 mai 2015

Instant de grâce

Butinant çà et là, tu vas comme une abeille,
Ange zinzinulant quand le ciel t’ensoleille,
Au bord de ton chemin, tout le monde sourit,
Ta marche est une danse, ô passante en sari.

jeudi 28 mai 2015

Illusoires

Le voile soulevé des secrètes résilles
Enflamme le regard telle une banderille
Et le sourire feint qui se révèle alors
Fait qu’on distingue assez l’argent qui singe l’or.

mercredi 27 mai 2015

Vacarme

Ils furent abattus, les piliers du Silence,
Avec l’effroi du monde et sa désespérance.
Ils auraient pu tenir au milieu de la boue,
Mais le bruit des humains ne laisse rien debout.

mardi 26 mai 2015

Tea for two

Serein, le jour décline et ma tasse de thé,
De ses vapeurs, câline ma gorge éreintée,
La tienne aussi se laisse, au fil de leurs caresses,
Enthousiasmer. L’été. La tasse enchanteresse.

lundi 25 mai 2015

La dame du 6

Alice a tout laissé, ses mains volent encor
Au-dessus des nuées, qui plaquent des accords
Légers. Son rire est là comme un chant d’alouette.
Elle a vu la beauté dans les yeux de la Bête.

dimanche 24 mai 2015

Ces silences

Je me souviens des mots que tu lançais, si sûre,
Et qui me lacéraient comme autant de blessures.
Aujourd’hui tu te tais, c’est bien pire qu’avant.
J’en viens à regretter ces cris d’engoulevent.

samedi 23 mai 2015

Des tertres

Les autres sont partis, la terre en vain foisonne,
Au vent d’entre les mondes un passereau frissonne.
Il neige. Imperceptiblement, le monde meurt.
De la peau jusqu’aux os, je ne suis pas d’humeur.

vendredi 22 mai 2015

À la rue

Visages fragmentés de mille éclats de verre,
Où êtes-vous, réels, dans cette nouvelle ère ?
Incertain, vacillant, je sillonne les rues.
Les regards sont ailleurs, je ne vous ai pas vus.

jeudi 21 mai 2015

L’eau qui dort

Le fleuve à dos rompus qui roule dans son lit
Reflète un crépuscule alors qu’il est midi.
Le nautonier ricane, il conduit sa gabarre
Et dans les flots boueux vont des couleuvres noires.

mercredi 20 mai 2015

Voie d’eau

Le cavalier songeur, le long du canal fauve,
Écoute la glycine égouttant ses fleurs mauves.
Au fil de ce chemin de halage, il se voit,
Sur son cheval docile, ayant perdu sa voie.

mardi 19 mai 2015

Marche forcée

Un chapeau blanc de toile, une veste de jean,
Des lunettes foncées pour camoufler son spleen,
Posée sur une marche, elle attend l’ouverture
Avare du guichet qui livre les coupures…

lundi 18 mai 2015

De nous

Sentir le goût du sel sur vos épaules nues,
Par vos yeux éblouis voir nos âmes menues
S’étreindre et s’envoler contre les vents mauvais,
Je l’ai rêvé de vous. Sur vos passées je vais.

dimanche 17 mai 2015

Foule

Envers et contre tout, je fais ce que je dois,
Le flot serré des gens me frôle et me rudoie,
Pas une main tendue ni même un œil qui frise
En ce fluide las, je me fissure et brise.

samedi 16 mai 2015

Florilège

Sur le papier vergé, son écriture dense
Est ponctuée de fleurs de toutes les nuances,
Avec délicatesse équilibrant les mots.
Ses phrases sont dès lors comme de vifs rameaux.

vendredi 15 mai 2015

Fait divers

Elle avait tout des fées qu’une corolle enivre,
Elle savait par cœur cette danse de vivre
Alors qu’elle tremblait sur celle de mourir.
Hélène s’en allait. Des anges vont périr.

