lundi 31 décembre 2018

Jardin d’hiver

Le cœur blessé ? Peut-être… ou bien le cœur aimant
De celui qui veut être et qui n’est pas vraiment.
Mon jardin, dans l’hiver qui mime trop l’automne,
A des fruits surs ou blets, que volontiers je donne.

dimanche 30 décembre 2018

Presse

Je parcours une fois encor les étagères,
Au-delà de la peine, en ce jour étrangère,
Ému de tant de mots qui poussent les pensées
Qu’une vie ne pourra jamais que commencer.

samedi 29 décembre 2018

Toile

À suivre le pinceau sur la toile, docile,
Il avait oublié les brindilles fragiles
Agitées par le vent, la mésange azurée,
La feuille morte qui l’avait juste effleuré.

vendredi 28 décembre 2018

Sine die

L’ode est-elle joyeuse, en cette nuit glacée,
Qui célèbre ceux-là mêmes qui, trépassés,
Courent, libres esprits ? J’entends leurs babillages
Entre les croix de pierre. Ils ne font pas leur âge.

jeudi 27 décembre 2018

Didascalie

La tenture écarlate est lourde de mystères.
Une lampe qui brûle ajoute, solitaire,
Une aura de lumière et d’ombre entremêlées
Sur les pans de velours. Tout sera révélé.

mercredi 26 décembre 2018

Prairies

J’explorais les confins des prairies vénéneuses
Aux herbes acérées qui ployaient, sinueuses,
Au passage des meutes de loups de l’hiver.
Inutile de fuir. J’avais banni le fer.

mardi 25 décembre 2018

Fugacité

Elle me réservait des sourires si clairs
Que leur présence s’étendait pour tout l’hiver.
La maison s’en souvient encore maintenant…
Je vais de pièce en pièce et rien n’est étonnant.

lundi 24 décembre 2018

Trio

In extenso, la vie s’étire. Le chat dort.
Il sourit aux rayons qui caressent son corps.
Mimétique, le feu sur la fonte crépite.
Auprès d’eux, je me tiens : l’accord est implicite.

dimanche 23 décembre 2018

Hors je

Aux mortes eaux de l’heure, un peu d’oubli de soi
Fut un baume léger comme un foulard de soie.
Le jeu du je, lassé, se déploie l’impossible
Amour, fertile, et long. La flèche est une cible.

samedi 22 décembre 2018

Embarcadère

Quand le lac est profond, mon sommeil l’accompagne
Et je vais sur l’embarcadère qui s’éloigne
Observer l’eau ridée par les vents inconstants :
Rien ne peut échapper aux courbes de l’instant.

vendredi 21 décembre 2018

D’âme en peine

Je cherche les ondées qui lavent l’intérieur,
Les jours de pluie, de froid, de neige ou de chaleur.
Mais rien. L’âme ternie persévère, confuse.
Un peu d’amour suffit. Laisser tomber la ruse.

jeudi 20 décembre 2018

Sans toit

Dans la maison sans toit, la lumière s’étend
Sur les choses, les gens. La lumière a le temps.
Nul besoin de fenêtre, ici. L’hiver inspire,
Et la musique vient, doucement, qui soupire...

mercredi 19 décembre 2018

L’île

Il avait dessiné sans hésiter le tour
De l’île qu’il rêvait de visiter un jour,
À l’encre bleue. La mer chantait entre les lames.
Il irait, pourquoi pas ? Le temps tissait la trame.

mardi 18 décembre 2018

Lenteur

Elle est inapaisée, la pensée singulière
À ne pouvoir trouver dans les mots ordinaires
Un juste agencement qu’elle puisse vêtir :
En cela, le secret de pouvoir ralentir.

lundi 17 décembre 2018

Dessein

Je suis le vert pêcheur à l’affût de lui-même,
Attendant patiemment les pensées, les poèmes
Et les tressauts de l’âme au détour du néant.
J’attends avec ma peur près du gouffre béant.

dimanche 16 décembre 2018

Borne

C’est un joli bouquet sur le bord de la route :
Anémones, pivoines, dahlias, mais toutes
Rouges. Dressée, la croix rend hommage, posthume,
Alors que les autos filent sur le bitume...

samedi 15 décembre 2018

Gisants

Le sommeil de la terre a l’ampleur des saisons.
S’étend un édredon de brume, à l’horizon,
Qui sont les corps enfouis qui profondément gisent ?
En son sommeil elle a bien des âmes acquises.

vendredi 14 décembre 2018

Tes lettres

Mais non, la lettre danse entre mes mains tenue,
De joie ? De peine, assez, de n’avoir pas connu
Celles qui d’encre bleue fidèlement tracèrent
Avec âme ces mots qu’en cet instant je serre.

jeudi 13 décembre 2018

Abîme

Sur la falaise bleue, la main n’a pas de prise
Et je dévisse, lent, dans la géhenne grise
En fixant le soleil, étoile ensanglantée,
Bras en croix, faussement immobile. Dompté.

mercredi 12 décembre 2018

Causerie

Nous nous vîmes dans un salon de pierres roses,
À l’heure où les marchands de biens barrent et closent,
Et la nuit qui tombait versait du velouté
Sur nos paroles nues, nos corps désorientés.

mardi 11 décembre 2018

Pierre qui roule

Sur la plage elle roule, elle roule la pierre
Entraînée par la vague aux touches passagères.
Elle rêve des jours où, gemme sur le sein
D’une princesse, avant le naufrage assassin…

lundi 10 décembre 2018

Arataye

La rivière paresse et l’air est étouffant.
Une à une, les barques emportent les enfants.
Sur la berge, transis, les adultes regardent.
Ici, l’eau court, létale, aux nuances blafardes.

dimanche 9 décembre 2018

Une nuit

Cette nuit n’est pas mienne et pourtant j’y suis bien,
Flottant dans l’air glacé de la ville, sans rien.
Peut-être suis-je ailé. L’obscurité me porte.
Aux fenêtres, perdus, des visages m’escortent.

samedi 8 décembre 2018

En nombre

Curieuse cette rue qu’occupent tant de gens,
La distorsion des corps, l’espace dérangeant.
J’ai même l’impression que la rumeur sonore
Enfle au-delà du ciel. Mais rien qui nous honore.

vendredi 7 décembre 2018

Scène de crime

Le corps abandonné des douilles de laiton
Reflète sans éclat la lumière. Un veston
De velours côtelé, sur un mannequin pâle,
Attend. La mise en scène est un brin théâtrale.

jeudi 6 décembre 2018

Efflorescence

Le rose des œillets de poète m’émeut,
Dentellières pudeurs, frissonnantes, qui me
Rappellent tant les jours de nos amours mutines,
Un baiser de velours, la joie de qui dort dîne…

Nouveau départ

Le voilà reparti dans un nouveau voyage
Avec au fond des yeux quelques jolis nuages
Et quelques larmes, pluie sans doute d’autrefois.
Ses pas sont assurés. La route est une voie.

mardi 4 décembre 2018

Mibora

Miracle du petit, le mibora s’élance
Et ses pourpres épis, élégants, se balancent,
Altiers, si près du sol, sur le talus sableux.
C’est la candeur du vert en direction du bleu.

lundi 3 décembre 2018

Lessive

La lessive séchait dans la courette blanche
Où le soleil musait. Plus loin, sur une planche,
Un rosier paressait de son air épineux.
Tes cheveux flamboyaient sous le flot lumineux.

dimanche 2 décembre 2018

L’issue

Je laisse la musique emporter le bateau
De mes désirs d’ailleurs. L’océan, bleu manteau,
Garde secrètement mes pensées chimériques,
Encore un peu, je vais sur le sable des criques.

samedi 1 décembre 2018

Sentes

Il s’en va, il s’en va, loin des voies de bitume,
Entre les hêtres roux, sur les sentes qui fument
Aux premières lueurs du jour. Il a le temps.
Il s’en va pour trouver tous ses rêves d’antan.

vendredi 30 novembre 2018

D'air

Fait de brume et de vent, je m’en vais vers les cimes
Et la terre en dessous, féconde, me ranime.
Il fait froid. Le silence absorbe l’horizon.
Je ne me vêts de rien, l’air est mon oraison.

jeudi 29 novembre 2018

Litor

Je me suis réfugié dans la bleue caravane
Aux formes arrondies, perchée dans les soulanes,
À compter les brebis de pâture, de ciel,
Les abeilles goulues de nectar. Moi de miel.

mercredi 28 novembre 2018

Naissance

Le souffle me libère et la voûte s’efface
Au fur et à mesure qu’emporté, je passe
À peine encens, ténu, volute de fumée,
Dans la conscience infime et sûre d’être aimé.

mardi 27 novembre 2018

Gris ou blancs

Dehors les flocons fous de la neige sautillent
Ici dans le salon, les poussières fourmillent,
Inlassable troupeau qui s’accumule, gris.
Je contemple l’hiver, le corps endolori.

lundi 26 novembre 2018

Thames

Entre des quais huileux, la Tamise oscillait,
Recueillant les sanies et les rats qui grouillaient.
L’impavide Tamise était, à se morfondre,
Éternelle évincée, loin de son amant. Londres.

