Les êtres se côtoient comme des grains de sable, À se frotter l’un l’autre en légions innombrables Et le sablier coule inexorablement, Passant du tout au tout chacun des éléments.
C’est tout. La vitre est sale et les temps sont petits. Le paysage fond dans l’or anéanti De l’espérance, loin. Les nuages défilent En lourds convois cendrés. Je me perds dans les îles.
Les os de la ribaude ont du mal à tenir La chair encore chaude et le charme à venir. La pluie sur le pavé trempe les escarpins, Fait couler le rimmel et le sourire peint.
De l’an des oliviers la mémoire s’estompe Où tu marchais, menue, avant que tu ne rompes Et le soleil dardait les feuilles argentées, Avec cette folie des astres éreintés.
Il perdit le bon vent, le courant, l’espérance Au noir soleil de mai, rien ne lui portait chance En mer, sur son esquif en bois de jatoba. La vie se fit bien vaine en ce dernier combat…
L’orient de vos yeux des larmes se sublime, Un carré de tissu peut tirer de l’abîme. Il m’est venu d’instinct ce geste d’amitié, L’indifférence tue dans ce joli quartier.
Les flèches bleues des scythes s’envolent encor En nuages guerriers qui transpercent les corps. Ne prenez pas ce jour le chemin de la steppe À moins d’être attiré par ces féroces guêpes.
Le chat, seul maître du silence, oublie le temps, Une panthère dans son rêve, va guettant Les proies qu’elle devine, impuissantes fourrures. Il s’éveille et son rêve étrangement perdure.
Les matins bleus de Cros chassent les noirs hivers Qui de tristes pensées prennent pied sur mes vers. Un rouge-queue se tient, distant sur la clôture, En sandales je pars muser dans la nature.
L’infatué jobard dont les outrances molles Empeste la saison (qui s’y frotte s’y colle) Affirme à tous les vents que le monde est soumis Aux lois de la finance : où est l’économie ?
Le roi est nu sans les feuilles de la forêt Vertes ou brunes, qui murmurent sans arrêt. Sous ses pieds poussent les racines de l’aurore, Aux cordes raides se complaît la mandragore.
La vie se fait rétive, un bout de cœur se tend, L’âme est tenue captive au fond d’un noir étang Les foules sont pressées dans l’étau des chimères Et je compte, lassé, les jours en éphémère.
Tu t’es assise là, dans le creux d’un rocher Te reposer un peu, d’avoir si haut perché Tes rêves. Tu contemples la vallée fiévreuse Où file un torrent plein de larmes sinueuses.
Le lac, de la jetée, murmure des histoires. Aux caresses du vent remonte la mémoire. Assise tout au bord, tu écoutes et tu vis, Bercée par les reflets d’ondoyantes envies.
Les feuillets d’une lettre ont glissé de la table Inexorablement, comme si quelque diable Avait soufflé dessus, mais pas le moindre vent Coulis. L’être se tait : l’objet prend les devants.
À la porte du temps, des bambous s’entrechoquent, Accompagnant le fou qui du seuil soliloque Et son chant me dépouille imperceptiblement De ce moi qui n’est pas, de cet être qui ment.
Le monde est lourd, je sens les masses des montagnes Et les torrents qui rudement les accompagnent. Au cœur du roc, il y a cette vérité Qui ne se peut en aucune façon dompter.
Petite histoire sans parole, une amie doute Et son silence dit trop bien notre déroute, Est-il temps de crever le ciel de nos émois Pour qu’à nouveau la joie s’étende d’elle à moi ?
Qui peut douter de l’ombre et des chuchotements ? Le silence a rongé les derniers ossements De notre incertitude. Il nous faut de l’étrange. Un fait : notre cerveau tout bonnement dérange.
À l’orée du désert et des pâtures vaines, Arrivent les danseurs pour la dernière scène. Où la pluie fait défaut depuis bien des années, La prière des pieds saura la ramener !
Les ronces m’ont trahi, laissant sur une main Quelques gouttes de sang, de ce rouge carmin Dont tu aimes parer les cols de tes chemises Et tu ris de me voir confus dans cette mise.
Tes yeux comme tes mains, sur les pages d’un livre, Explorent les contrées dont les parfums enivrent. En frissonnant tu chantes un air de saeta, Tout près la foule porte une immense piétà.
Dans cette peupleraie les allées sont trop droites Où des êtres errant dans les ombres convoitent, Avides, les humains qui se perdent de peur. Le feuillage se tait. Les sous-bois sont trompeurs.
Il regardait là-haut tous les flocons de neige. À ses cris, se rompaient cent mille sortilèges, Une joie de montagne en son être montait, Du fou naissait le sage : Aziz au ciel chantait.
Le vieux parc a des airs de cimetière anglais Je te devine là, cachée dans la tremblaie, Peut-être as-tu pensé que j’étais un fantôme Et peut-être est-ce vrai. Le monde est monochrome.
Les brebis du Portet paissent en pointillé Dans les soulanes, loin. Je n’ai pas oublié. Passé le vent coulis, j’ai débarré la porte, Il y a comme un air qui dans l’azur m’exhorte.
L’éclat de tes yeux gris, sans même que tu dises Un mot, trahit si bien la fine gourmandise À laquelle tu feins de ne pas succomber… La voile dans le vent ne peut se dérober.
Les murs de verre hélas entre nous sont de mise Aussi loin que l’on aille, écrans qui nous divisent Imperceptiblement, qui font de nos ailleurs Des intimes trahis : intérieur, extérieur ?
Quand la poussière d’or du cirque, délicate, Illumine la place, et que les acrobates En parade joyeuse haranguent les badauds, Mes souvenirs d’enfance émergent crescendo…
L’azur de mon entour, d’émail céruléen Se vêt. Quel est l’oiseau, dans cet empyrée im- Probable, qui s’y tient ? L’artifice m’afflige, Immeubles arrogants, rien de vous ne m’oblige.