jeudi 14 mai 2015

Wonderland

Alice en a soupé des potions et des clefs,
Grandir, rapetisser, sans cesse recycler
Sa propre chair, subir l’ironie sibylline
Et folle du chat de Chester, sous ses babines…

mercredi 13 mai 2015

Dits non dits

Un sourire, ses lèvres soudain m’ont confié
Quelques mots inaudibles. Je suis terrifié.
L’instant passe, les mots toujours entre nous flottent
Et la flamme ambiguë d’une bougie tremblote…

Voie d’extinction

À vélo, je parcours les longues galeries.
Tous les livres de la dernière librairie
S’entassent sur les murs, s’effacent dans le noir,
L’obscurité s’étend comme un lent désespoir.

lundi 11 mai 2015

Fiorentina

Où est-il ce foulard que vous fîtes tomber
Du Ponte Vecchio ? Dieu, que vos cheveux nimbés
De la pâle lueur d’un matin de décembre
Avaient autour de vous les doux éclats de l'ambre !

dimanche 10 mai 2015

Stochastique

Rien de ce qui me tue ne me laisse docile.
Au casino, les Parques sont à domicile.
Un coup de dés. Le jeu dresse tant de miroirs…
Entrez ! La Vanité se vêt de collants noirs.

samedi 9 mai 2015

D’en haut

Je m’imagine dans cette petite église :
Au fond, des gouttes d’eau dans le bénitier brisent,
Intruses, le silence : est-ce le toit qui fuit ?
Quelques larmes du Ciel aux âmes englouties ?

vendredi 8 mai 2015

Inférence

Je feuillette l’album et des images pâles
Avivent mes pensées des soirées hivernales,
Où je collectionnais des oiseaux de papier,
Croyant pouvoir tenir le monde en un cahier.

jeudi 7 mai 2015

Ultimes lames

Dans ton dos les couteaux sur ta peau sont avides,
A vingt pas tu n’es pas certes la moins rapide,
En silence tu lances, vengeance, un poignard
Qui, terrible, a pour cible un paisible vieillard.

mercredi 6 mai 2015

Derrick

En fer, il ne dit rien que ses rouages lents,
Mortels balancements. De la blessure au flanc
De la Terre, qui feint de n'être que matière,
Au ciel, jaillit visqueuse la liqueur de pierre.

mardi 5 mai 2015

Goumbaritsy

Le long du lac de Ladoga, j’ai vu les vies
De la taïga, les ailes déployées, ravies
Que petitement j’ai suivies, mais les agas
Font à l’envi dans ce rêve trop de dégâts.

lundi 4 mai 2015

Camellia

Des ors du samovar opulent, rebondi
Chuinte langoureuse une vapeur. Lundi
Soir aux teintes d’argent, ta pâleur lactescente
À tes lèvres rubis donne une vie pressante.

dimanche 3 mai 2015

Vertige

La rivière se plaît à rêver les poissons
Frétillants dans son onde, elle sent leurs frissons.
Le pêcheur sait qu’il bouge en restant immobile
À regarder le flot, c’est la rive qui file.

samedi 2 mai 2015

À verse

Le mois de mai chargé d’effluves délétères
Emporte dans ses eaux les vies élémentaires.
Aux grilles du manoir, la rouille s’enhardit ;
Le songe est vain, morbide et les jeux interdits.

vendredi 1 mai 2015

En terrasse

Je vous trouve assorties, la table de bistrot,
Tes coudes avachis sur cet émail rétro,
Qui vante les plaisirs d’une absinthe proscrite
Et toi qui fais semblant par lui d’être séduite.

jeudi 30 avril 2015

Matière sombre

Le cercle est accompli, les anges se font rares,
Au-delà des éons se massent les barbares.
Aucune âme ne sait l’effroi des noirs soleils,
Les anciennes statues comptent sur le Réveil.