dimanche 25 novembre 2018

Muséal

Le fonds du vieux musée regorge de mystères
On y trouve empilées sous un lit de poussière,
Une armada de caisses dont le bois cerclé
Cache une infinité de souvenirs scellés.

samedi 24 novembre 2018

La belle du château

Le long des corridors de noires forteresses,
On entend certains soirs le chant d’une princesse
À la fois triste et gai. La belle s’est perdue
Quelques siècles plus tôt. Combien l’ai-je attendu…

vendredi 23 novembre 2018

Arthur

La crypte ensevelie dans l’eau de la lagune
Attend les nuits d’errance où l’argent de la lune
Incise le miroir entre le ciel et l’eau.
Ici gît à jamais le Roi de Camelot.

jeudi 22 novembre 2018

Sculpture

Il se blesse les mains (c’est le métier qui rentre)
En caressant le bois. L’énergie se concentre
Où la forme est cachée. Passent les ans rebelles.
Le sculpteur et la forme ensemble se révèlent.

mercredi 21 novembre 2018

Paix

La paix gagne ce soir cette partie du monde,
Alors que les démons plus loin mènent la ronde.
Ainsi l’âme tenue si peu dans cet enclos
Finit par se répandre en de précieux sanglots.

mardi 20 novembre 2018

Par monts et par vaux

« Petit saut de côté, pour éviter la mort »,
Dit-elle en éclatant de rire, sur le bord.
En dessous la vallée resserre les nuages
En troupeau blanc nacré. Nous sommes de passage.

lundi 19 novembre 2018

Comique de situation

Le village attendait que les pierres s’effritent
Et le soleil, la pluie, véritables termites,
Exerçaient sans répit leur désagrégation.
Le vieillard seul riait. De la situation.

dimanche 18 novembre 2018

En mer

De l’horizon, le bord ciselé me dérange :
Est-ce la terre ou bien le bataillon des anges ?
En felouque ottomane, ivre, dans l’indigo
De la mer, je dérive… Au loin vire un cargo.

samedi 17 novembre 2018

Voyageuse

Des mondes irisés que tu déployais, fière,
Autour de tes bras nus, comme une aube légère,
Il reste le parfum qu’emportera bientôt
Le blizzard des hivers. Suspendu, ton manteau.

vendredi 16 novembre 2018

Révélé

La terre me disait les ambres du couchant,
Les couleurs de l’aurore et les cailloux tranchants,
La brise qui caresse un soir d’été la plaine,
Et la fureur du soc, les douleurs souterraines.

jeudi 15 novembre 2018

Happé

Le silence entourait la pièce d’un drapé
De velours irréel. Au fond du canapé,
Je dispersais mon âme en improbables bulles,
Apprivoisant la mort petite et noctambule.

mercredi 14 novembre 2018

Peine

Le carafon sans fond d’où généreuse coule
Une liqueur soignant la peine qui refoule
Est un objet magique au-dessus du comptoir.
Je l’ai perdu de vue. J’erre sur le trottoir.

mardi 13 novembre 2018

Portail

Le fer forgé se dresse en grille antipathique
Avec ses pointes noires et sa sombre héraldique.
Au-delà, bien taillées, les topiaires ventrues
Encadrent l’allée blanche où tu as disparu.

lundi 12 novembre 2018

Heure de départ

Renfrogné, poings serrés, Jean regardait les rails
Qui grondaient d’un lointain convoi. Son attirail
Gisait tout près de lui. Qu’il reste ou bien qu’il parte,
Il avait abattu là ses dernières cartes.

dimanche 11 novembre 2018

Rideau de fumée

Il paraît qu’on peut voir dans certaines fumées
Plus clair que dans le fond des yeux de l’être aimé.
Peut-être irai-je un jour dans ce fumeux voyage,
En attendant je serre de près ton visage…

samedi 10 novembre 2018

Moulière

Une allée forestière, une roulotte jaune
En forêt de Moulière, un matin, près des aulnes
Et toi qui regardais d’ailleurs, d’un autre temps !
L’impression que la vie peut n’être qu’un printemps.

vendredi 9 novembre 2018

Coup de foudre

C’est le débordement des bonheurs enfouis
Qui balaye les peurs. J’ai le cœur ébloui.
Je sens jaillir en moi des flots de particules
Irrémédiablement, la haine, enfin, recule.

jeudi 8 novembre 2018

Tout le long

J’ai marché tout ce temps sur la plage océane
En suivant sur le sable, à mesure, l’arcane
Inouï de tes pas, de ton rire envolé
Il me semble qu’alors, ici, je t’ai frôlé.

mercredi 7 novembre 2018

Gravir

Les jambes sans arrêt tournent les manivelles
Oubliant la fatigue, à tout instant, fidèles.
Au loin, la neige apporte des coulis d’air frais.
Le col est encor loin. Il n’y a pas d’après.

mardi 6 novembre 2018

Salutation

Le corps lentement s’ouvre à l’éclat de l’aurore,
Avec ses bras, ses mains, qui, pâles, se colorent,
Ignorant les frissons que les derniers reflux
De la nuit font courir, en souplesse salue.

lundi 5 novembre 2018

Yamuna

Elle abhorrait les lieux de peu d’humanité,
Cheveux cachés, serrés dans un chignon teinté,
Navigant vent debout, de sa démarche vive,
En ondoyant sari, pieds nus, près de la rive.

dimanche 4 novembre 2018

Agir

L’agir est un poison qui referme l’espace,
Identitaire, étroit, conduisant à l’impasse
Où faire donne l’heur d’innombrables vertus,
Médailles et brevets : tant de vaines statues…

samedi 3 novembre 2018

Immobile

Les jappements plaintifs des chiens sauvages fusent
Au milieu de la nuit chaude où s’étend ma muse,
Et je ne bouge pas, mon voyage est ailleurs,
Emporté par les mots du pire et du meilleur.

vendredi 2 novembre 2018

Chorégraphie

Je me suis reposé sur un chablis moussu,
Dans le mitan du bois : c’est ici que j’ai su
Que les arbres dansaient, de leur lente cadence.
Ô que de siècles pour entrer dans cette danse !

jeudi 1 novembre 2018

Grande Prairie

Les longs balancements, sous le gris des nuages,
Avivent la prairie refuge des Osages,
Herbes infiniment donneuses d’horizon,
Puis les oscillations fines. Leur oraison.

mercredi 31 octobre 2018

Mer Rouge

Lent, je vole au-dessus des mâtures auriques,
Hirondelle de mer, près des côtes d’Afrique,
Ignorée des pêcheurs qui dessous triment fort,
Mais tous au fil du vent qui souffle vers le port.

mardi 30 octobre 2018

Nef

Ce soir dans la travée, d’ultimes rayons peinent
À percer la pénombre où tu pries, si sereine.
Au fond, quelques bougies papillotent serrées
Comme les yeux luisants de bêtes apeurées.

lundi 29 octobre 2018

Volute

Le bâton d’encens brûle : une volute pâle
Envahit lentement, telle une fleur spectrale,
Entre nous deux l’espace un instant suspendu.
Nous touchons l’un et l’autre aux paradis perdus.

dimanche 28 octobre 2018

Tag

Des glyphes en couleur s’affichent sur les murs
De la ville : slogans, taches, crânes, fémurs.
La colère partout. Partout peinte la peur
Et puis, dans la ruelle, au pochoir, une fleur.

samedi 27 octobre 2018

Rouages

Sous la voûte, en écho, les rouages s’engrènent
Entraînant malgré eux, dans l’aire souterraine,
Un mécanisme tors, qui montre enfin ses dents.
La singularité s’extirpe du dedans.

vendredi 26 octobre 2018

Soie

Je n’y suis pas entré, je n’en suis pas sorti
Je ne sais même pas ce que j’ai ressenti
D’être et de n’être pas dans cette noire frange,
Où seul un mur de soie me sépare des anges.

jeudi 25 octobre 2018

Sirènes

Des eaux de l’océan surgissent les sirènes
Et leur chant se propage à l’assaut des carènes
Où les marins tassés au bastingage ont peur.
L’acier n’est pas plus sûr que le bois des clippers.

mercredi 24 octobre 2018

Sortir du bois

Tu sculptes le poirier dans une frénésie
Créative qui donne à ton morceau choisi
L’ampleur de la vie même… et pourtant rien ne bouge.
Alors tu trembles un peu, déçu, serrant la gouge.

mardi 23 octobre 2018

C’est un jardin

L’espace entretenu du jardin me méprise
Et me pousse insidieux à passer la remise
Au-delà de laquelle une sente se perd :
La beauté jaillit du chaotique univers.

lundi 22 octobre 2018

Ainsi tenu

Longtemps je suis resté sur ce frêle équilibre
Aux forces contenues qui font le bois des fibres
Et dans ce singulier ajustement de soi,
La mesure et l’excès, toujours, que je perçois...

dimanche 21 octobre 2018

Rive

Sous le pont court encore un ruisselet d’eau vive
Et je m’assois souvent le soir près de la rive
À contempler le flot, les pierres et les cieux,
Bercé par le chant des rainettes, insoucieux.

