jeudi 31 décembre 2020

L’eau coule

L’eau s’égoutte, ruisselle entre les pavés noirs,
Coule dans la rigole et les flaques miroirs,
Continue dans l’égout qui charrie notre fange
Et finira peut-être un jour, dans une orange.

mercredi 30 décembre 2020

Mots

J’attends sans fine bouche à la table des grands,
Mes petits points serrés posés dessus. J’apprends
Les mots qui disent oui, qui disent non, les mêmes,
Aussi, dans le silence, un parfum de « je t’aime ».

mardi 29 décembre 2020

Caresses de l’air

Le souffle inassouvi lentement soliloque
Oubliant peu à peu le soi qui se disloque
Aux caresses de l’air. Le monde est en dedans.
L’idée s’épanouit. Je pleure, en attendant.

lundi 28 décembre 2020

Esprits frappeurs

Ma maison de papier recèle des espaces
Encore inexplorés. Peut-être des impasses…
La vie ne suffit pas. J’accumule les peurs,
Trop de papier froissé. J’ai mes esprits frappeurs.

dimanche 27 décembre 2020

Tous les pas

L’espace froid du marbre étant ses griffes sombres.
À compter les échos des pas perdus en nombre,
Où la rumeur se tait, les esprits prennent corps.
Le tissu près du mur dissimule les morts.

samedi 26 décembre 2020

Les vieux papiers

Fébrilement il fouille un tas de vieux papiers,
Des croquis annotés, des textes recopiés,
L’encre pâle défile et cache ses mystères…
Il est bien loin d’avoir tari son inventaire.

vendredi 25 décembre 2020

Le dernier flocon

La neige déposée, fragile sur la branche,
Oscille sans connaître rien des avalanches.
Au-dessus le ciel noir scintille également.
De la neige, le sort dépend du firmament.

jeudi 24 décembre 2020

Crépusculaire

La rosace m’éclaire un peu sous la lueur
De cette fin du jour. J’ai dû faire une erreur.
Je me sens étranger dans ce temps, cette église.
À genoux sur ce banc, la prière m’épuise.

mercredi 23 décembre 2020

Porte close

La chaumière du parc a des lames qui teintent
À sa porte d’entrée. C’est le vent qui se pointe
Et moi, juste en second. Faut-il frapper aussi ?
Mais la porte ne s’ouvre pas. Fin du récit.

mardi 22 décembre 2020

Tout près de

Les confettis épars, les canettes qui roulent,
Un chien des rues qui flaire au milieu de la foule,
Et toi. Je vole un peu plus haut dans le ciel gris,
La fête me rejette au-dessus de Paris.

lundi 21 décembre 2020

Dans la foule

Tout est parti de là, son sourire esquissé,
Dans la foule dansante et les flots épicés.
J’ai tendu sans savoir une main tout près d’elle
Elle ne m’a pas vu… partie à tire-d’aile.

dimanche 20 décembre 2020

Une peau

D’où qu’il vienne, le vent rapporte les rumeurs
Du monde. Ainsi la peau ressent toutes les peurs,
Les doutes, les désirs, les frissons, les liesses…
Une peau qui devrait se nourrir de caresses.

samedi 19 décembre 2020

La rue

Sur les pavés bancals, la calèche progresse
Et le bruit du métal sur la pierre l’agresse.
Il rêve d’un brouillard capable d’étouffer
Les sons, l’aube, les peines. Il en appelle aux fées.

vendredi 18 décembre 2020

Dehors

Le mur ocre est dans l’ombre, elle est assise là,
Tandis que les passants masqués regardent la
Vitrine scintillante à côté. Je devine
À son regard serein que rien ne la confine.

jeudi 17 décembre 2020

Espère

Espère lentement, comme un souffle léger.
Le ciel de tes yeux vire au gris ennuagé.
Nous sommes plus que nous. L’instant qui recommence
Est un baume de l’être. Ainsi va l’espérance.

mercredi 16 décembre 2020

Maraude

La rue sent la sueur, les chiens sont dans des cages.
Un violoniste las joue pour un mariage.
Une bouche d’égout, sur le trottoir pavé
Dégorge lentement. Un rêve inachevé.

mardi 15 décembre 2020

La croix

C’est une croix perchée sur ma haute montagne.
On la voit par temps clair avant que la nuit gagne
Aux dernières lueurs. L’éclat de ces rayons
Fugaces me ravit. Puis sa disparition.

lundi 14 décembre 2020

Ébéniste

L’écorce de tes mains me dit tous les ouvrages
Ici, dans l’atelier, que tu fis. Le séchage
Était pour toi sacré. Les planches de bouleau
Toujours entreposées, sont de la plus belle eau.

dimanche 13 décembre 2020

Banc public

La place reste vide au milieu des platanes.
Il fait chaud loin de la bienveillance océane.
Et sur le banc, nous deux, comme des fruits tombés
D’un paradis perdu, tout près de succomber…

samedi 12 décembre 2020

Échoué

Ce fut un beau moment. J’étais des deux côtés,
De la mer déroutante et du sable, jeté
Là par quelque hasard. Tu marchais dans les dunes
À grandes enjambées… toi, fille de Neptune.

vendredi 11 décembre 2020

La lettre

L’écriture est penchée, du rouge sur du noir,
Quelques feuillets cachés dans le fond d’un tiroir,
Une lettre d’amour, peut-être, ou de passion.
Je ne la lirai pas. Trois points de suspension...

jeudi 10 décembre 2020

L’hiver

Je ne l’ai vu qu’à pied, sa cape de velours
Gonflant dans la tempête, ondulant tout autour.
Toujours, avec ses mains, rageusement il bat
La campagne. Il est sûr de gagner. Vil combat.

mercredi 9 décembre 2020

Carte postale

Au dos de cette carte, en travers, j’ai pu lire :
« Un petit souvenir du haut du Cachemire. »
Une larme séchée bleuissait dans le coin,
Larme ou flocon de neige ? Indice sans témoin.

mardi 8 décembre 2020

Papillon

Je suis le papillon qui vole à sa manière
En allant vers l’avant puis parfois en arrière...
Un secret bien gardé, c’est le chemin des fleurs !
Je me tiens à distance afin qu’il n’ait pas peur.

lundi 7 décembre 2020

L’entourage

Qui pourrait apparaître au-delà du brouillard ?
Un baladin des bois qui pratique son art ?
Une dryade aimée par de belles personnes ?
Un loup ? Je viens toujours là quand elle me sonne.

dimanche 6 décembre 2020

En barque

Je navigue sans rame au milieu de l’étang,
Porté par des courants étranges. Je me tends
Sous les gouttes glacées qui piquent mon visage,
Une main déchirant le reflet d’un nuage…

samedi 5 décembre 2020

Désunion

À peine perceptible à l’oreille, le son
Secoue les feuilles bleues des pensées en buisson.
Le corps est une terre où plongent leurs racines,
Un égo crevassé. Je vis, je m’imagine.

vendredi 4 décembre 2020

Interférence

Acide dans le ton, nostalgique au-delà,
Tu me parlais travail, moi je rêvais de la
Poétesse Emily, qui marchait sur l’eau vive,
Enivrée d’air. Enfin, ta parole m’arrive…

jeudi 3 décembre 2020

Second rôle

Je suis dans cette histoire un curieux personnage
Aux contours indécis, présent sur quelques pages
Et toi, toujours plus loin, dans le texte, tu vas,
Superbe, m’ignorant, lumineuse diva.

mercredi 2 décembre 2020

Raphaëlle

Elle chante, elle va, tel un battement d’ailes,
Et ballade mon cœur en des mélodies belles.
Infime, je me glisse, oubliant la portée,
Dans le feu de sa voix, sous les notes bleutées.