mercredi 29 avril 2015

Avant la feuille

Quand je suis las, le matelas des feuilles mortes,
En la chênaie de l’Agenais, léger me porte,
Et je m’allonge, au ras des songes de l’hiver,
Sous la béance, au ciel immense, du grand air.

mardi 28 avril 2015

Go

Les pierres sont posées comme des archipels,
Sur les lignes croisées, dans leurs pensers cruels,
Pierres blanches ou noires, code pulsatile,
Le maître est dans le Jeu, c’est la mer qui fait l’île.

lundi 27 avril 2015

Amalgame

Distant, dans son regard, perdu dans les lointains,
Le fou me somme d’être digne du destin.
Du fou, de l’horizon, du destin, je n’ai cure
Et veux toucher la vie comme l’or le mercure.

dimanche 26 avril 2015

Étiage

Quand vient le soir, j’ai bien peur que la vie ne cesse
Avant que d’être auprès de vous, dans la tendresse,
À se tenir les mains aimantes, le cœur plein.
L’eau peut couler sans que ne tourne le moulin.

samedi 25 avril 2015

Le sens du feu

Du bâtonnet d’encens, les cendres font un trait
Comme l’ombre portée d’une flèche ferait.
Juste au-delà des murs, le vent souffle sa rage
Et voudrait disperser la ligne et son message.

vendredi 24 avril 2015

Deux mondes

L’anachorète nu vacille sur l’asphalte,
Assis dans la chaleur qui monte et qui l’exalte.
Autour, la foule tique et ne s’arrête pas :
Chacun dans l’autre voit la marque du trépas.

jeudi 23 avril 2015

D’un bond

Tu n’avais point sarrau de lin mais d’agneline.
Onques ne le portas plus rondement, Florine,
Au-dessus du torrent, que ce jour de beau mai,
Quand la vie s’époumone et la mort n’en peut mais.

mercredi 22 avril 2015

Commedia

Une fenêtre ouverte, un lit à baldaquin,
La blanche Colombine attend son Arlequin.
Dehors les hirondelles trissent, l’accompagnent
Alors que l’oublieux monte au mat de cocagne.

mardi 21 avril 2015

Jonction

Encelade, globule, erre dans l’infini,
Cette lampe au sodium, sur le parking, jaunit,
J’ai froid. C’est le désert de goudron qui m’inonde.
À ma montre, les trois aiguilles se confondent.

lundi 20 avril 2015

De mots

Au bord de la conscience, au-dessus d’un clavier
Qui s’estompe, artefact où se cache un vivier
De mots dont la saveur un instant me soulève,
Une vérité vient, qu'au fond de moi, je rêve.

dimanche 19 avril 2015

Volupté

La vie s’est étirée comme un chat qui s’éveille
Au milieu des senteurs de pivoines vermeilles,
Oubliées dans un vieux jardin de prieuré,
Que la mort ne pourrait, n’oserait effleurer.

samedi 18 avril 2015

Réceptif

Les confins de ma chambre ont des cloisons fractales,
On en ressent ténues les forces minérales
À l’œuvre dans les interstices patients.
D’eux à moi le silence ondule, omniscient…

vendredi 17 avril 2015

Resserre

Dans la maie du cellier, des sacs de toile grise,
Emplis de noix, de pommes, d’amandes exquises
En secret tenus là pour les jours où tu viens
Dans ma pauvre maison. Que suis-je sans toi ? Rien.

jeudi 16 avril 2015

Ma jouvence

Ta robe de coton, le vert des rameaux, tendre,
Effleurant tes bras nus, je ne veux m’en déprendre.
À l’aube, ton sourire en larme de rosée
M’incite sans attendre à quérir un baiser.