samedi 20 octobre 2018

Jours soyeux

Les jours soyeux et frais caressaient nos épaules,
Enveloppant nos vies de fils sérieux ou drôles.
Autour un vent d’hiver parfois voulait son dû,
Faut-il que ces fils-là nous aient bien défendus !

vendredi 19 octobre 2018

Engin

Du monstre mécanique une fureur primale
Explose dans l’espace, à son passage, mâle.
Où l’air est déchiré par le métal hurlant,
L’être de chair se perd, éreinté, pantelant.

jeudi 18 octobre 2018

Sylvestre

Sereine est la forêt qui, tout autour du monde,
Élance vers le ciel ses branches vagabondes,
Innocente, rêvant de soleil et de pluie,
De sources, de torrents, d’humus et de beaux fruits.

mercredi 17 octobre 2018

Réel

La conscience est venue s’infiltrer lentement,
Comme une pluie d’avril au creux d’un bois dormant.
L’unité se déploie, le mental se retire
Et la corolle bleue de Maya se déchire.

mardi 16 octobre 2018

Chevelure

Je te vois te pencher depuis la mezzanine
Et tes cheveux, dans leur allure léonine,
Ont des volutes d’or, aux rayons de soleil
Tombant du puits de jour. Moi, je n’ai pas sommeil.

lundi 15 octobre 2018

Bulgares

Les voix se sont portées du devant de la scène
Au fond, dans les obscurs recoins des chairs malsaines,
Apportant la fraîcheur des notes éblouies,
Des torrents de cristal, des fleurs épanouies.

dimanche 14 octobre 2018

Angle

Je ne suis pas très clair, l’eau coule de travers
Sur la vitre embuée. Je vois tout à l’envers.
Mais le moment s’étire et bientôt je respire
Au-dessus j’aperçois le coin de ton sourire.

samedi 13 octobre 2018

Cet heur

Nous eûmes la joie d’être en un même silence,
Ensemble sur le quai des rames en partance,
À l’heure où le froid tombe en vagues de hasard,
Serrés l’un à l’autre, heureux d’être banlieusards…

vendredi 12 octobre 2018

Suspens

La paille a des blondeurs de grain, dans la lumière
À peine née d’un matin pâle, et la chaumière,
Encore émue d’avoir frôlé de noirs velours,
Frémit. Dès lors, je me languis de ton retour.

jeudi 11 octobre 2018

Transparence

À peine conscient du cours de mes pensées,
Images fugitives, couleurs nuancées,
J’abandonne à l’Instant le flot de la vie dive,
Une goutte de pluie sur la vitre s’esquive.

mercredi 10 octobre 2018

Optique

L’échelle est incertaine et la vue singulière
Unie, de près, la soie se révèle, en arrière
Animé de couleurs et de trames moirées :
J’aime au près comme au loin ta tenue de soirée.

mardi 9 octobre 2018

Riche

Lézard le jour et loup la nuit, le maître rôde.
Il se pavane en compagnie d’une faraude
Assortie, vaine autant que lui, c’est affligeant
Comme les choses à ses entours ne sont qu’argent.

lundi 8 octobre 2018

De bas en haut

Le balancement lent de la machine dure
À la mesure de la pente qu’elle endure,
Insolite transfert de la chair à l’acier,
L’état de transe alors est indifférencié.

dimanche 7 octobre 2018

Douceur

Ils se sont allongés sur la mousse des bois,
Près du noble chat noir, quand l’automne flamboie,
Fixant tous deux la voûte au-dessus de leur tête :
Oiseaux dans le feuillage et griffes de chat... prêtes.

samedi 6 octobre 2018

Aurore

Le soleil a rempli le quart de l’horizon,
Et du reste jaillit les couleurs, l’oraison
De cette aube pareille à ton pâle sourire.
Ainsi, la vie toujours est prête à me séduire.

vendredi 5 octobre 2018

Page à page

Je feuillette les pages, indifférent, du livre
Et ses enluminures soudaines m’enivrent,
À croire que les encres laissent des parfums.
Comment se réveiller d’une histoire sans fin ?

jeudi 4 octobre 2018

Pionnières

Des pièces, des gravats, perchée, lente, l’eau coule,
Au passage emportant les souvenirs des foules,
Où les mousses, lichens, en un tapis bleu-vert
Racontent de nouveau la vie dont ils rêvèrent.

mercredi 3 octobre 2018

À vélo

Je regarde filer de beaux, froids paysages
Et mon vélo se perd entre terre et nuages.
Il est long le chemin vers le fol horizon,
J’aime ces randonnées bien plus que de raison...

mardi 2 octobre 2018

Renoncement

Légèreté de l’être à se désengager,
Petites morts, flocons sur un sol enneigé…
Mes pas laissent encor sans doute quelques traces
Et le silence peine à me mettre à ma place.

lundi 1 octobre 2018

Constellation

Les sentiments sont des planètes dans la sphère
Immense de la vie. Rien n’est plus mortifère.
Au fond je cherche les soleils embarrassés
Qui brûlent comme si tu m’avais embrassé.

dimanche 30 septembre 2018

Des vies

Laisse-moi te guider au-delà du portail,
Rien ne nous prédispose à rester sur les rails
De l’espace et du temps. Nous sommes fleur et graine
Emportées par l’élan des forces souveraines !

samedi 29 septembre 2018

Des chats

C’est l’heure des chats gris qui filent dans les rues
Quand la lumière des néons a disparu.
Passeurs d’âme, furtifs, rêveurs de nouveaux mondes.
Au fond de la noirceur, la grâce surabonde.

vendredi 28 septembre 2018

Beaulieu

La silhouette élancée des vains anges de pierre
Assombrit la petite place et la verrière
Où je suis attablé. Plus loin, les tours ventrues
Crachent dans le ciel bleu des nuages intrus.

jeudi 27 septembre 2018

Aède

Il repeignait le ciel de quelques mots choisis,
Que nous, dans la beauté de cette parousie,
Notions avec ferveur. Dans la trame sonore
Était la débordante Joie de cette aurore.

mercredi 26 septembre 2018

Expresso

La flaque de café sur la table s’étale
Et dessine une fleur noire aux curieux pétales,
Aussi noires, tes larmes, à peine refoulées.
Je bois de cette tasse une ultime goulée…

mardi 25 septembre 2018

Contre-pied

Les grillons de la nuit ponctuent chaque seconde,
Au vrai, ta jupe noire y mène étrange ronde.
Où tu passes, pieds nus, leur zèle est au plus fort
Tandis qu’ils me saluent d’un silence de mort.

lundi 24 septembre 2018

Inconsistance

Nous fûmes rattrapés par des rayons de lune
Et, des flaques d’argent qui paraient la lagune,
En volutes serrées, nous partîmes ailleurs,
Vapeurs d’âmes, parfums, sur ton épaule, fleurs.

dimanche 23 septembre 2018

Mon havre

Je suis à la merci des tempêtes fécondes,
Et nul ne m’a guéri des humeurs vagabondes.
Inutile de fuir les rigoureux hivers,
Je me plonge dans l’eau vive de tes yeux verts.

samedi 22 septembre 2018

Alternative

La princesse est de bois, le cheval de fortune,
En serrant dans ma main l’épée gravée de runes
Un peu de mon sang coule. Où le manège va,
Je vais. C’est la beauté. Je rêve de divas.

vendredi 21 septembre 2018

Dais

La toile sous le vent se tend comme une voile
Et l’air étrangement, dans cette cathédrale,
Entraîne la poussière en paillettes dorées.
Sous ce dais, j’imagine et me tiens à l’orée…

jeudi 20 septembre 2018

Quelques fils

J’ai déroulé des fils de laine de couleur
Pour éliminer de ta main cette pâleur.
Tes yeux clos rêvaient des caprices de l’aurore,
Espoir ténu que de nouveau ta peau se dore.

mercredi 19 septembre 2018

Sourire

Je me dis qu’il était important de décrire
Au moins de toi ce beau, vif et tendre sourire.
Éclairé de ce ciel, je ne crains pas le noir,
L’enfance me revient. Je me laisse émouvoir.

mardi 18 septembre 2018

Virage

J’ai cru voir au-delà des barreaux : quelle cage ?
Suis-je dedans, dehors ? Le doute en moi fait rage.
Des arbres alignés, je comprends mais trop tard.
Je me réveille alors...hantise de motard.

lundi 17 septembre 2018

Perceptions

La nuit a des parfums de rose et de jasmin.
Chauve-souris, tu passes tout près de ma main
Dans un silence pur. Tu vois d’étranges rondes
Et j’entends d’autres chants qui envoûtent le monde.

dimanche 16 septembre 2018

Valse

Il trônait dans le hall, le vieux piano de bar
Et tu t’y asseyais de temps en temps le soir,
Jouant note après note, une valse frivole
Et moi j’y ajoutais parfois quelques paroles.

samedi 15 septembre 2018

Marée haute

Je traçai sur le sable un poème, prière
Avec une brindille, aux enfants de la terre.
Et la vague effaça tous les mots, lentement.
Mais depuis, l’océan les porte infiniment.