mardi 1 décembre 2020

Chanterelles

Des effluves de terre enrobent, sensuelles,
Envoûtantes, les troncs. Là-bas, les chanterelles
Au-dessus de la mousse, imitent la couleur
Du soleil des beaux jours. C’est mon petit bonheur.

lundi 30 novembre 2020

À bon port

Il avait traversé l’océan des pétrels,
Entendu la sirène entre les archipels
Et revenait au port les yeux lavés de bleu,
Toujours tenant la barre avec ses doigts calleux.

dimanche 29 novembre 2020

Violoncelle

L’étrange chemin lent, dans le secret des ombres,
Entre tant de colonnes, autour, me désencombre.
Une cantate au loin, d’un violoncelle, court
Je reste infiniment dans l’aube du parcours.

samedi 28 novembre 2020

Camp

Les lampes de métal occultent les étoiles.
En rage, il déambule entre les murs de toile.
Autour montent les cris, les pleurs, les agonies.
Las-bas flotte un drapeau. La vie, quelle ironie.

vendredi 27 novembre 2020

Rouille

Le métal a rouillé le long des vitres sales.
On y devine encor la mention « succursale ».
Ici rien ne subsiste de la rue d’antan.
Les années ont passé. Ce n’est pas important.

jeudi 26 novembre 2020

Vol en dessous

C’est un aller-retour par une porte étrange
Entre deux mondes gris que je fis tel un ange
Oublieux du céleste espace. Je ne sus
Plus les étoiles qui scintillaient au-dessus.

mercredi 25 novembre 2020

Lignes de fuite

Les lignes sur l’écran du moniteur racontent
Une vie qui s’écoule, un cœur rouge qui compte
Avec parcimonie les secondes tenues.
La nuit est à la peine et tu n’es pas venu.

mardi 24 novembre 2020

Vagabondage

Autre nuit dans le clair effroi qui longe la
Tour immense en béton d’où passent les éclats
Vacillants des foyers par autant de fenêtres…
Et mon âme voyeuse a du mal à renaître.

lundi 23 novembre 2020

Latérite

La poussière courrait le long des routes sèches
Et les enfants pieds nus filaient comme des flèches
En criant sous le plomb du soleil de midi.
La vie battait son plein. C’était un mercredi.

dimanche 22 novembre 2020

Amour

Dire, simplement dire au jour le jour les mots
Qui montent de l’absence et s’élancent, rameaux
Dans l’air froid d’un matin de novembre. Je t’aime.
Et les jours et l’absence et les mots se ressèment.

samedi 21 novembre 2020

Accompagnement

Le battement de la musique a sur mon cœur
Un effet double, un peu cordial, un peu moqueur.
Qu’importe alors si je me laisse en vain glisser
Dans les bas-fonds d’où je m’étais pourtant hissé.

vendredi 20 novembre 2020

Affaissement

Mes revues ordonnées sur l’étagère tentent
En vain de se tenir droites, mais, impotentes
Envahissent l’espace, à droite, disposé.
La connaissance bouge ainsi. J’ai la nausée.

jeudi 19 novembre 2020

Sentiments

Mon cœur a débordé ce soir de sentiments
Comme une inondation lente, indéfiniment
Joie, peine, amour auprès de personnes fugaces.
Assis, je suis glacé, le cœur inefficace.

mercredi 18 novembre 2020

L'écureuil

Le noyer jette un froid dans le fond du jardin.
J'y vais chercher les noix dans leur brou, quand soudain
Détale un écureuil sur les feuilles qui bruissent.
Un long moment s'étire avant qu'il s'enhardisse...

mardi 17 novembre 2020

Mon chat

Mon chat reste indulgent lorsque je me prélasse.
Il le fait avec infiniment plus de grâce.
Il a trouvé le mouvement perpétuel
Quand il s'étire ainsi. Mon chat est immortel.

lundi 16 novembre 2020

L'ombre

La verdâtre lueur de la galerie danse
Au milieu des tuyaux de fonte. Avec prudence,
Il progresse, espérant découvrir une issue,
Mais une ombre le piste et chasse à son insu.

dimanche 15 novembre 2020

La vie

Le mouvement me presse et me sauve et me tue
Quand l'infime trajet de l'instant perpétue
La faim de n'être pas. Je pars à la dérive
Emporté par une onde et glaciale et trop vive.

samedi 14 novembre 2020

Sous la lune

La pâleur argentée de la lune m’entraîne
En des lieux interdits, de curieuses garennes
Où l’herbe reste douce au pied qui la parcourt.
La conscience d’ici ne m’est d’aucun secours.

vendredi 13 novembre 2020

La tournée

Aux poches du caban, sur la voie de l’hiver,
J’ai toujours quelques noix, jamais de revolver.
Le renard le sait bien, qui ne craint pas ma route.
Et la vie continue, la pluie toujours s’égoutte.

jeudi 12 novembre 2020

À la fenêtre

Un rouge-queue sur le rebord de la fenêtre
Est décidé, sans hésiter, de tout son être,
À chanter la beauté du jour qui se déploie.
Suis-je l’oiseau ? Suis-je le ciel ? Je m’y emploie…

mercredi 11 novembre 2020

Unité

Je n’ai pas vu le film (existe-t-il encor ?).
Je crois être en retard. La nuit me fait du tort.
Je rêve. Un corps se meut sur de curieuses routes.
Un corps qui est le mien, peut-être, mais j’en doute.

mardi 10 novembre 2020

Narcisse

Tu vois dans le miroir la scissiparité,
Tu n’envisages pas la moindre altérité,
Ta beauté se complaît lors d’œillades obscènes.
Il redescend déjà, le rideau sur la scène.

lundi 9 novembre 2020

Glas

La camarde est osseuse, arpentant le trottoir.
La rue étant déserte, elle bat les heurtoirs
Des portes désignées sur sa liste macabre.
Elle aimerait changer sa faux contre un beau sabre.

dimanche 8 novembre 2020

De la terrasse

Jamais nul ne marcha de pareille manière,
Une danse de chat, d’amazone guerrière.
Un instant, j’en fus coi, la tasse suspendue,
Puis elle s’envola, dans sa jupe fendue.

samedi 7 novembre 2020

Nostalgie

Madame a le teint blême de s’apitoyer
Sur sa vie, son destin, ses moments dévoyés.
Le temps s’écoule ainsi dans le regret des heures.
Elle oublie le présent, la musique majeure.

vendredi 6 novembre 2020

Le Roi Fennec

Sous les dunes de sable, à l’orée du désert,
Vit le vieux Roi Fennec, le gardien des enfers
Aux oreilles de pierre immenses et profondes,
Écoutant les échos des soubresauts du monde.

jeudi 5 novembre 2020

À bout de souffle

Je courus, essoufflé vers le trottoir d’en face
Et tout autour de moi, des images fugaces
Agrandies plus ou moins, photos instantanées,
De ma vie s’affichaient, vitrines retournées.

mercredi 4 novembre 2020

Ô voyage

Tant de livres ouverts sur le bureau s’entassent !
Catherine en souffrance éteint, de guerre lasse,
Un lumignon. Le soir, précieux vade-mecum,
La fait plus poétesse, avant le laudanum.

mardi 3 novembre 2020

Brindilles

La poussière du jour dans la cellule brille
Et la femme voilée pousse quelques brindilles
Au sol, en murmurant des prières lassées.
Bientôt viendra la nuit, solitude glacée.

lundi 2 novembre 2020

Lambrusque

Le mur est recouvert d’une vigne sauvage
Et sous les coups du vent, quelques feuilles sans âge
Entament de concert leur vol vers le gazon.
L’automne est en émoi. J’aime cette saison.