mercredi 15 avril 2015

Vieilles branches

Le bois des quatre vents longe la voie romaine,
Or j’y roule souvent, dans les pauvres semaines
En pensant que ma route est peut-être à cent pas,
Dans la forêt qui pousse et qui ne juge pas…

mardi 14 avril 2015

Joug

L’encolure taurine à l’air d’une muraille,
Elle frémit pourtant sous le bois qui travaille
Et qui l’unit en paire à son lourd compagnon,
Par-dessus l’alouette, en dessous le billon.

lundi 13 avril 2015

Juste derrière

Le bedeau déambule entre les piliers noirs.
Il étouffe la flamme avec son éteignoir.
Son lent pas va devant les ténèbres qui gagnent
Et de sombres échos sans trêve l’accompagnent.

dimanche 12 avril 2015

Ma diva

A cappella ou pas, j’aime ton scat, Ella.
Dans ta robe de soie, noire, tu étais la
Diva qui de ma vie fit un curieux poème.
Ella ton swing a su me percer à moi-même.

samedi 11 avril 2015

Rêverie

Les vertes frondaisons caressent les nuages,
Au-dessous je paresse et je tourne les pages,
En rêvant la naïade éperdue dans les bois,
Les chuchotis de l’onde. À la source je bois.

vendredi 10 avril 2015

Récif

Le nautonier m’a déposé sur le rivage
Et je l’ai vu se dissiper comme un mirage.
Ici le temps se brise contre les écueils,
L’île est sereine, et je vais y faire mon deuil.

jeudi 9 avril 2015

Des faux

Le cercle de minuit se réunit dans l’ombre
Et chacun s’est paré d’une chasuble sombre,
Annonçant que les temps sont à la parousie…
Tu t’esclaffes sans frein. Ton nom est Poésie.

mercredi 8 avril 2015

Roues libres

Juste rouler. La route est un ruban de nuit
Qui contourne sans fin les gouffres de l’ennui.
Mon vélo va de soi, dans la juste balance
Et mon âme légère en éclaireuse avance.

mardi 7 avril 2015

Phantasme

Les plumes de cet ange, au vol, entrelacées,
Frémissent dans l’instant des ombres effacées,
Sans bruit. Je vois l’essor des vives arabesques,
Ému, touchant le ciel, dans la lumière… ou presque.

lundi 6 avril 2015

Acuité

Au fil des mots, la main, comme un filet de pêche,
Oscille dans la danse où l’âme se tient fraîche
Et le silence joue dans l’espace des voix.
Ne rien tenir. Fermés, les yeux cependant voient.

dimanche 5 avril 2015

Gaïa

Des ruisselets de lave en fils incandescents
Habillent les rochers de résilles de sang.
Écoute, au plus profond de la terre en colère,
En dessous, au-delà, cette conscience claire.

samedi 4 avril 2015

Toute proche

Dans son habit de fer, le chevalier se ronge,
Il a vu son aimée mourir au creux d’un songe
Et du foulard serré qu’il tient près de son cœur,
Paraît jaillir du sang la mortelle liqueur.

vendredi 3 avril 2015

Bouffées

L’auberge se souvient, sa mémoire dépasse
Amplement les relents enfouis sous la crasse.
Ici poutres, moellons s’imprègnent des propos
Que laissent les chalands jasant autour d’un pot.

jeudi 2 avril 2015

Langueur du violon

L’étui de bois laqué luit dans sa profondeur.
En l’ouvrant, tu soupires, étalant la splendeur
D’un Amati cambré comme une ballerine,
Un seul endroit lui sied, tout contre ta poitrine.

mercredi 1 avril 2015

Traversière

Le ciel a des couleurs d’espoir et de jasmin,
Faut-il tendre les bas en ouvrant ses deux mains,
Touché par le soleil et la pluie qui s’unissent,
Ainsi laver son âme aux tout premiers délices ?

mardi 31 mars 2015

Embûche

Des hommes sont venus dans la forêt première,
Ignorant la beauté, sans regard en arrière,
Avec entre les mains le fer qui désunit
De la terre et du ciel les branches infinies.

