lundi 30 avril 2018

Pudeur

Sentinelle affairée des mondes opulents,
Cyclope citadin qui d’un mouvement lent,
Balaie les rues de nuit et de jour, indiscrète,
Es-tu celle qui rend la pudeur désuète ?

dimanche 29 avril 2018

Fragrance

Comme un saule pleureur dont les branches retombent,
À chaque instant je vais vers la terre et succombe
Aux senteurs de l’humus, profondes et boisées,
M’invitant ici-bas davantage à creuser…

samedi 28 avril 2018

Grises mines

Asphaltes et goudrons, les rubans gris s’allongent
Et mènent dans un temps bien au-delà des songes,
Ici l’étrange écho des strates de nuées,
Là celui des silhouettes d’arbres embués.

vendredi 27 avril 2018

Itératif

Mes rêves sont terrés dans des espaces tors,
À l’abri des courants profonds du grand Dehors,
Tels des origamis dont les replis enferrent,
Infiniment fractals, les plans imaginaires.

jeudi 26 avril 2018

Tombale

J’ai vu quelques détails sur cette tombe nue :
Les lichens griffonnaient des phrases inconnues
Que le vent chuchotait. Les angles de la pierre
Aux quatre vents jetaient d’insolubles mystères.

mercredi 25 avril 2018

Fragment de vie

La particule danse auprès d’un tourbillon,
Dans l’air désencombré des vaines illusions.
Je veille sans bouger dans ce paisible espace
Où tout est mouvement. La vie, les heures passent.

mardi 24 avril 2018

Spectral

Je traversais la brume, étrave pneumatique,
Inconsistante voie peuplée de dieux antiques,
Et de fées inconnues qui toutes me frôlaient
Tandis que le goudron morne se déroulait.

lundi 23 avril 2018

Sérénité

Les cieux sont empêtrés de nues noires et belles
Et toi, dans le jardin, tu es surnaturelle
À ne pas t’inquiéter des éclairs bleus et blancs
Ni des gouttes qui claquent sur ta peau. Troublant.

dimanche 22 avril 2018

Conte et fleurettes

Il ne s’était repu, la voir ne suffisait,
Même si tous les soirs, même heure, il la croisait.
Il voulut lui offrir un bouquet de violettes.
Elle jeta les fleurs. La peine fut muette.

samedi 21 avril 2018

Mer

Plus loin que la forêt de ces mats trop dociles
Il me faut naviguer dans l’indigo des îles
Avec les pieds blanchis par le flot des sept mers
Et les yeux tout encrés de nuances bleu-vert.

vendredi 20 avril 2018

Encerclement

La foule est tout autour (moi qui cherche un désert,
Sans doute pour tuer la peine qui me serre,
À faire sans témoin). Je m’enferme dans la
Contemplation d’une tasse de chocolat.

jeudi 19 avril 2018

Navires

Sous son parapluie noir à la poignée de jade,
Elle va vers le port, jusqu’au bord de la rade
Et regarde la pluie faire des ronds dans l’eau,
Tel un écho fluide aux rangées de hublots.

mercredi 18 avril 2018

Étang

L’étang depuis l’allée, ne se devine guère.
Il a sa propre source et des naïades fières
Enchantent l’eau précieuse. Au bord, plonge la main :
Chaque goutte te touche et te rend plus humain.

mardi 17 avril 2018

Pierre à faux

Le faucheur a trempé sa pierre dans la corne
Et caressé le fil que jamais rouille n’orne,
En arrière, en avant. Le rite de la faux.
La coupe se doit d’être nette et sans défaut.

lundi 16 avril 2018

Printemps

Aux caresses du vent, les brins d’herbe chuchotent
Et les chats de gouttière avec bonheur s’y frottent.
Effrontés, dans la haie, ramagent les pinsons.
La sève s’émancipe au soleil polisson.

dimanche 15 avril 2018

Ma peine

Le démon de la peine en chasse est reparti,
Dévorant ceux qui tentent, las, quelque sortie.
Je survis malgré tout dans la forêt des charmes,
En silence, blotti. Je ne rends pas les armes.

samedi 14 avril 2018

Marque-page

Soudain je découvris à la page cent-vingt
Quelques fleurs d’acacia fanées. Je me souvins
Du jour où sous cet arbre aimé nous nous connûmes,
Où les fleurs nous frôlaient comme des jours l’écume.

vendredi 13 avril 2018

Point nodal

Ainsi je déambule au cœur de la forêt.
Sur quelques points précis, je me tiens en arrêt,
Le monde perd ici sa propre consistance,
Est-ce un effondrement du temps qui recommence ?

jeudi 12 avril 2018

Fenil

J’aime bien les soupirs des fins de jour d’été,
Quand les ballots de foin sont en sécurité,
Sous un faîte de grange et que la grande voûte
Étoilée de la nuit réenchante nos doutes.

mercredi 11 avril 2018

À temps perdu

J’imagine les mots. La mine est en dedans,
Que peut-il en sortir ? Je rêve en attendant.
Dans les stalles du ciel, les nuages s’attroupent.
Il reste un peu de pain. Je vais tremper ma soupe.

mardi 10 avril 2018

Aumône

Des pièces de monnaies tombent dans la poussière
Et l’homme croit tenir la manne financière :
À peine quelques sous. Quelle philanthropie !
Peut-on rester debout dans un corps accroupi ?

lundi 9 avril 2018

Encore

Un samovar d’argent, le décor est posé.
J’apprécie l’entregent, pas jusqu’à la nausée,
Mais cette compagnie qui se veut érudite
Est nue sous le vernis des suffisances dites.

dimanche 8 avril 2018

Rails

Le paysage file. Elle le voit à l’envers.
Sa tête dodeline. Un peu de notre hiver
S’en va. Le cliquetis des rails a des vertus
D’oubli. J’espère tant qu’on se réhabitue.

samedi 7 avril 2018

Filtre

Le flot de mes pensées tamise la lumière,
Insidieux abat-jour de mes sources premières.
Mancolistes, détails, exégèses sans fin
Rembrunissent le ciel d’une âme qui a faim.

vendredi 6 avril 2018

Saumon

La rivière coulait. Des eaux brunes et noires
Où plus rien ne bougeait, pas même une nageoire.
Alors j’ai remonté le cours, infiniment.
L’eau froide, cristalline, était au firmament.

jeudi 5 avril 2018

Ange

L’ange mutin, qui d’or se teint, file sur l’eau.
Dans le courant d’un fleuve errant. Passe un îlot.
De sa barcasse, avec audace, alors s’élance
Au ras de l’onde. Une seconde, un peu de chance...

mercredi 4 avril 2018

Inclusion

L’ambre qui te confine a des couleurs de flamme,
Abeille qui ne sus t’échapper de la trame,
Éternelle captive à côté d’un pistil.
Pareillement je suis, dans un ambre subtil…

mardi 3 avril 2018

Hors la vie

Les objets alentour ont une mine lisse,
Un peu de leur froideur est dissimulatrice
Et le vertige vient de n’avoir à portée
Que ce cortège dont la vie s’est écartée.

lundi 2 avril 2018

Ligne de fuite

La circularité de la roue me fascine :
Inéluctablement, d’une trace anodine,
Elle presse le temps qui s’étire au-dessous.
Les orbes sont unis quand l’espace est dissout.

dimanche 1 avril 2018

Onirie

J’explore les contrées intimes du dormeur,
Cette ville onirique où quelques allumeurs
De réverbère vont, noctambules zélés.
Je suis lumière et ombre, aux formes emmêlées.
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