dimanche 1 novembre 2020

Très thé

La bouilloire chuchote sur la cuisinière,
Et puis elle chuinte, à point pour la théière.
Encore un peu de temps, l’infusion bat son plein.
Fin du jour. Nous goûtons l’ambre sur le déclin.

samedi 31 octobre 2020

Des pierres

Les pierres sont placées sur la terre battue,
D’une manière étrange. Au-dessus les statues
Creusées dans la paroi, fixent le champ des pierres,
Avec le souvenir de cet ancien mystère.

vendredi 30 octobre 2020

Fous

Je me suis échoué sur une île déserte
Et je reste allongé sur le rivage, inerte
À contempler là-haut les fous virevoltants.
Le monde est à l’envers. Plus rien n’est important.

jeudi 29 octobre 2020

Énergie noire

J’ai vu les armadas stellaires dans l’espace,
Ignorant la sagesse, élémentaire audace,
En quête de pouvoir vers un sombre chaos.
Nul n’apprend. Quelque part ou partout, le tao.

mercredi 28 octobre 2020

Meditatio

Ce n’est pas arrivé. Le grand effacement
Des jours reste à l’affût derrière le moment.
D’aucuns disent le corps céleste… insignifiance.
Il faut se préparer dans le temps des offenses.

mardi 27 octobre 2020

Coquillage

Un cauri vert autour du cou, suspendu par
Un simple fil, se remémore, un peu épars,
Les souvenirs des chaudes mers de sa jeunesse,
Ainsi bercé dans le giron de sa maîtresse.

lundi 26 octobre 2020

Non identifié

Dans l’épaisseur du temps se glisse l’improbable,
Un instant qui n’a rien d’un instant raisonnable,
Étiré sur un fil de pensée qui se noie.
Je me sens dispersé. Les étoiles tournoient.

dimanche 25 octobre 2020

Couvre-feu

La lampe à gaz ronronne au milieu du salon.
J’ai l’humeur passagère (état qui en dit long).
D’autres bruits : les tics-tacs de pendules diverses.
Au-dehors, la rue noire est morte. Il pleut à verse.

samedi 24 octobre 2020

Mots ultimes

Le livre est terminé. Le silence s’installe.
Un silence du cœur qui laisse des étoiles
Accrochées sur les murs, ou dans mes yeux cernés.
Vivre est juste devant...quand la page est tournée.

vendredi 23 octobre 2020

Croisière

Droit devant, la mer bleue, tel un métal liquide,
Envahissaient les creux de nos âmes languides
Et nous voguions sans fin, voiles tendues, heureux,
Les dauphins tout autour, le sel dans nos cheveux.

jeudi 22 octobre 2020

Mission

C’est une allée de neems, amère, qui m’ombrage
Où j’avance pieds nus sur l’argile sans âge.
Un soleil au-dessus fomente la torpeur.
La certitude est rare et le moment trompeur.

mercredi 21 octobre 2020

Gisement

Mémo sur le trottoir : je note mes pensées.
Les gens filent masqués, préoccupés, pressés.
Je me mets à l’écart sous un hall de libraire,
Où gisent des bouquins en tas. Quel ossuaire !

mardi 20 octobre 2020

Morte-saison

C’est la morte-saison, profitez, achetez,
Les prix sont au plus bas, vous pouvez emprunter !
Que peut être une vie sans ces produits uniques ?
Et dire qu’un instant j’écoutais… pathétique.

lundi 19 octobre 2020

Le piège

La pièce était garnie d’objets électroniques,
Écrans, claviers, souris. Je sentis la panique
Attiser mon dégoût. Je m’élançais dehors.
Un beau ciel étoilé palpitait… mais encor ?

dimanche 18 octobre 2020

Fête

Je les voyais danser, heureux comme personne,
Et le sol qui tremblait comme une chair frissonne.
Il y avait le vent, les oiseaux par-dessus.
Pourquoi tant de bonheur ? Je ne l’ai jamais su.

samedi 17 octobre 2020

Génétique

« Il a de qui tenir », disait de l’Homme Dieu.
Nous, poussière cosmique, écarquillant les yeux,
Ne sachant s’Il parlait de l’art ou de la haine,
Attendions incertains que finissent les peines.

vendredi 16 octobre 2020

La musique aidant

Vois ces caisses de bois rondes comme une femme
En prière posée sur nos genoux, nos âmes
Et les cordes pincées, qui résonnent devant,
Qui joue ? Qui ne joue pas ? Nous allons, dérivant.

jeudi 15 octobre 2020

Versiculture

Autour de moi les mots sont tombés dans l’humus.
Au-dessus, bienveillant, pleure un gris cumulus
Et bientôt c’est la terre où lèvent des poèmes,
Herbettes sans façon qui fugaces se sèment...

mercredi 14 octobre 2020

À clé

Sur mon pêne est gravé le bleu myosotis,
Ainsi va le secret longtemps, de père à fils,
Que ma porte sépare étonnamment le monde,
Ouverte ou refermée, qu’elle me corresponde.

mardi 13 octobre 2020

Dernier pli

Le service est fini. C’est une vie nouvelle
Ici qui peut s’ouvrir à vous. C’est la part belle,
Un chemin de printemps, de toutes les couleurs
(Pas seulement le jaune), orné de mille fleurs !

lundi 12 octobre 2020

Lâcher prise

Je me suis délaissé moi-même une minute,
Assis près d’un ruban de fumée qui volute,
Abandonnant, le temps de cette combustion,
Mon esprit qui toujours s’enivre de questions.

dimanche 11 octobre 2020

Pâturin

Ce pied de pâturin fleurit toute l’année.
Je ne sais même pas s’il mourra, s’il est né,
S’il est réellement une plante annuelle,
Un petit brin de vie comme une ritournelle.

samedi 10 octobre 2020

Lourde est la pluie

Qui se joua de nous ? Quelque pluie traversière
Avec le vent complice emperlant les visières,
Et des gouttes coulant sur nos visages froids,
Nos sacoches pansues, le cuir de nos courroies.

vendredi 9 octobre 2020

Ensemble

J’ai tout enveloppé dans un tissu vieux rose,
Une fleur desséchée, des poèmes en prose,
Une montre à gousset avec à l’intérieur
La photo d’une femme à l’étrange blancheur.

jeudi 8 octobre 2020

Vallonnement

Ce paysage doux de colline en colline
Entraîne mon vélo dans des courbes câlines
Et le ciel moutonneux glisse aussi lentement,
Le soleil au milieu jetant quelques diamants.

mercredi 7 octobre 2020

Symbologie

C’est sans doute l’étrange singularité
De ces chiffres gravés sur les pierres jointées
Qui fit que je restais devant, l’heure évasive,
À ne pas voir le sens des gravures cursives.

mardi 6 octobre 2020

Dysharmonie

Le corps et le mental l’un l’autre se repoussent
Et les pensées rétives, folles, m’éclaboussent.
Une pluie fine emplit l’automne de frissons.
La musique de l’être effleure l’unisson.

lundi 5 octobre 2020

Sans toi

La courette est pavée de longues dalles brunes
Où je marche, rêvant de souplesse opportune,
Imaginant la chute à peine retenue.
Les ombres dansent. J’erre où tu n’es pas venue

dimanche 4 octobre 2020

Suspendus

Il a fixé les grappes mûres de muscat
Aux poutres par des fils. Le parfum délicat
Se répand lentement dans toute la cuisine,
Entre les saucissons, le jambon, les terrines...

samedi 3 octobre 2020

Dame tristesse

La tristesse à cette heure est une femme étrange
Avec un taffetas léger, des bas oranges
Et des yeux sans ciller qui percent au travers
D’un lac où j’ai noyé de trop nombreux hivers.