lundi 30 mars 2015

Fenêtre sur cour

Les arches en adobe au fond de la cour blanche
Ornent si joliment le tombé de tes hanches,
À l’eau de la fontaine, un oiseau s’est posé,
Des gouttes de cristal ont ton corps arrosé.

dimanche 29 mars 2015

Sans gravité

La ligne a traversé les fibres de ton cœur,
Le mien sans trajectoire aucune, un peu moqueur
Ne voit rien de la ligne et des espaces lents,
Tu es là, funambule et moi, les bras ballants.

samedi 28 mars 2015

Force du faible

Les visages tournés de la foule se taisent.
Au loin, l’astre sanglant fait un coucher de braises,
On entend seulement sangloter un enfant,
Combien paraissent vains tous les discours devant !

vendredi 27 mars 2015

Grandes orgues

Les longs tuyaux tendus en colonnes d’argent
Résonnent sous la voûte où les sons vont changeant
Jusqu’aux humains ployés dans la nef silencieuse ;
En contrepoint, la nuit, scintillante et rageuse…

jeudi 26 mars 2015

Jardin secret

Au secret de mes jours dans le jardin qui vit,
Sous l’ombre et la lumière intimement ravies,
J’abandonne mon corps aux vagues luxuriantes,
Ici, dans le creuset de la terre consciente.

mercredi 25 mars 2015

Coup d’archet

Le violoncelle rauque éclate dans l’obscur
D’une salle perdue que la mort inaugure.
Au pied du musicien jouant la passacaille,
Un violoniste gît. Troublantes funérailles.

mardi 24 mars 2015

Trottoir

Sans fin la pluie et moi battons froid le pavé,
Les voitures chuintent, les bronzes lavés
Raillent, vert-de-grisés, les détresses humaines.
Au bout du temps, combien la vie peut sembler vaine.

lundi 23 mars 2015

Absinthéisme

Faut-il attendre aussi que les mains se confondent
Et les yeux immergés dans d’autres yeux répondent ?
Amère est la boisson prise sans l’âme sœur,
La machine à café gémit. Passent les heures.

dimanche 22 mars 2015

Divisions

La singularité des falaises, si fine,
A découpé le ciel en franges purpurines.
En dessous les pétrels, féroces, fendent l’air.
La mer plus bas encore érode un ossuaire.

samedi 21 mars 2015

Caf’conc

La lumière est tirée comme une arme fractale,
Impulsive, blanc-bleu, dans la fumée létale
Où les musiciens jouent leur rage d’être faux.
La terre tourne au bord des larmes par défaut.

vendredi 20 mars 2015

Rage de mots

Le temps m’a préservé des vaines certitudes,
Au seuil de mes enfers, les mots en multitude
Ont la voracité des hyènes et des loups.
Pour condamner ma porte, aurai-je assez de clous ?

jeudi 19 mars 2015

Dans le vent

Le pollen en drapés dans l’azur se propage
Emporté par le vent vers d’autres paysages
Et les fleurs en silence oscillent doucement,
Certaines qu’ils viendront, ces volages amants.

mercredi 18 mars 2015

Fausse impression

Sur le bureau désert, la mappemonde luit
Près du sous-main de cuir (faut-il chasser la nuit ?).
Tous les livres aux murs semblent si vénérables
Et pas un qui ne soit réel. Château de sable…

mardi 17 mars 2015

Mille morts

Du chêne qui arbore à la planche foulée,
Ton bois toujours fredonne un chant miraculé,
Celui des fibres nues qui veulent aux racines
Un dernier réconfort avant qu’on t’assassine.

lundi 16 mars 2015

Surya bhedana

Solaire élan lové dans l’air si lent qui monte,
Étendu, le moment d’un cœur qui brasse et compte.
Au bout, le souffle sort, lunaire et détaché.
Dans le vide athanor, la lumière est cachée.