vendredi 14 septembre 2018

Tas

D’un tas de feuilles j’ai la chaotique mise,
Empilées par les vents mauvais des heures grises,
Éparpillé déjà, puis renaissant ailleurs,
Fugacement je suis le pire et le meilleur.

jeudi 13 septembre 2018

De là-haut

Du haut, je peux tout voir, les plaines et les monts,
Des taches de soleil, silhouettes de démons,
Les vagues des forêts que le vent laisse bruire,
Et les lacs verts et bleus. Tout ? Non. Pas ton sourire.

mercredi 12 septembre 2018

La route

Le long ruban d’asphalte au milieu des bocages
Est un ruisseau tranquille où je glisse, volage,
En quête des émois que donne la beauté
Du monde. Encore un peu, ma route est volupté.

mardi 11 septembre 2018

Station

J’attendis là, dans cette ultime gare, un jour
Ou deux. Je ne sais plus. Le temps me joue des tours.
Le vacarme emportait dans son incohérence
Une nuée de gens repus d’indifférence.

lundi 10 septembre 2018

Mauvaise foi

Tes coudes sont plantés sur la table et tu doutes
Avec tes mains liées comme une clé de voûte.
Au fond, tu n’as pas tort de douter. Je suis las.
Le doute fait glisser comme un mauvais verglas.

dimanche 9 septembre 2018

Sol sacré

Sur la pancarte en bois, grise, toute griffée,
On devine, incrustés, les mots « Jardin des fées »,
Mais le sentier se perd dans un roncier touffu
Que nul ne peut franchir. Elles sont à l’affût.

samedi 8 septembre 2018

Des formes

Cerné par des objets emprunts de platitude,
Inconsciemment je vais dans cet univers rude
En quête de beauté venue des profondeurs.
De la planéité ne sourd que la hideur.

vendredi 7 septembre 2018

Glandée

Mon chêne a des langueurs de sève débordante :
Il se tord et s’étire au point que sa charpente
Implore le ciel gris. Les oiseaux du houppier
Convoitent la glandée qui s’étale à leurs pieds.

jeudi 6 septembre 2018

Qui ne cesse

Il regarde à travers mon corps désincarné,
Me disant que je meurs du fait que je suis né,
Que je vois trop la vie comme une passe d’armes
Et que les fleurs ont soif quand je retiens mes larmes.

mercredi 5 septembre 2018

Alcôve

L’un contre l’autre, au creux du lit, les époux vivent
Au fil des jours des fusions d’âmes exclusives
Et du lit, la chaleur rayonne doucement,
Même entre deux nuits. Le bonheur est désarmant.

mardi 4 septembre 2018

Lumineux

La pierre reste chaude au soleil de septembre
Et j’ouvre avec douceur les volets de ma chambre,
En espérant saisir mêmement les rayons
Qui dessinent l’espace à grands coups de crayons.

lundi 3 septembre 2018

Vol d’essai

Au bord du nid moussu, l’impénitente oiselle
Osa sa révérence et de ses jeunes ailes
Entama la descente au milieu du sous-bois,
Tandis qu’en bas guettait un chat de bon aloi.

dimanche 2 septembre 2018

Peu à peu

Ils ont passé le gué tous les deux dans la nuit
Des temps. Depuis l’eau a coulé, vaste, sans bruit.
Leurs mains se sont perdues dans le flot de la foule.
Au gué sont les galets. Le temps les use et roule.

samedi 1 septembre 2018

Ombrie

La couleur est profonde, on pourrait s’y noyer :
Le glacis donne au ciel de quoi se déployer
Dans une dimension que les yeux désespèrent
Un jour de transmuter dans la commune sphère.

vendredi 31 août 2018

Tombe

Dans toute chose avait-il dit, dans toute chose
Il existe un parfum de poésie. Je n’ose
Y croire et sur sa tombe, on peut, fermant les yeux,
Toucher le grand silence à la garde des cieux.

jeudi 30 août 2018

Sous l’orage

L’éclair blanc contre-pointe amoureux le tonnerre
Au rythme lancinant de mon imaginaire.
Une saveur violente est gravée dans l’air vif,
Rémanente et glacée. Chaos contemplatif.

mercredi 29 août 2018

Dans un dé de liqueur, la rage est contenue,
D’essences rares, fleurs ou racines menues,
Je traîne mon ennui dans ces vapeurs d’eaux vives
Au-dessus du comptoir. Esprit las, je dérive…

mardi 28 août 2018

Muses

Le feuillage du hêtre au-dessus de moi bouge
Avec gracilité. Le soleil teinte, rouge,
Une brassée de nues aux formes enlacées.
Sans peur s’épanouit le champ de mes pensées.

lundi 27 août 2018

Sereine

Née dans la plénitude, elle est toujours debout
Sous le lent tourbillon des perches de bambous.
La soie de son foulard accompagne la danse
Et son visage rit de toutes ses nuances.

dimanche 26 août 2018

Rasoir d’Ockham

Je vis se fissurer la pierre des statues :
Mon regard avait-il quelques sombres vertus ?
Puis le sable avala les sculptures antiques.
Au fond, je n’étais pas. L’être est inauthentique.

samedi 25 août 2018

Temps mort

Quand le temps s’arrêta, naquirent les murmures
Arrivant à travers les moindres déchirures,
Ainsi vinrent les rêves, les chevaux ailés,
Les nymphes ondulant dans les eaux constellées…

vendredi 24 août 2018

Moirage

Sur l’asphalte mouillé du boulevard des autres,
Un reflet fugitif de nuage se vautre,
Irisation huileuse à l’heure des néons.
Je suis l’ombre fugace d’un caméléon.

jeudi 23 août 2018

Léthargie

La rue tremble dans l’air, la canicule fond
Lentement le goudron. Le silence est profond.
Tamisée, la lumière au séjour dodeline
Au cœur du canapé, la sieste est utérine...

mercredi 22 août 2018

Interstice

Le massicot jamais n’avait coupé ces pages
Et les mots imprimés s’y trouvaient en otages.
Un jour le bibliothécaire en fut touché :
D’un coup de lame il dévoila les mots cachés.

mardi 21 août 2018

Aronde

Elle glisse son aile au ras des champs marbrés
Dans un gai trissement, vol déséquilibré,
Puis se lance à l’assaut de l’azur émeraude,
Enfin ramène au nid le fruit de sa maraude.

lundi 20 août 2018

Aérostats

De toiles encollées des peintres dont les rêves
Ainsi volent au ciel, les montgolfières crèvent
À force de monter dans les espaces bleus,
Mais de ces enveloppes jamais il ne pleut.

dimanche 19 août 2018

Bureaux

Cette nuit j’ai flotté près des buildings noyés
De lumière, cherchant l’indice d’un foyer,
Mais les lieux sont déserts, les machines ronronnent…
Où sont les gens ? Vaincus par la cité gloutonne.

samedi 18 août 2018

Joie

L’écho de ta gaieté dans ma demeure sonne
Et la joie n’est pas loin, que l’espérance donne.
L’ombre de ta silhouette, élégante, au séjour,
Est un espace sûr où me lover, toujours.

vendredi 17 août 2018

Penchants

Le plein été se fend de moites révérences :
Inclinaison des fleurs qui livrent des fragrances
Avant de se flétrir, fantômes moissonneurs
Penchés sur le froment. Concerto. Sol mineur.

jeudi 16 août 2018

Muraille

Comment ce mur épais peut-il courir ainsi,
Qui de tous les chemins prend le plus raccourci,
Qui taille les forêts, dévale les collines ?
Suis-je dedans, dehors ? Je longe et je m’obstine.

mercredi 15 août 2018

TGV

Le train file trop vite, aussi la poésie
Sort blessée, scarifiée par cette frénésie.
Mon regard se délite et la vitre me glace,
Un paysage entier s’abîme dans l’espace.

mardi 14 août 2018

Escadrille

J’ai pris du papier, une paire de ciseaux
Plié les feuillets, puis fait voler des oiseaux
Sur lesquels étaient écrits des mots doux et tendres
Je ne suis pas sûr que le vent me fasse entendre…

lundi 13 août 2018

Franche

La spontanéité de son éclat de rire
Fit à ce moment-là beaucoup pour me séduire.
Elle avait balayé toutes les faussetés
De notre échange. Plus rien n’était à jeter.

dimanche 12 août 2018

Grillons

Ce soir je veux aller en dehors du ghetto
De solitude rance et j’ouvre les vantaux.
La nuit m’accueille noire autant que lumineuse
Et proches, les grillons sont d’humeur égreneuse.

samedi 11 août 2018

Petit bonheur

Ce jour est un beau jour qui rebâtit le monde
Avec cette énergie renouvelée, féconde,
Alimentée par l’espérance des matins,
Des moments partagés, du refus du destin.

vendredi 10 août 2018

Partie de pêche

De ce matin d’automne, en barque sur le Clain,
À guetter les bouchons, immobiles, félins,
Papa et moi, douze ans, peut-être, qui dérivent,
Et du temps qui s’endort, je me souviens. Deux rives.

jeudi 9 août 2018

Fleur de terre

La terre avait souffert. Béantes, les crevasses
Étaient autant de plaies. Quelques plantes vivaces
Encor luttaient debout. Dans la nuit, la pluie vint.
Je sortis pour sentir les gouttes sur mes mains.