vendredi 2 octobre 2020

Ensablés

Le sable revenait avec l’eau sur vos pieds
Qui semblaient se lover, tandis que vous trompiez
Le temps, dans la chaleur accumulée des heures,
Il était sablier. J’étais l’âme extérieure.

jeudi 1 octobre 2020

Rame

Ce sont des corps debout, serrés dans l’habitacle
Où chacun n’est pour l’autre en ce lieu qu’un obstacle.
Un cylindre lancé dans un tunnel profond
File comme un navire au milieu d’un typhon.

mercredi 30 septembre 2020

Tête en tête

Deux heures du matin, l’entretien de routine
Entre deux parts de moi qui toujours cabotinent.
Au terme d’un accord incertain, pas à pas,
Je m’endors en rêvant de l’art de n’être pas.

mardi 29 septembre 2020

La mort joyeuse

La mort était joyeuse et nous mourrions de rire
À regarder tous ceux qui voulaient nous instruire
Et nous persuader du sérieux éternel
Du monde et de l’humain, au nom du rationnel.

lundi 28 septembre 2020

Vérités de couloir

Dans le couloir amer des troubles certitudes,
Il y a des portraits d’ancêtres aux traits rudes,
Affichant des regards farouches, transperçant
Le malheureux qui va dans ce couloir, passant.

dimanche 27 septembre 2020

Le temps des heures

La comtoise au-dessus menace de ses coups,
Tout l’univers ligué contre moi me secoue,
Puis s’apaise le temps quand la volonté cède.
Un lent débordement des heures me précède.

samedi 26 septembre 2020

Tiraillements

La forêt m’accapare et me transporte ici
Près du peuple premier qui dans l’ombre officie.
Mais la corde se tend trop fort entre les mondes.
Impossible de vivre et d’entrer dans la ronde.

vendredi 25 septembre 2020

Temps pascal

Dans la pièce, une odeur de cire centenaire
Assujettit l’espace et mon imaginaire.
Un livre est étalé sur un lutrin bancal.
Je prie tandis que brûle un grand cierge pascal.

jeudi 24 septembre 2020

Élan minéral

Oser, sinon la vie, du moins cette clarté
Qui le matin s’épanche en effluves bleutées…
Mon rêve minéral s’étiolait dans la brume.
Il me fallait quitter le havre de la plume.

mercredi 23 septembre 2020

Montée des eaux

Dans la ville engloutie, de vagues voûtes cèdent,
À la pression des eaux qui montent, sans remède.
Alors des livres vont, en troupes affolées
Rejoindre lentement le fond de la vallée.

mardi 22 septembre 2020

Pochade

Elle se baladait souvent près de la neste,
Et faisait sous un saule une petite sieste.
Ensuite elle sortait un carnet, des crayons,
Pour saisir l’écureuil jaillissant d’un layon.

lundi 21 septembre 2020

Monolithe

L’église était creusée dans la pierre calcaire
Et tout d’un seul tenant, le chœur, le baptistère.
Elle demeurait fraîche au plus fort de l’été,
Mais les croyants l’avaient si longtemps désertée.

dimanche 20 septembre 2020

Les mots du vent

Le vent pousse la voile et la nef fend les flots,
Mais rien à l’horizon ne vient, pas un îlot.
La capitaine attend que le vent la conduise,
Elle n’écoute pas ce que souffle la brise.

samedi 19 septembre 2020

Le sceau du secret

Certains secrets sont mis en photos sur les murs,
Du fait d’un objet vu, d’un regard saisi, dur.
Quelques-uns sont scellés dans des cryptes profondes,
Enfin d’autres, subtils, dans les mots vagabondent...

vendredi 18 septembre 2020

Cartographique

Dans la maison sans cesse il avait placardé
Des cartes sur les murs, en couleurs, légendées,
De toutes les contrées du monde, à mille échelles.
Une carte manquait, du Styx, où était-elle ?

jeudi 17 septembre 2020

Lanceur

Je lance une bouteille à la mer, un bâton
Dans l’étang, des grains et des fleurs sur le béton,
Quelques notes sifflées dans l’air qui désespère
Et des rêves brisés avant de toucher terre.

mercredi 16 septembre 2020

Style passé

J’ai repris sans émoi les pages délaissées
D’un carnet défraîchi, dans le style passé.
J’avais pris pour ce faire un de tes stylo-plume
Et l’encre bleue nous dit les heures que nous eûmes…

mardi 15 septembre 2020

Verre ou pas

Je vis un verre vide alors qu’il était plein,
Sans doute une heure aride, au soir d’un jour vilain.
Puis la brise est venue, qui donne aux heures grises
Une fraîcheur ténue. Le jour, la nuit m’épuisent.

lundi 14 septembre 2020

Quatuor

Les quatre troupeaux sont, au jour promis, venus,
Conduits par leurs bergers, près du ruisseau menu.
Les quatre ont entamé le chant de leur estive,
En chœur, fiers, la plenta deu pastor. Eau vive.

dimanche 13 septembre 2020

Coup de crayon

C’est le moment de dessiner l’oiseau qui traîne
En sautillant, pour le bonheur de quelques graines.
Alors j’ébauche un crayonnage vivement.
L’oiseau s’envole et mon esquisse volée ment.

samedi 12 septembre 2020

La photo

C’est une femme en noir et blanc, pleurant, surprise
Entre un passé et un futur qui s’amenuisent.
Est-elle forte, en cet instant que la photo
Suspend, placée entre l’enclume et le marteau ?

vendredi 11 septembre 2020

Un rien

La force m’abandonne et la faiblesse aussi
(Cet instant fugitif où l’être s’éclaircit),
Je devine à mon souffle un état transitoire,
Un rien dont on pourrait tirer tout une histoire…

jeudi 10 septembre 2020

Au fil de l’épée

La dague ensevelie dans le tombeau des mèdes
Avait gardé le fil original, mais cède
À l’outrage de l’air arrogant du musée.
L’histoire trop émousse à force de creuser.

mercredi 9 septembre 2020

Bleu pervenche

Elle marche pieds nus au milieu des pervenches
En espérant que l’arrosage se déclenche.
Eh non ! Je suis la pluie qui n’ose pas tomber,
Un nuage qui suit de belles enjambées.

mardi 8 septembre 2020

Mur ou seuil

Près des pierres le doute est une brume tiède
Éloignant la foulée de qui trop vite y cède.
Or quand s’en va la brume, les pierres ne font
Pas un mur mais un seuil vers un étang profond.

lundi 7 septembre 2020

Sur la paille

Je me suis adossé à la paille du mur
Imprégnée d’un soleil caressant les blés mûrs.
Et ma fatigue alors lentement s’évapore.
Un jour peut concevoir une seconde aurore.

dimanche 6 septembre 2020

Brouillon

Son cahier de brouillon, aux belles pages bises
Est ouvert devant lui, sur le bureau. Surprise,
Une phrase s’invite au bout du vieux stylo.
L’intrigue se précise et l’encre coule à flots.

samedi 5 septembre 2020

Ces moments

De tous les jours vécus, je retiens la présence
Émue de l’impromptu qui s’invite à la danse,
Un sourire éclatant qui fleurit, une joie
Petite, mais au cœur, un foyer qui rougeoie…

vendredi 4 septembre 2020

Aux fleurs

Il faut danser devant les fleurs. Je les entends.
Roses trémières, panicauts, lotiers chantant
De leurs couleurs, graciles, rudes, éphémères.
Elles sont là pour nous guérir de l’heure amère.

jeudi 3 septembre 2020

À lire

La salle de lecture, lambrissée de pin,
M’accueille sans un bruit. Le plafond est trop loin.
Je m’assieds indécis place numéro treize.
Autour quelques lecteurs, évanescents. Malaise.