dimanche 15 mars 2015

Sanctuaire

À Gwenfidin pousse un roncier d’épines noires.
Jamais humain n’y mit les pieds, nulle est la gloire.
Aux rares qui s’y sont frottés, douleur et sang.
Restent les fées qui, l’âme vive, y vont dansant.

samedi 14 mars 2015

Riches heures

Cameline ou carthame, un peu d’huile et de pain,
Sur la table, posées, enlacées, nos deux mains.
Notre journée fut rude et vous êtes, ma dame,
Un rayon traversant cameline ou carthame.

vendredi 13 mars 2015

En route

Elle marche sur terre, avec son sac à dos,
Ses yeux regardent loin, songeant que son fardeau
S’est chargé des moments passés le long des routes.
Elle espère l’instant qui va la combler toute.

jeudi 12 mars 2015

Référence

Le chocolat s’enroule en volutes exquises
En se jouant du lait. Des fourmis se divisent
Au bord : il faut y voir un blanc colimaçon !
Non la spirale est noire ! Au centre, une leçon…

mercredi 11 mars 2015

Pli d’espoir

Ne viens pas là, payse, ici la vie s’est tue,
L’eau qui court est si grise et les mines battues
Qu’ont les gens dans la rue, semblent toujours de mise.
Aux premiers vols de grues, je reviens, ma promise.

mardi 10 mars 2015

Vikalpa

Sur la trame posé, mon être se rassemble
Au point que lentement, l’univers autour tremble,
Une bougie laissée sur un billot de bois
Palpite au chant du monde. À cette onde je bois.

lundi 9 mars 2015

Musée

Étude en bleu. Le sol est jonché de pétales.
Il neige à l’intérieur, on a peint les vestales
Et le veilleur de nuit sous le dôme s’endort.
Dans son rêve, il se perd en de noirs corridors.

Parallèles

Le désert est coupé par des rails tout rouillés.
Une locomotive y roule, dépouillée
De toute vie à bord, pas une âme qui songe
Aux vains morceaux de fer que la rouille ainsi ronge.

samedi 7 mars 2015

Sans bruit

Tête penchée, tu écoutais le sang qui bat,
Les cliquetis du frigidaire en contre-bas,
Cherchant dans l’air, de tous les sons la quintessence
Et tout soudain, tu souriais : le grand silence.

vendredi 6 mars 2015

Avant la sève

Le cœur est dans le bois, les sentiments se cognent
Aux cernes traversés quand l’aubier se renfrogne.
Une peine, une joie s'harmonisent dans l’air
Autour des lents bourgeons racornis de l’hiver.

jeudi 5 mars 2015

Lettre de cachet

Ce pli de beau papier, dès lors que tu y tiens,
Se retrouve scellé : est-ce un mal, est-ce un bien ?
Du seing comme du sceau, le savant artifice
Attire bien des sots qui de cet art sévissent.

mercredi 4 mars 2015

Carambole

La salle est éclairée par des puits de lumière.
À ce jeu du billard français, tu es sorcière.
À ta guise tu frappes, avec le procédé,
Les billes, sur fond vert… serais-tu possédée ?

mardi 3 mars 2015

Belladone

De haut en bas la soie, qui s’écoule, létale
En nuances de bleu et de noir, fins pétales,
Inonde mon ego, pas la peine de fuir.
Finir sous le poinçon d’une botte de cuir.

lundi 2 mars 2015

Traversée

La mer est bleue de cuivre, opalescent suaire,
Ridée sous la caresse rude de l’hiver.
En kayak, étrillé par des gifles sans fin,
Je pagaie… devant moi persiflent les dauphins.

dimanche 1 mars 2015

En suspens

Il fait froid, la fenêtre est mon dernier exil.
La nuit se fait blessante, il tombe un fin grésil.
Un fantôme est lové sur le fauteuil Régence
Et son reflet me nargue avec indifférence.
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