mercredi 8 août 2018

Renvois

Les reflets sont partout, les écrans surabondent
Autour, les yeux baissés, les gens oublient le monde
Où l’amour se désole à ne pouvoir brûler.
Tout est devenu lisse et trop immaculé.

mardi 7 août 2018

Matière à

Quand l’ordonnancement du monde se délite,
Et qu’il semble plus simple de prendre la fuite,
Il est urgent d’aller dans un endroit secret,
Ce jardin de conscience où brûlent les regrets.

lundi 6 août 2018

Cachot

Des geôles de poussière, il reste les murs froids,
Du temps des noires guerres, des prétendus rois.
À l’heure du couchant pénètre la lumière
Éclairant quelques mots gravés sur une pierre.

dimanche 5 août 2018

Djinns

Dans les déserts de pierre, on entend des chansons
Quand rodent les éfrits, qui chevauchent les sons.
Puis le silence emplit lentement tout l’espace.
Entre les rochers bruns gisent d’étranges traces…

samedi 4 août 2018

Études

Les feuilles bistres jalonnaient tout le velours,
Belles esquisses qui n’avaient pas vu le jour.
Le clair-obscur de l’atelier baignait la scène
Et la magie du peintre mort n’était pas vaine.

vendredi 3 août 2018

Fabliau

Dans le miroir au tain piqué, j’ai vu la fée.
Je me suis retourné, mais dans ce vieux café,
Seul un homme éreinté dormait sur une table,
Où était ma vision ? Qui jouait dans la fable ?

jeudi 2 août 2018

Abc

Les lettres sur l’affiche oscillèrent gaiement
Lorsque je les fixai, peut-être au détriment
Du sens premier des mots, mais de l’imaginaire
Elles donnaient le ton, l’abc visionnaire...

mercredi 1 août 2018

Coloration

Derrière la moiteur de la rue qui s’active,
Il y a des couleurs délicates ou vives
Et des rires légers. La superposition
Laisse monter en moi d’étranges émotions.

mardi 31 juillet 2018

Aïeux

La généalogie s’étalait sur la frise
En nobles médaillons de contes, de marquises.
À peine consistant, pâle, je demeurais,
Fantomatique autant que les pâles portraits.

lundi 30 juillet 2018

Équipe de nuit

Le port a des relents de pétrole et de rouille
Et les rats sur les quais vont partir en vadrouille,
Au crépuscule, quand enfin les goélands
S’assoupissent repus. Des choix équivalents.

dimanche 29 juillet 2018

Lin

Le bleu des fleurs de lin te séduirait peut-être,
Un jour où tu irais dans des plaines champêtres.
Il faut les voir, menues, faire des vagues bleues
Quelques jours de juin : spectacle fabuleux.

samedi 28 juillet 2018

Passage

L’enfilade des portes frôle l’infini.
Je passe peu à peu, comme une litanie,
Les chambranles dorés. Des coulis d’air frissonnent…
Encore loin, s’esquisse un azur qui bourdonne.

vendredi 27 juillet 2018

Optimisme

J’ai vu se dessécher hier les derniers buissons.
Ayoun me répondit : terre et graines y sont,
Même l’eau dans les airs se cache. Pas d’absence…
Hormis Dame Sagesse : elle a pris des vacances.

jeudi 26 juillet 2018

Tout s’use

La corde est trop tendue, ses torons s’effilochent
À force de frotter sur l’arête des roches.
En bas, je vois la mer, dont le ressac rugit.
La pierre s’usera… le temps s’est élargi.

mercredi 25 juillet 2018

Encre bleue

La beauté de ta main qui tient le stylo-plume,
Au fond de mon esprit, me laisse une amertume,
Incertain que je suis d’avoir lu tout le bleu
De l’encre et de ton âme. Un soir de mai. Il pleut.

mardi 24 juillet 2018

Santal

Tout est parti du fond d’un coffret de santal
Où gisait autrefois quelque anneau de métal
Et la soie de l’écrin gardait sa trace vaine
En un léger repli… le temps que je comprenne.

lundi 23 juillet 2018

Fin d’été

Des effluves d’humus remontaient dans l’air frais
Ces matins de septembre où tu me racontais
Les légendes de Pan, des nymphes, des dryades,
Et les feuilles tombaient, rougeoyantes gambades.

dimanche 22 juillet 2018

Soirée dansante

La sonate vêtait d’un rien la courtisane,
Elle tournait, royale, espérant la pavane.
Hélas les musiciens tombaient, sur le plancher,
L’un après l’autre. Ainsi, le bal en fut gâché.

samedi 21 juillet 2018

Perçu

Le tic-tac de l’horloge en rythme s’accapare,
Et l’espace et le temps. La comtoise se pare
Alors d’une couleur d’univers élargi.
Les anges sont discrets : se sont-ils assagis ?

vendredi 20 juillet 2018

Carte

Le plafond craquelé comme un vieux parchemin
Révèle des secrets sur d’antiques chemins
Je les suis du regard, certain qu’ils me conduisent,
Au bord de la pénombre, à des lueurs exquises.

jeudi 19 juillet 2018

Mappemonde

La mappemonde roule au rythme du néant
Dans l’éther abyssal, en boule d’océan
Je sens sur la terrasse aux bougainvillées roses
Un parfum d’univers imprégnant toute chose.

mercredi 18 juillet 2018

Et si…

De curieuses fleurs d’or font sur le papier peint
Des taches de soleil au milieu des sapins.
Rien n’est plus irréel et pourtant dans la pièce
Un parfum de forêt lentement me caresse.

mardi 17 juillet 2018

Plan sur plan

Dans ma ville irréelle indéfiniment j’erre,
Emportant malgré moi les amours passagères
Au bord de quais brumeux. Nous nous serrons transis,
Regardant les bateaux tanguer… rêves choisis.

lundi 16 juillet 2018

Là-bas

Je cours pour échapper à la folie du monde
Et mon souffle se perd sur la route qui gronde.
Au-delà des frontières, des villes, je cours,
Je vais toujours plus loin. Pas de droit de séjour.

dimanche 15 juillet 2018

Autre vie

La porte grince encor. Le cabanon est froid.
C’est le vent qui sévit le long de la paroi.
L’île est paradisiaque et tout aussi mortelle.
Aujourd’hui, j’irai voir le gisement des stèles.

samedi 14 juillet 2018

Hermite

Un jour il est sorti de sa grotte, vaincu,
Le moi d’hier ici n’ayant pas survécu,
Renaissant dans l’air frais d’un matin sans disgrâce.
Il est parti léger, ne laissant nulle trace.

vendredi 13 juillet 2018

Liens

À cet instant j’ai vu les liens entre les êtres
À peine, sur un plan différent du paraître,
En résonance fine entre eux, longs filaments,
Comme les cordes d’un violon. Infiniment.

jeudi 12 juillet 2018

Jachère

De ce coin d’abandon la beauté me subjugue
Orges, bromes, chiendents sauvages se conjuguent
Au-dessous potentilles jaunes, trèfles blancs
Jouent sans fin dans les ombres des épis ballants.

mercredi 11 juillet 2018

Épouvante

Le goût du vil métal sur ma langue paresse
Et la bête rampante de la peur me presse :
Imaginaires lieux, lents tourbillons de mots,
Ce roman se termine en un fortissimo.

mardi 10 juillet 2018

Non

J’ai cessé de compter du jour où elle fut,
De son regard lointain, symbole du refus.
Même son corps niait qu’en vain le temps se traîne
Avait-elle raison ? La vie est souveraine...

lundi 9 juillet 2018

Approche

Nous nous trouvâmes seuls, l’un et l’autre perdus,
Dans un quartier de fers et de bétons tordus.
Je portais redingote et candide chemise,
Et cet accoutrement la laissa sans surprise.

dimanche 8 juillet 2018

Sono

Dans la moiteur du soir, les baffles tonitruent,
Les gens bougent autour dans ce bruit lourd et cru…
Cette saturation sonore a persisté,
Les grillons se sont tus. Pas un n’a pu rester.

samedi 7 juillet 2018

Sarabande

Les chiffres détenus sur des pages grossières
Échafaudent des plans pour gagner d’autres sphères
Et le vent sans pudeur ajoute du chaos,
Quelques lignes tissées rejoignant le tao.

vendredi 6 juillet 2018

Fil

Mille et un bouts de laine au fond du coffre gisent
En pelotes usées par autant de reprises,
Autant de bas de laine et chaussettes écrus.
Je vois encor les mains des chères disparues.

jeudi 5 juillet 2018

Une goutte

Le ruisseau roule loin des vaguelettes fines,
Enfance sur la berge, évanescente ondine,
Agrion bleu-azur aux ailes de cristal,
Cris de joie… souvenirs d’un bel instant total.

mercredi 4 juillet 2018

Des jours

Elle tenait ses mains en coupe sous sa tête,
Essayant d’ignorer les flonflons de la fête.
Un soleil gris séchait les larmes sous ses doigts.
Sur son foulard était brodé « Fais ce que dois ».