mercredi 2 septembre 2020

Portet

L’acharnement du vent me rappelle qu’il rage,
Emportant avec lui des troupeaux de nuages.
Il me freine ou bouscule, au hasard du chemin.
Juste ne pas tomber, le guidon bien en mains…

mardi 1 septembre 2020

Roue libre

Des roues dépareillées s’entassent dans l’enclos
Du ferrailleur. Je vais vers celle des vélos.
Roues pliées, roues voilées, rayons rongés de rouille…
J’entends un improbable cliquetis. Je fouille.

lundi 31 août 2020

Le chat du corbeau

Parfois, sur un corbeau de l’église St-Jean,
Le chat se perche et guette avec calme les gens
Qui s’empressent plus bas aux tâches coutumières.
Il est au beau milieu des anges et de la terre.

dimanche 30 août 2020

Art de rue

Le vieillard à genoux sur le trottoir dessine
Avec de grosses craies de couleur des machines
Aux engrenages noirs sur un fond rouge sang.
Tout autour le malaise gagne les passants.

samedi 29 août 2020

Piscine

Elle passe et repasse au milieu du bassin,
Troublant des céramiques vertes le dessin.
Chaque tour un peu plus, son corps tendu s’allonge.
Elle semble bientôt toucher les deux bords. Songe.

vendredi 28 août 2020

Grains de temps

La mort est outragée que le temps si concret
Ne coule qu’à ce rythme étonnamment discret.
Quant à l’homme il se perd dans un temps qu’il enfante,
Et qu’il croit continu, sans ses failles béantes.

jeudi 27 août 2020

Potions énigmatiques

Les fioles et flacons sont sur les étagères
En rangs serrés, partout, vaisseliers et lingères,
Inexplicablement, pas un n’a d’inscription.
Je sens monter en moi plus qu’une appréhension...

mercredi 26 août 2020

Musette

Au square des tilleuls, ce soir, le bal musette
Enchaîne les standards, à côté des guinguettes.
Avec ta capeline et ta jupe fendue,
Tu donnes à cette fête un tour inattendu.

mardi 25 août 2020

Billes

 Sous l’armoire j’ai trouvé fort incidemment
Deux billes de terre bleue qui sur le moment
Firent jaillir le passé d’un âge plus tendre.
Aujourd’hui, de ce temps, je n’ai rien à reprendre.

lundi 24 août 2020

Ripisylve

 Je ne vis pas un verne au bord de la rivière
Et le saule insolent, sous sa coupe première,
Obligeait les buissons, les fleurs à se tapir.
Amoureuse, à ses pieds, l’eau n’était que soupirs.

dimanche 23 août 2020

Inondation

L’inondation transporte à son rythme les choses.
Une valise flotte et se métamorphose
En monstre des marais. Passe alors un bidon,
Wagon d’un train fantôme. Univers d’abandon.

samedi 22 août 2020

Ontologique

J’ai besoin de comprendre à quel point je ne sais
Qui je suis. L’accepter pourrait crever l’abcès,
Mais comment supporter d’être ce qu’on ignore
Ou savoir ce qu’on est sans l’admettre ? J’implore…

vendredi 21 août 2020

Ventilation

Je suis assis par terre et le ventilateur
Envoie des bouffées d’air sur un rythme rageur.
J’essaie de respirer à la même cadence.
Absurde. La moiteur est pour l’heure trop dense.

jeudi 20 août 2020

Le liras-tu ?

J’orbite dans le noir des espaces profonds,
Près d’un lac engourdi dont la glace ne fond
Jamais. De cet exil, je t’envoie ce message,
Une bouteille à la mer après un naufrage.

mercredi 19 août 2020

En noir et blanc

Sur le mur sont gravées des volutes moresques
Entrelacées, creusées, d’obscures arabesques,
À tel point que la chaux qui sur le fond s’étale
Offre une autre pensée secrète et minérale.

mardi 18 août 2020

Le chat

Sur l’herbe coupée ras, tel un sphinx, le chat veille
Avec tout le sérieux du monde, et ses oreilles
Interrogent l’espace autant que son museau,
Mais pour tout dire il n’a d’yeux que pour les oiseaux.

lundi 17 août 2020

L’écrivain

Il tapait comme un fou sur son Hermès Baby
Comme s’il devait fuir une armée de zombis,
Mais en fait il cherchait à rattraper la prose
Allongeant devant lui sa foulée virtuose.

dimanche 16 août 2020

Coiffure

Ta chevelure vole avec le vent badin
Mais cela t’indiffère et ton calme dédain
Semble apaiser les cieux. D’une main hésitante
Alors j’arrange tes cheveux. Tu t’impatientes.

samedi 15 août 2020

Porcelaine

Vous demandiez, diserts, pour le plaisir des yeux,
Que cette fine porcelaine de Bayeux
Soit seule utilisée dimanche et jours de fête,
Attachant rituel de règles désuètes…

vendredi 14 août 2020

Qui voyage ?

Les graines parfois volent mais les fleurs jamais,
Pensais-je au milieu du jardin, qui embaumait.
Leur parfum les prolonge au-delà des pétales
Et propage à l’envi la magie végétale.

jeudi 13 août 2020

Rapides

Ai-je rêvé ? Le cours de la rivière s’est
Inversé, dans le temps que les nymphes dansaient.
J’ai voulu les rejoindre et des remous perfides
Alors m’ont entraîné vers d’inquiétants rapides.

mercredi 12 août 2020

Pâle colère

J’observe les couleurs de toutes mes colères
Et le noir et le pourpre sont spectaculaires,
Au point que j’en oublie la pire, la pâleur
De ma blanche colère et toute sa douleur.

mardi 11 août 2020

Sur tranche

Je vois les titres des ouvrages sur leur tranche
Et déambule lentement. Ma tête penche
À droite, à gauche, pour mieux lire… que nenni !
Maudits éditeurs incapables d’harmonie !

lundi 10 août 2020

Désillusion

Le vide s’est débarrassé des particules
En fluctuant, soubresauts vains comme des bulles
Ainsi depuis, ce désamour a engendré
Cette illusion de la matière… et j’ai pleuré.

dimanche 9 août 2020

La dame du lac

Sur le ponton de bois, nous attendons l’aurore
Et les premiers appels des bêtes qui ignorent
Avoir un nom, moment où il fait bon serrer
Contre son cœur l’amie qu’on avait espérée.

samedi 8 août 2020

Où l’abandon

Je laissais mes envies se perdre dans l’espace,
Un jour où l’abandon semblait de bonne grâce.
Alors la beauté seule m’épanouissait.
(Une dilatation de l’être, je ne sais).

vendredi 7 août 2020

Au pays

Elle s’est entourée de montagnes de livres
Et dans ce paysage qui pourrait la suivre ?
Une odeur de papier, d’encre et de cuir s’étend
Partout dans la maison. Rien de plus entêtant.

jeudi 6 août 2020

Le canapé

Élise est allongée sur un canapé mauve.
Elle hésite sans fin. Les minutes se sauvent
Avec indifférence. Elle n’a pas vingt ans.
Comment choisir au mieux ce qui est important ?

mercredi 5 août 2020

Archéologique

J’ai suivi la chaussée antique sous la terre,
Rien ne la révélait, mais je voyais les pierres
Et le grand défilé de mes aïeux aussi.
Je n’étais pas ailleurs, je ne suis pas ici…

mardi 4 août 2020

Instant nacré

La promenade gronde au-dessus du ressac.
J’avance en esquissant des pas. J’ai dans mon sac
Un coquillage bleu qui me chante des odes
Où les vies sont chargées de vent, de sel et d’iode.