mardi 3 juillet 2018

Versatile

L’inertie se défend, la vie se charge d’être.
On entend les roseaux crissant de la fenêtre.
Un écureuil se penche, ivre de clair-obscur.
L’été. Létale envie de ne pas être sûr.

lundi 2 juillet 2018

Canevas

La corde effilochée de ta vie se balance
Au vent mauvais des ans. La trame devient dense
Au travers de laquelle insensible tu vas.
Rien n’est tracé d’avance sur le canevas.

dimanche 1 juillet 2018

Pré sous l’orage

Au-dessus le ciel noir se déchire en tonnant,
La prairie se dérobe autour des ruminants,
Bêtes endolories par la moite chaleur.
Enfin la pluie se donne aux toisons. Le bonheur.

samedi 30 juin 2018

Pailleté

Le détail soutenu des ombres du feuillage
Attire mes regards. La lumière est volage
Et le soleil badine. Il faut raison garder.
Je suis ombre et lumière, impossible à scinder…

vendredi 29 juin 2018

Tout conte fait

Les contes à dormir debout se font plus rares
Et la chimère meurt bientôt, sans crier gare,
Abandonnant son rêve au beau milieu du guet,
Faute d’avoir sonné les cloches du muguet.

jeudi 28 juin 2018

Cube

Dans ce cube mental, les angles se referment
Et les pensées piégées grouillent sous l’épiderme.
Au rythme de ce cœur qui farouchement bat.
La nuit va se lever. Commence le combat.

mercredi 27 juin 2018

Furtive

La chevêche empaillée qui trône sur la table
Observe le marchand d’un air indéchiffrable.
Il ne sait rien de l’âme, il compte son argent,
Dans le ciel les oiseaux, sur la terre les gens…

mardi 26 juin 2018

Course

Elle n’a pas le temps, tout s’enchaîne trop vite.
Un essaim de tracas autour d’elle gravite
Il est huit heures et quart, il faut aller bosser.
Elle entend ses talons claquer sur la chaussée…

lundi 25 juin 2018

Chardonneret

Les beaux jours insolents caracolent dans l’air,
Un fier chardonneret dans l’arbre chante clair.
Il ne me reste rien de cette morgue humaine,
En cet instant, la vie est toute souveraine.

dimanche 24 juin 2018

Nue

Nue, la modèle Estelle est de mauvaise humeur,
École des Beaux-Arts. Elle entend les rumeurs :
On dit que sa posture est beaucoup trop languide.
Elle est, l’éternité de la toile, morbide.

samedi 23 juin 2018

Couloir

La peinture écaillée, jaune, se pavanait
Sur les murs du couloir où je me promenais,
Peut-être un souvenir d’un lycée, d’un collège.
Aucune issue. Ce rêve a tout d’un sortilège.

vendredi 22 juin 2018

Aventure

Il s’est un peu fâché contre le vent pervers
Qui ballottait sa carte routière à l’envers
Puis le vent est tombé. Lui s’est remis debout,
La déchirant soigneusement en petits bouts.

jeudi 21 juin 2018

Avec les yeux

Il ne dit jamais rien. Son regard est ailleurs.
Il sourit aux passants, parfois, qui en ont peur.
Quand il voit dans le ciel les martinets qui filent
En trissant, ses yeux brillent. J’ai trouvé son île.

mercredi 20 juin 2018

Rides

À ce jeu, le visage, avec ses coups du sort,
Marque vilainement. Ce n’est pas du ressort
De l’esthétique, mais des géomorphologues.
Aux flots de rides l’homme est un marin qui vogue.

mardi 19 juin 2018

Amicalement

Aux amis que je perds (le temps passe) de vue,
Je laisse des virgules, entre les mots, pourvues,
Comme les points, de pensées que l’on n’a pas dites,
Espérance gardée qu’un jour elles s’ébruitent…

lundi 18 juin 2018

Au bout

Les pierres sont levées au bord de l’occident,
Doigts pointés vers le ciel, gueules chargées de dents,
Vers les nuages lourds, vers les troupeaux d’étoiles,
Et les femmes lassées regardent loin, les voiles.

dimanche 17 juin 2018

Mes loups

Mes souvenirs enfouis sont tels des loups errants,
Jamais je ne leur somme de se mettre en rang.
Solitaires, en meute, au gré de la mémoire,
Ils sont prêts à bondir, gueules rouges ou noires.

samedi 16 juin 2018

Juste ici

La ville est sale et grise, et je te vois debout
Là-bas, près de l’église, élégante, en boubou.
Tu regardes les gens tout autour qui se flattent,
Ignorant dans ce gris le soleil écarlate.

vendredi 15 juin 2018

Pas

Elle esquissa des pas de danse sur la terre
Et les dessins tracés lentement suscitèrent
Auprès des sages d’Ys un curieux effroi.
La fracture du monde ouvrit un noir détroit.

jeudi 14 juin 2018

Douleur

Il n’aimait plus sentir le poids des vents contraires,
Il avait oublié quel gamin téméraire
Il était. Devant lui souriait le Destin,
Les chaussures trouées, la veste de satin.

mercredi 13 juin 2018

Fort courant

Méandrique rivière, à la puissance étale,
Elle avance en silence, étendue d’eau létale
À peine caressée par la brise qui ment.
Je suis au bord, lassé d’elle et du firmament.

mardi 12 juin 2018

Ondulations

Les orges vont au vent comme des vagues folles
Et le vert sous le gris des nuages console
Un peu mon âme en peine, oiseau déconcertant.
Puis j’entends l’alouette. Alors, c’est le printemps.

lundi 11 juin 2018

Berlue

L’optique joue des tours. Je crois l’apercevoir
Dans le reflet bleuté d’une vitre de bar.
Je me retourne. Rien. C’est la porte qui claque.
Au-dehors, le reflet d’un fou dans une flaque…

dimanche 10 juin 2018

Du plus haut

De l’église à l’étang, c’est un chemin d’appel
Antique qui descend. L’étang renvoie le ciel
Quand les arbres sont nus, l’hiver, et ses nuages.
Au-dessus du clocher se prépare l’orage.

samedi 9 juin 2018

Complet

La coupe était parfaite et la démarche sûre
Et pourtant, il avait, par-delà son allure,
Un désir abyssal d’endosser le néant,
Mais la cape était lourde et le désir béant.

vendredi 8 juin 2018

Décompte

L’intensité de ce moment, vu dans tes yeux,
Qui regardaient autour des miens l’orbe joyeux,
Me fit passer comme un été d’oranges douces
En un instant. Qu’elle était loin, la mort aux trousses !

jeudi 7 juin 2018

Climat

Le relief inouï de l’air même se trame,
Inconnu des pensées qui réfrènent nos âmes,
Et les cieux envahis de traînées rouge sang
Laisse le froid glisser vers nos cœurs impuissants.

mercredi 6 juin 2018

Ta voix

C’est un velours, une clochette, un son flûté,
Parfois le sifflement d’une lame affûtée,
Ta voix m’enchante et j’aime jusqu’à tes silences,
Écrins de mélodies. Les notes se balancent.

mardi 5 juin 2018

À la lettre

Elle avait envoyé des lettres si souvent,
Mais étaient-ils encor du monde des vivants,
Ceux qu’elle tutoyait d’une écriture fine ?
Elle en fit tant couler, de l’encre purpurine…

lundi 4 juin 2018

Se vi pare

Si je vous ai prié de ne pas me mentir,
Je n’ai pas pour autant l’étoffe du martyr.
Donnez un peu de vous, de cette délicate
Âme et laissez mourir vos mines scélérates.

dimanche 3 juin 2018

Demoiselles

La lumière a chanté des airs de neste rude
Et les embruns d’ici, prismatiques, dénudent
Irrésistiblement les nymphes de ruisseaux.
Verrai-je l’agrion dans son ultime saut ?

samedi 2 juin 2018

De guerre lasse

L’éclat de la guerrière a terni sous les ors
Des cuivres, des laitons des munitions de mort.
Le pouvoir est têtu, les armes séductrices.
Il est temps que la rouille sur l’acier fleurisse.

vendredi 1 juin 2018

À la fraîche

La terrasse se teint des primes lueurs mauves,
Une à une les bêtes de la nuit se sauvent
Et ton mégot rougeoie. Ta main le tient serré.
Le reste de ton corps frissonne. As-tu pleuré ?

jeudi 31 mai 2018

Abandon

J’ai voyagé léger, sur des pierres de lune
Allongées et flottant au-dessus des callunes
Et j’ai laissé le monde au loin, dans mon néant,
Au prix vertigineux d’un horizon béant.

mercredi 30 mai 2018

Vite

La vitesse m’étreint comme une laisse un chien.
Je cherche vainement l’oxygène mais rien,
Dans cet univers gris, ne me dispose à vivre
Avec cette lenteur qui porte et me délivre.

mardi 29 mai 2018

Foi

Je gage que l’azur cèle des faits curieux,
Inconnus des humains parvenus, et des dieux
Que la blessure ouverte au bord de l’âme humaine
Aspire une lumière à l’ardeur souveraine.