lundi 3 août 2020

Rayons du soir

Ce soir j’entends le gazouillis des bicyclettes
Envahir le village et ses rues désuètes,
Et la joie se répand comme un parfum d’été.
Des rayons dans mes yeux sont d’un éclat bleuté.

dimanche 2 août 2020

L’arbre-monde

L’arbre est devenu grand, sans hâte, pour la terre
Et ses branches feuillues se déploient, salutaires,
En dessous, l’homme dort, inconscient des périls
Dont l’arbre le protège. Il se nomme Yggdrasil.

samedi 1 août 2020

Isadora

C’est un oiseau qui danse et tisse autour le temps,
Le temps de la musique, aux pas déconcertants,
La grâce de l’envol est, dans ses voiles, stase,
Ici, là, dans l’instant. Sa danse m’apprivoise.

vendredi 31 juillet 2020

Mon étendard

C’est le plus beau drapeau qui flotte sur le toit.
Sa transparence étonne et nous laisse pantois,
Qu’il arbore un ciel bleu, l’élégante hirondelle,
Un nuage indigo, le vol des colombelles…

jeudi 30 juillet 2020

Des chaînes

Ce soir, c’est l’attraction du vide qui opère
Au ralenti. Je glisse au bord et désespère
Alors de n’avoir pas encore anéanti
Les fils triviaux auxquels je suis assujetti.

mercredi 29 juillet 2020

Étal

Les piles de tissus proprement disposées
S’offrent à l’étalage et l’étoffe empesée
Ferme et souple à la fois sous les doigts se fait tendre.
Au soleil, les badauds s’attardent sans rien pendre.

mardi 28 juillet 2020

Unicité

Sous la lune cendrée, le lac du temple brille
En mille éclats d’argent que la brise éparpille.
Et le bonze qui prie, dans le recueillement,
Voit dans cette lumière un unique élément.

lundi 27 juillet 2020

Discret ou non

D’accord, on doit compter les pieds, les temps, les jours.
Si on ne compte pas, tout repart à rebours.
La discontinuité de la matière tente
Avec le temps de faire une fin cohérente.

dimanche 26 juillet 2020

À l’improviste

Je me retrouvais là, dans une salle immense,
Aux murs couverts de livres, dans un grand silence.
Aucun n’y accédait de son propre vouloir,
Mais inopinément, au détour d’un couloir.

samedi 25 juillet 2020

Branle-bas

Le hamac se balance, usé jusqu’à la corde
Et je vogue, marin, quand mon rêve déborde,
Au bout des océans. Mais la corde a cassé.
Je n’ai chu que sur terre. Une fin déplacée.

vendredi 24 juillet 2020

Tout ce qui brille

Les panneaux, les écrans, les lumières clignotent,
Essayant de capter l’attention, mais crachotent
Un mélange insensé d’images et de mots.
Les camées sont brisés, tout comme les émaux.

jeudi 23 juillet 2020

Le vent

En rafales le vent rode sur les trottoirs,
Soulevant les jupons, les chapeaux, les foulards.
La jarre de Diogène en plein caprice roule
Au milieu de la rue. Les phantasmes s’écroulent.

mercredi 22 juillet 2020

De l’ombre

Éblouie par l’éclat des dalles sur la place,
Elle ferma les yeux, quelques instants fugaces,
En quête de pénombre. Elle pressa le pas
Pour trouver la fraîcheur au pied d’un catalpa.

mardi 21 juillet 2020

Sommeil profond

La grotte bleue s’étend sous la terre première,
Intacte et au-delà de tous les ossuaires.
Une présence ancienne y rêve de destin.
Je me réveille. Il est trois heures du matin.

lundi 20 juillet 2020

Les familiers

Une mouche se pose, une mouche s’envole
Au-dessus des fruits mûrs tandis que je somnole.
Un à un tous les bruits finissent par donner
Un concert impromptu. Mouches, c’est ma tournée !

dimanche 19 juillet 2020

La course

Courir ? Une réponse simple au temps qui passe ?
Être un poisson pressé qui finit dans la nasse ?
Une autre faim me presse, aussi vais-je tenter
De casser le mirage et même… m’arrêter.

samedi 18 juillet 2020

Collection

La mallette contient des fioles resserrées
Dans des compartiments de cuir, étiquetées.
Elle appartint sans doute à un apothicaire
Homéopathe. En vente chez un antiquaire.

vendredi 17 juillet 2020

A posteriori

Le calme assurément ne vient qu’après l’effroi,
Cette bête vorace fondant sur sa proie.
Ce jour-là je fus calme, à la conscience étale,
Et regardait l’instant, comme l’issue fatale.

jeudi 16 juillet 2020

Cliché

L’objectif modifie les rayons de lumière
En colliers emperlés, chatoyants. La clairière
Alors prend un aspect magique et singulier.
Surgit alors un cerf, ramure déployée.

mercredi 15 juillet 2020

Petits secrets

La porcelaine bleue, qui dans le vaisselier
S’expose à la poussière au rythme régulier
Des journées ennuyeuses, a des secrets intimes,
Au creux des entrelacs, d’amours illégitimes.

mardi 14 juillet 2020

Toulouse

La lumière est trop verte, au fil de l’avenue.
J’avance au ralenti. Les bouchons m’exténuent.
Les passants sont perdus dans leurs rêves d’emplettes.
Une ville si rose… où sont les violettes ?

lundi 13 juillet 2020

En pièces

C’est le rideau qui monte en vagues, théâtral,
Donnant sur un plancher rugueux et inégal.
Le décor est planté, les acteurs sont charmants
Mais massacrent les vers, méticuleusement.

dimanche 12 juillet 2020

Canicule

J’ai raté la St-Jean, pas de feu cette année.
La sécheresse guette, prête à déchaîner
Le ravage des feux sur les prés sans verdure.
Une telle chaleur... bêtes et gens endurent.

samedi 11 juillet 2020

Fin de journée

Il caresse le chat, sur le seuil de la porte,
Assis, le chat ronronne et le maître l’exhorte.
Enfin tous deux, devant la beauté du couchant,
Se taisent. L’ombre gagne et la cour et le champ.

vendredi 10 juillet 2020

Miniature

Des fleurs à profusion... la cour grise s’enivre
Et les petits oiseaux chantent la joie de vivre
Au milieu des corolles belles et menues.
Mais le rêve prend fin, peste le détenu.

jeudi 9 juillet 2020

Tendue

Le fil de ma pensée se tend comme une amarre
Essayant d’arrêter la rétive gabarre
Emportée par les crues. La linéarité
De la raison m’assaille. Une réalité.

mercredi 8 juillet 2020

La faiblesse

La faiblesse est un fleuve aux méandres rêveurs
Irriguant la campagne, autour (saules pleureurs,
Retombant dans l’eau noire), où je flotte et dérive
En regardant le ciel. La faiblesse est pensive.

mardi 7 juillet 2020

Pas de bruit

Rien ne m’étourdit tant que le complet silence.
Or la comtoise aussi, par pure négligence,
Incidemment s’est tue. La singularité
Du moment se déploie, tel un tissu ouaté.

lundi 6 juillet 2020

Tertre

Elles sont toutes deux dans l’herbe agenouillées
Devant la butte brune où deux sabres rouillés
Sont plantés comme pour une seconde mort.
Le chant ne suffit pas à chasser les remords.

dimanche 5 juillet 2020

Contre qui ?

Je sens le froid des autres, indifférent cortège
Autour, contre lequel en vain je me protège.
Et pourtant l’inconnue qui là-bas semble aimer
Vivre me laisse alors un instant désarmé.

samedi 4 juillet 2020

Coup de balai

Frère Thibaut, convers, rêvait de balayer
La cour pavée du cloître et non le poulailler.
Le prieur refusait, présumant que le frère
Un jour dans le balai verrait la vraie lumière…

vendredi 3 juillet 2020

Cette nuit

Cette nuit s’arrondit comme un chat qui s’enroule
Autour d’un bras tendu. La lune, seule ampoule
À cette heure allumée, nimbe la nuit d’étain.
Je vois le bord du lac et les sommets lointains.

jeudi 2 juillet 2020

La première

J’entends la note basse émanant de la terre,
Issue de quelque ancienne force, élémentaire.
Elle traverse l’air et la chair, sous la peau,
Cette onde frémissante au féroce tempo.

mercredi 1 juillet 2020

Garage

Les métaux fusionnés de cet étrange alliage
Ont résonné longtemps dans le fond du garage
Où mon oncle trimait voilà plus de trente ans.
Comme s’il m’appelait, dans cette clef, tintant.

mardi 30 juin 2020

Arabesque

Le fil, à la blondeur des dunes sahariennes,
A croisé le grenat des fières bohémiennes
Et la toile s’étend, de sable et de carmin
Brodée. La tente est là, tout au bout du chemin.

lundi 29 juin 2020

De loin

Tu verras la guitare est toujours accrochée
Près du vieux rocking-chair. Je ne l’ai pas touchée.
Tu disais qu’une corde est un oiseau sans ailes
Et je suis là sans âme... Où sont les hirondelles ?

dimanche 28 juin 2020

Sur la nappe

Ce fut un vrai festin dans le pré du vieux charme,
Où nous mîmes la table, où tu versas des larmes
Au moment de plier la nappe entre tes bras.
Fut-ce le vin rosé qui fit que tu pleuras ?

samedi 27 juin 2020

Cairn

Les pierres empilées ne montent pas au ciel,
Mais leur ombre s’étend, profil immatériel,
Silhouette de défunt vivant à l’heure brune
Et mourant à l’aurore. Ainsi parlent les runes.

vendredi 26 juin 2020

Exemplaire

C’est dans le fond d’un bar, sur un vieux canapé
Qu’elle sortit d’un sac, un livre enveloppé
De linge. Elle me mit dans les mains cet ouvrage
Au cuir épais. C’était la chute de Carthage.

jeudi 25 juin 2020

La sente

C’est le chemin du temps, qui court dans la forêt
Sous une arche de houx. Doit-on faire un arrêt
Qu’une source jaillit, de fraîcheur opportune.
Il court ainsi sans fin. C’est la bonne fortune.

mercredi 24 juin 2020

Dans ses cordes

Il sortit sa guitare avec si peu d’entrain
Que les passants croyaient qu’il avait du chagrin,
Puis ses doigts un à un retrouvèrent leur place
Et la femme dansa, sur le trottoir d’en face.

mardi 23 juin 2020

Aromatique

Elle collectionnait les espèces de thym,
Thym citron, serpolet, thym carvi... Le matin,
Dans les prés, les chemins, elle observait sans hâte,
Avec ravissement, la flore délicate.

lundi 22 juin 2020

L’île noire

Le jupon noir de l’île au basalte lavé
Frémit sous le ressac. Je ne l’ai pas rêvée.
Dans le bleu de la mer et du ciel, les mouettes
Oscillent sous le vent. Moi, sur la goélette.

dimanche 21 juin 2020

Pâtis

Les prés sont les tissus qui colorent la terre
En pièces déchirées par les fers des araires
Et les bêtes dessus paissent toutes penchées,
Priant que ces prés verts ne soient jamais bêchés.

samedi 20 juin 2020

Puits

Juchée sur la margelle, elle fredonne un brin
De chansonnette avec un lancinant refrain
Sur les gens qui se noient dans les puits de village.
En hiver son amour périt dans un naufrage…

vendredi 19 juin 2020

Thé au jasmin

L’écorce de citron sèche sur l'étagère.
Entre nous, sur la table est posée la théière
Où s’infuse et délasse un thé vert au jasmin.
Dans cette attente, aimés, nous nous tenons les mains.

jeudi 18 juin 2020

Passerelle

La sage passagère est debout sur le pont,
Vêtue de soie légère, aux couleurs du Japon.
Le vol de son jupon ne saurait la distraire :
Elle sait qui répond, mais elle laisse faire.

mercredi 17 juin 2020

Hôpital

Deux moineaux sur un banc se lissent le plumage
Au milieu du patio que quelques pins ombragent.
Autour la galerie s’étend. Lentement vont
Les malades soumis au pouvoir du savon.

mardi 16 juin 2020

Insolent silence

Dans le miel sirupeux des brèves monotones,
Il somnole, oubliant la vie que le temps donne,
Or ce soir le concert des grenouilles s’est tu.
Ce silence est un cri. L’âme, tel un fétu...

lundi 15 juin 2020

Mots et notes

Jeunes, nous courtisions de belles mélodies,
Nous leur donnions des mots en bouquets interdits
Puis nous les emmenions danser dans les clairières
Et nos chants coloraient les amours printanières…

dimanche 14 juin 2020

Dernier mot

Personne. Ainsi gravé, le mot sur l’arche donne
Un sentiment de gêne. Et ce qui l’environne,
Une pierre trop noire, un ciel couleur de plomb,
Laisse monter la peur, après, par échelons.

samedi 13 juin 2020

Rayons sous la pluie

Du liseré fractal entre le ciel et l’eau
Naît un chemin qu’emprunte à regret mon vélo,
Puis le regret s’estompe et l’eau devient joyeuse,
Alors je file ailé, l’humeur aventureuse.

vendredi 12 juin 2020

Au fond du pré

Les têtes de souchet sous la bourrasque oscillent.
Au-dessous, cramponnées, des araignées graciles
Attendent patiemment la fin du coup de vent.
Puis le calme, le soir, le bonheur du vivant.

jeudi 11 juin 2020

Sans fin

J’accomplis ce voyage un matin de bohème
Et partis sous la pluie, comme un second baptême.
Avec le vent joueur, les gouttelettes d’eau
Tambourinaient sans fin, sur mon cou, glissando...

mercredi 10 juin 2020

Anti-fresque

Avec violence il recouvrait, d’un plâtre épais,
Le dessin d’une femme qui s’enveloppait
D’un sari jaune. Elle serait, telle Antigone,
Emmurée, mais qui le saurait ? Sauf lui, personne.

mardi 9 juin 2020

Le zéro et l’infini

Je suis tout près de n’être et l’éclat du néant
Fait de partout jaillir un silence béant,
Vertigineux. Le vide est une plénitude
Où je me perds. L’égo n’est qu’un lointain prélude.

lundi 8 juin 2020

Auteur

Au fond de la bibliothèque elle se tient,
Fixant un livre noir duquel je ne sais rien.
Je m’approche entre deux falaises de volumes,
Espérant n’être pas le seul auteur posthume.

dimanche 7 juin 2020

Le premier jour

De l’ocre au vert, soudain, la terre se transmute.
Il a plu hier au soir, des vapeurs en volutes
Envahissaient l’azur. Ce matin la fraîcheur
De la mousson ravit le pauvre voyageur.

samedi 6 juin 2020

Halo

L’ombre dans le boudoir est une suie palpable.
Au fond de ce fauteuil de cuir, devant la table
Où finit d’infuser un darjeeling Arya,
Sur la corde de sol, j’écoute Anastasiya.

vendredi 5 juin 2020

Attendre

Il tourne son alliance (un geste machinal),
Apitoyé, courbé sur lui-même, animal,
Assis dans ce couloir en ayant oublié
Pourquoi il était là. Surtout, ne pas crier.

jeudi 4 juin 2020

Sur les planches

Je vais dans le décor, c’est mon petit caprice.
Au théâtre je suis toujours dans les coulisses
Ou parfois je ne suis qu’un fragment d’illusion
Sur le grand paysage, au fond, pour l’occasion.