lundi 28 mai 2018

Livresque

Les lampes en laiton, les sous-mains de cuir vert,
Une odeur de vieux bois et de livres ouverts
Me rappellent soudain les heures assidues
Passées dans le secret des arts inattendus.

dimanche 27 mai 2018

Quelques accords

Le pincement du cœur et des cordes s’enchaîne
Une guitare est tout ce qu’il faut pour ma peine.
Où le soleil s’étire en un reflet de miel,
Je caresse le bois. Le temps est substantiel.

samedi 26 mai 2018

En miettes

Les sentiments croisés d’océans, de nefs, d’îles
Emportent dispersés mes rêves immobiles.
Allongé, sous le ciel, je suis ces particules
Éparpillées de moi. Le sable et le sel brûlent.

vendredi 25 mai 2018

Littoral

Le hasard a voulu que nos chemins se croisent
À la pointe du Van, face à la mer d’Iroise,
Unis, nous regardions filer des cerfs-volants.
Les mouettes riaient. Nous étions nonchalants.

jeudi 24 mai 2018

La statue

Je suis de la vallée de Nour. Je porte haut
L’oriflamme de soie, plus tranchant qu’une faux.
Mon cheval est de marbre et mon buste d’argile.
Au-dessus les pigeons fientent. Maudite ville !

mercredi 23 mai 2018

Solarium

La cour laissait passer chichement la lumière
Et le chat s’allongeait toujours sous la verrière,
Héliotrope félin, vibrisses dans le fort
De l’effluve solaire. Image de l’effort...

mardi 22 mai 2018

Savane

N’aurais-je ressenti que le froid de ses ailes ?
Yeux fermés je rêvais : peut-être tourterelle
Ou fée qui passait là. J’étais anéanti.
Je m’étais réfugié dans le Serengeti.

lundi 21 mai 2018

Épistolier

Une dense noirceur dans la pénombre épie,
Tu traces le ruban de l’encre sans répit,
Proie de toutes les peurs qui pesamment t’assaillent.
Enfin la lettre est faite… à quand nos retrouvailles ?

dimanche 20 mai 2018

Haie

Le vent caresse ému le vert de son feuillage
Et le ruban sans fin de la route m’engage
À sentir en passant ses effluves légers.
Je veux laisser l’instant vaste me submerger.

samedi 19 mai 2018

Lacune

Le jour s’est retiré que déjà l’aube pointe...
Où est passée la nuit ? J’observe mes mains jointes.
Ai-je prié ? Le temps joue de mes insomnies.
Noire est l’heure où l’on doit côtoyer l’infini.

vendredi 18 mai 2018

Contre-point

Je vois les sons filer, rebondissantes sphères,
Un accord se déroule et rien ne m’indiffère.
Au silence se love un espace primal.
L’harmonie m’enveloppe et je suis animal.

jeudi 17 mai 2018

Taillis

La bête se faufile au cœur d’un vieux roncier,
Là où jamais ne vont traîner les vacanciers.
Le vrai monde est toujours vivant. Les bêtes savent.
Abri pour les petits, pour les grands une entrave.

mercredi 16 mai 2018

À la chaîne

Je me suis perdu dans la chaîne d’assemblage.
Un vrombissement lent grignote mon courage.
Au-dessus les néons crachent des rayons crus.
Les robots sont parfaits. Les gens ont disparu.

mardi 15 mai 2018

Chélidoine

Dans le secret des murs elle se porte, belle,
Avec ses fleurs perchées, fragiles sentinelles
Épanouies, dispose à partager son sang
De vif orange avec les gens reconnaissants.

lundi 14 mai 2018

Altitude

L’orage racle, grogne autour de la masure
Et les pierres, les bois grincent. Je me rassure
En pensant que le ciel est toujours bleu là-haut,
Dans la sérénité des cercles virginaux.

dimanche 13 mai 2018

Céramique

J’ai fait des anciens jours des faïences collées
Sur le mur encor chaud de nos amours mêlées,
Pour tenter de guérir la funeste indolence.
Une paillette de soleil lentement danse.

samedi 12 mai 2018

Ils passent

Jeanne s’est posée là, c’est l’heure, à sa fenêtre.
Elle voit les passants qu’elle connaît, peut-être
Et son chat qui la fixe avec ses yeux dorés
Lui raconte des jours lointains et colorés.

vendredi 11 mai 2018

Dichotomie

Les fils coupent le ciel, les chemins cette terre.
Ils divisent toujours, sans retenue, sectaires.
Au prétexte d’unir, ils s’arrogent le droit
De linéariser l’homme telle une proie.

jeudi 10 mai 2018

Géode

Autour des âmes nues, les formes se complaisent,
Aussitôt l’infini prend un aspect de glaise
Et nos amours volés aux minutes d’ici
Sauront-ils fissurer cette gangue durcie ?

mercredi 9 mai 2018

Bucoliaste

Il écrit comme il peint, mais en noir sur fond blanc,
Le carnet dans sa poche. Il se promène, lent,
Piochant tout à l’entour la vie qui s’égosille,
Il lui offre des mots, vaines, belles vétilles.

mardi 8 mai 2018

Maurane

Je traînais avec toi, salle des pas perdus,
Tu chantais sur un prélude de Bach. Je dus
Dilater un peu trop ce tempo de chamade,
Au large tu partis, moi je restais en rade.

lundi 7 mai 2018

Chronique

Elle courut longtemps dans la brume et la lande,
En quête des derniers vestiges des légendes,
Et finit par tomber dans la bruyère bleue,
Songeant à la licorne au corps miraculeux.

dimanche 6 mai 2018

Simultanés

Dedans, la bonne cire imprègne le plancher,
Dehors, les ronceraies veloutent les rochers.
Je reste sur le seuil, l’avant-toit me protège,
Une bruine de mai tièdement nous assiège.

samedi 5 mai 2018

Bibliothécaire

Les livres sont logés dans de riches alcôves
Et le sable assez fou pour couler ne les sauve.
Un fantôme gardien passe en traînant les pieds,
Son corps immatériel traverse le papier.

vendredi 4 mai 2018

Au jour naissant

La montagne se tient, superbe, dans l’aurore
Et la verte toison de forêt qu’elle arbore
Alors scintille sous l’éclat de vifs torrents.
Que ne suis-je à cette heure au milieu du courant !

jeudi 3 mai 2018

Rares

Des citronniers de l’Elbe aux oliviers du Rhin,
Je suis allé frondeur, chercher les fruits d’airain
Pour les fondre aux creusets dont les feux s’éternisent
Et forger dans la peine une lame promise.

mercredi 2 mai 2018

Harmonie

Le sourire survient lentement sur tes lèvres
Et la ville à mesure étonnamment s’enfièvre.
Un air de comédie musicale soudain
Me laisse deviner quelque secret jardin.

mardi 1 mai 2018

Primeur

Dans la cohue du monde, à peine là, je dors.
La foule trace autour un univers sans bord,
Je rêve des épis qui comme moi se penchent,
Attendant sagement que la faux ne les tranche.

lundi 30 avril 2018

Pudeur

Sentinelle affairée des mondes opulents,
Cyclope citadin qui d’un mouvement lent,
Balaie les rues de nuit et de jour, indiscrète,
Es-tu celle qui rend la pudeur désuète ?

dimanche 29 avril 2018

Fragrance

Comme un saule pleureur dont les branches retombent,
À chaque instant je vais vers la terre et succombe
Aux senteurs de l’humus, profondes et boisées,
M’invitant ici-bas davantage à creuser…

samedi 28 avril 2018

Grises mines

Asphaltes et goudrons, les rubans gris s’allongent
Et mènent dans un temps bien au-delà des songes,
Ici l’étrange écho des strates de nuées,
Là celui des silhouettes d’arbres embués.

vendredi 27 avril 2018

Itératif

Mes rêves sont terrés dans des espaces tors,
À l’abri des courants profonds du grand Dehors,
Tels des origamis dont les replis enferrent,
Infiniment fractals, les plans imaginaires.

jeudi 26 avril 2018

Tombale

J’ai vu quelques détails sur cette tombe nue :
Les lichens griffonnaient des phrases inconnues
Que le vent chuchotait. Les angles de la pierre
Aux quatre vents jetaient d’insolubles mystères.

mercredi 25 avril 2018

Fragment de vie

La particule danse auprès d’un tourbillon,
Dans l’air désencombré des vaines illusions.
Je veille sans bouger dans ce paisible espace
Où tout est mouvement. La vie, les heures passent.

mardi 24 avril 2018

Spectral

Je traversais la brume, étrave pneumatique,
Inconsistante voie peuplée de dieux antiques,
Et de fées inconnues qui toutes me frôlaient
Tandis que le goudron morne se déroulait.

lundi 23 avril 2018

Sérénité

Les cieux sont empêtrés de nues noires et belles
Et toi, dans le jardin, tu es surnaturelle
À ne pas t’inquiéter des éclairs bleus et blancs
Ni des gouttes qui claquent sur ta peau. Troublant.

dimanche 22 avril 2018

Conte et fleurettes

Il ne s’était repu, la voir ne suffisait,
Même si tous les soirs, même heure, il la croisait.
Il voulut lui offrir un bouquet de violettes.
Elle jeta les fleurs. La peine fut muette.

samedi 21 avril 2018

Mer

Plus loin que la forêt de ces mats trop dociles
Il me faut naviguer dans l’indigo des îles
Avec les pieds blanchis par le flot des sept mers
Et les yeux tout encrés de nuances bleu-vert.

vendredi 20 avril 2018

Encerclement

La foule est tout autour (moi qui cherche un désert,
Sans doute pour tuer la peine qui me serre,
À faire sans témoin). Je m’enferme dans la
Contemplation d’une tasse de chocolat.

jeudi 19 avril 2018

Navires

Sous son parapluie noir à la poignée de jade,
Elle va vers le port, jusqu’au bord de la rade
Et regarde la pluie faire des ronds dans l’eau,
Tel un écho fluide aux rangées de hublots.

mercredi 18 avril 2018

Étang

L’étang depuis l’allée, ne se devine guère.
Il a sa propre source et des naïades fières
Enchantent l’eau précieuse. Au bord, plonge la main :
Chaque goutte te touche et te rend plus humain.

mardi 17 avril 2018

Pierre à faux

Le faucheur a trempé sa pierre dans la corne
Et caressé le fil que jamais rouille n’orne,
En arrière, en avant. Le rite de la faux.
La coupe se doit d’être nette et sans défaut.

lundi 16 avril 2018

Printemps

Aux caresses du vent, les brins d’herbe chuchotent
Et les chats de gouttière avec bonheur s’y frottent.
Effrontés, dans la haie, ramagent les pinsons.
La sève s’émancipe au soleil polisson.

dimanche 15 avril 2018

Ma peine

Le démon de la peine en chasse est reparti,
Dévorant ceux qui tentent, las, quelque sortie.
Je survis malgré tout dans la forêt des charmes,
En silence, blotti. Je ne rends pas les armes.

samedi 14 avril 2018

Marque-page

Soudain je découvris à la page cent-vingt
Quelques fleurs d’acacia fanées. Je me souvins
Du jour où sous cet arbre aimé nous nous connûmes,
Où les fleurs nous frôlaient comme des jours l’écume.

vendredi 13 avril 2018

Point nodal

Ainsi je déambule au cœur de la forêt.
Sur quelques points précis, je me tiens en arrêt,
Le monde perd ici sa propre consistance,
Est-ce un effondrement du temps qui recommence ?

jeudi 12 avril 2018

Fenil

J’aime bien les soupirs des fins de jour d’été,
Quand les ballots de foin sont en sécurité,
Sous un faîte de grange et que la grande voûte
Étoilée de la nuit réenchante nos doutes.

mercredi 11 avril 2018

À temps perdu

J’imagine les mots. La mine est en dedans,
Que peut-il en sortir ? Je rêve en attendant.
Dans les stalles du ciel, les nuages s’attroupent.
Il reste un peu de pain. Je vais tremper ma soupe.

mardi 10 avril 2018

Aumône

Des pièces de monnaies tombent dans la poussière
Et l’homme croit tenir la manne financière :
À peine quelques sous. Quelle philanthropie !
Peut-on rester debout dans un corps accroupi ?

lundi 9 avril 2018

Encore

Un samovar d’argent, le décor est posé.
J’apprécie l’entregent, pas jusqu’à la nausée,
Mais cette compagnie qui se veut érudite
Est nue sous le vernis des suffisances dites.

dimanche 8 avril 2018

Rails

Le paysage file. Elle le voit à l’envers.
Sa tête dodeline. Un peu de notre hiver
S’en va. Le cliquetis des rails a des vertus
D’oubli. J’espère tant qu’on se réhabitue.

samedi 7 avril 2018

Filtre

Le flot de mes pensées tamise la lumière,
Insidieux abat-jour de mes sources premières.
Mancolistes, détails, exégèses sans fin
Rembrunissent le ciel d’une âme qui a faim.

vendredi 6 avril 2018

Saumon

La rivière coulait. Des eaux brunes et noires
Où plus rien ne bougeait, pas même une nageoire.
Alors j’ai remonté le cours, infiniment.
L’eau froide, cristalline, était au firmament.

jeudi 5 avril 2018

Ange

L’ange mutin, qui d’or se teint, file sur l’eau.
Dans le courant d’un fleuve errant. Passe un îlot.
De sa barcasse, avec audace, alors s’élance
Au ras de l’onde. Une seconde, un peu de chance...

mercredi 4 avril 2018

Inclusion

L’ambre qui te confine a des couleurs de flamme,
Abeille qui ne sus t’échapper de la trame,
Éternelle captive à côté d’un pistil.
Pareillement je suis, dans un ambre subtil…

mardi 3 avril 2018

Hors la vie

Les objets alentour ont une mine lisse,
Un peu de leur froideur est dissimulatrice
Et le vertige vient de n’avoir à portée
Que ce cortège dont la vie s’est écartée.

lundi 2 avril 2018

Ligne de fuite

La circularité de la roue me fascine :
Inéluctablement, d’une trace anodine,
Elle presse le temps qui s’étire au-dessous.
Les orbes sont unis quand l’espace est dissout.

dimanche 1 avril 2018

Onirie

J’explore les contrées intimes du dormeur,
Cette ville onirique où quelques allumeurs
De réverbère vont, noctambules zélés.
Je suis lumière et ombre, aux formes emmêlées.

samedi 31 mars 2018

Diamants

Les diamants échappés des mines se rebellent
Et fuient les feux-follets des ruisselantes belles,
Emportés par le vent cruel de l’illusion.
Leur chant rejoint celui des infinies visions.

vendredi 30 mars 2018

Heure vénale

Gilet béant, cravate lâche et couperose,
Il pavanait sur le pavé, prenant des poses
Et tu suivais, proie fascinée par son éclat.
J’ai tout jeté, mes vers, mon bouquet de lilas…

Rythmique

Elles tapaient des pieds sur le sol de poussière,
Ils frappaient les tambours de leurs mains roturières
Et le rythme montait comme un soleil d’avril,
Arraisonnant les corps dans l’instant volatil.

mercredi 28 mars 2018

Des airs

Les rires tonitruent sous la voûte du bar.
La part des anges flotte au milieu des flambards.
Je suis las, devant toi. Lentement, je dévisse.
Un air de jazz m’étreint. So what, de Miles Davis.

mardi 27 mars 2018

Monographie

Elle écrivit d’un jet le traité des pendules,
Assise à son bureau, de l’aube au crépuscule
Et son front s’inclina comme une fleur fanée,
Sous le poids d’un seul jour qui pèse tant d’années.

lundi 26 mars 2018

Qui sème

Les graines de semis d’entre ses mains s’esquivent
Et tombent sur le sol en princesses captives,
Espérant s’étancher de quelques perles d’eau.
Les nuages sont gris. Le vent va crescendo.

dimanche 25 mars 2018

Libertés

La grille est refermée. Le chant des alouettes
Est monté dans l’azur et rien de les arrête.
Un chat près de la grille observe les oiseaux.
Sa moustache frémit quand penchent les roseaux.

samedi 24 mars 2018

De ce repos

Les astres sont rétifs, auprès de qui je dors,
À la moindre chaleur, à quelque réconfort,
Heureusement l’humus a des douceurs de mère
Et dans le creux du sol, la nuit se fait légère.

vendredi 23 mars 2018

Saint-Rémy

Le temps l’a laissée vaine au milieu des labours,
Le fronton du clocher plein de lierre et, autour,
Les ronces goulues vont, triomphantes épines,
Au-dessus de la nef. La vie cache les ruines.

jeudi 22 mars 2018

Manoir

La maison crût, longtemps, poussée par les temps morts,
Ignorant l’entropie qui hurlait au-dehors,
Développant des tours, des pignons et des ailes,
Oubliant qu’alentour le temps faisait du zèle.

mercredi 21 mars 2018

Offrande

Les coupoles serties d’or et de pierres bleues
Brillent de l’intérieur. Des monstres fabuleux
Du haut de leur pilier déploient leurs ailes noires,
Attendant quelque don de moi, propitiatoire.

mardi 20 mars 2018

Corrélation

Une amie singulière sur un banc s’étire,
Un chat de ses entours passe et vient se blottir
Au creux de ses jupons. L’une et l’autre sont loin,
Dérivant dans le flot d’un univers conjoint.

lundi 19 mars 2018

Exploration

Autour de moi, les dimensions sont incertaines
Et la maison subit d’étranges phénomènes.
Il suffit de pencher la tête par-dessus :
S’invite alors quelque vertige à mon insu.

dimanche 18 mars 2018

Pique-nique

Ce jour de beau soleil, je réservai la table,
Un coin d’herbe jolie, des chênes vénérables
Et je mis le couvert sur le plaid écossais.
J’enviais le bouton d’or que tu caressais.

samedi 17 mars 2018

Entrain

Il n’a ni foi ni loi, le vers qui t’électrise,
Il aime t’émouvoir comme au temps des cerises…
À trop couper les mots, ce soir, qu’en reste-t-il ?
Un petit air frondeur, un arôme subtil ?
Licence Creative Commons
Cartes Postales de http://buissonnieres.blogspot.fr/ est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 non transposé.