mercredi 3 juin 2020

Mes écureuils

Retour là-haut, sur le lacet des écureuils :
J’engouffre l’air et je transpire mon orgueil.
En contre-bas, voltige un crave et moi, sans ailes,
À chaque tour de roue, je vais. J’ai la part belle.

mardi 2 juin 2020

Convalescence

Il fait trop chaud dans cette pièce où tu guéris.
Les draps sont lourds quand la sueur surenchérit.
Je te regarde et je t’écoute quand tu dors,
Au milieu des cris d’hirondelle du dehors…

lundi 1 juin 2020

Enfouis

Nous nous sommes enfouis dans nos propres pensées,
Dans ce creuset de chair où coulent, condensées,
Les larmes d’autrefois qu’on aurait dû répandre.
Au-dessus ? Les rumeurs, qui disent pis que pendre.

dimanche 31 mai 2020

Mesure

Je vois, superposés, le chêne et la pendule,
À travers cette vitre ancienne, qui ondule.
Entre les deux, je tiens le rebord du châssis.
Le temps bat la campagne… où est le raccourci ?

samedi 30 mai 2020

Transhumance

Les fumées de l’usine, en longs rubans neigeux
S’étirent dans le champ des moutons nuageux.
Vers où va, lentement, la grise transhumance ?
Un ciel où rouge et bleu disputent les nuances.

vendredi 29 mai 2020

Ici

C’est le vent, c’est la vie, la robe en mouvement,
Les échos des secrets. Si je me tais, je mens.
La marche est une danse. Ici la foule arrive
À me faire oublier que le fleuve a deux rives.

jeudi 28 mai 2020

Oscillations

L’homme s’était assis sur un vieux banc de pierre
Oscillant lentement vers l’avant, vers l’arrière,
En quête d’équilibre insaisissable et vain,
Lorsqu’une ombre létale à son côté survint.

mercredi 27 mai 2020

Vacuité

Nous fûmes en tous points des âmes équivoques
À vouloir demeurer dans nos mortelles coques
À tout prix, sans jamais se laisser caresser
Par l’étreinte du vide et son baiser glacé.

mardi 26 mai 2020

Coquelicots

La cascade sonore éclate avec échos
Dans ma vallée secrète des coquelicots,
Quand l’acier de l’éclair sur le sang des corolles
Écorche la beauté, je reste sans parole.

lundi 25 mai 2020

Aimée

La vie courte d’Aimée fut un lac au printemps,
Les ombres des nuées, les reflets éclatants
Du soleil quand la brise plisse l’eau limpide.
Elle fut cette joie sans avoir d’autres rides.

dimanche 24 mai 2020

Après la tempête

Sur le basalte noir de cette longue plage,
Un jour, je vis les bris d’un tout récent naufrage,
Une caisse éventrée, laissant voir des outils
M’ayant appartenu. J’en fus anéanti.

samedi 23 mai 2020

Bas-fonds

Les galeries de mine aurifères se tordent,
Au fond, les gars toujours laissent des tas de corde.
Ici l’acétylène est la seule mesure.
Au bout le temps s’arrête. On entend des murmures.

vendredi 22 mai 2020

Le tourniquet

C’est un moulin qui tourne au flot des gens pressés
Dans la petite peur de se trouver coincé
Par quelque diablerie de ses aubes-mâchoires.
Il force le destin dans sa vie giratoire.

jeudi 21 mai 2020

Double

L’extérieur bouge, c’est un corps qui se déplace,
À l’intérieur, c’est un flâneur qui se prélasse
Au point que chacun croit exister pour de bon.
Mon cœur n’est pas lâcheur… me fera-t-il faux bond ?

mercredi 20 mai 2020

Striduler

La déambulation, voilà qui fait débat
Chez les grillons prudents qui regardent d’en bas.
Chanter, ne pas chanter, l’affaire est délicate.
Un pas se fait léger… l’artiste joue des pattes !

mardi 19 mai 2020

Mélange

Je touille doucement ce soir un lait au miel,
Un breuvage animal harmonieux et pluriel,
L’or et le blanc mêlés comme cette cascade,
Une écume au soleil, souvenirs de baignade.

lundi 18 mai 2020

Troglodyte

Certains jours il se pose au bord de la fenêtre,
Étonnamment curieux des quelques millimètres
Entre ma chambre et lui, de verre transparent
Qu’il picote parfois. Deux mondes différents.

dimanche 17 mai 2020

Coïncidence

Fermant les yeux, je vis un monde parallèle,
Inondant mon esprit de couleurs irréelles.
Il me fallut du temps pour démêler le vrai,
Du faux, voir sans les yeux le bon grain dans l’ivraie.

samedi 16 mai 2020

Rondement

Je mets un pied devant l’autre et passe le temps,
L’espace est immobile et ma planète tend
Vers la rotondité des bulles vides, vaines
Éclatant au premier vent mauvais qui la mène.

vendredi 15 mai 2020

Sur le banc

Deux rondins, une planche et voilà notre banc.
Le soleil prend des airs et joue de tes rubans,
J’y jouerais bien aussi, mais je suis trop timide.
Et si le vent s’en mêle, il sera plus rapide…

jeudi 14 mai 2020

Brutal

La musique a brisé les corps dans sa violence.
Un jet de décibels comme on crache. Un silence
Enfoui, terrorisé dans la non-partition.
J’ai survécu. La nuit finit son éruption.

mercredi 13 mai 2020

Un pas de plus

C’était un péristyle aux colonnes usées
Par le vent de la mer. J’allais, inapaisé,
Dans cette claire-voie, l’âme sentimentale,
Espérant lire Dieu gravé sur une dalle.

mardi 12 mai 2020

Ainsi soit-il

La ficelle étalée sur la nappe cirée
Se tortille et se noue, comme un fil inspiré
Par un chaton fantôme. Il est temps que je dorme
Avant que les murs même abandonnent la norme.

lundi 11 mai 2020

Sentine

La pluie est arrogante. Elle occupe l’espace
Et le temps. La raison se noie dans une impasse.
On aurait tort de croire à la vitalité.
La pluie nous laisse exempts de toute éternité.

dimanche 10 mai 2020

Post mortem

Il mourut à la page cent quarante-trois
D’un polard acheté… il ne sait plus l’endroit,
Mais il essaie encore d’en tourner une page.
Impossible sans corps. Ne pas savoir l’enrage.

samedi 9 mai 2020

Sécheresse

Encore un vol pour rien. La brise m’ensorcelle.
Au cirque du Soulor, les rochers s’amoncellent
Et les estives nues, sèches, sont à pleurer.
Un troupeau de brebis, là-bas, s’est égaré.

vendredi 8 mai 2020

Mise en boîte

Le bonhomme tordu comme une vieille souche
Apparut sur le seuil avec un air farouche.
Autour, les musiciens sortaient leurs instruments.
Ils allaient fêter ça. Quel bel enterrement !

jeudi 7 mai 2020

Pieds nus

Rouge colère et noire peine ont peint la mer
Au crépuscule, sur la plage où j’erre, amer.
Le sable usé marque sans joie les miennes traces.
Au fond de l’anse l’ombre gagne et la vie passe.

mercredi 6 mai 2020

Quelque hauteur

C’était un dirigeable aussi grand qu’un nuage,
Un cumulonimbus qu’on voit par temps d’orage,
J’étais un passager qui, lent, déambulait
D’une coursive à l’autre et rien ne me comblait.

mardi 5 mai 2020

Élémentaire

La pluie d’orage encor éteint les braises vives,
Il fait chaud. Les tisons chuintent. Je dérive,
Assis sur une pierre épaisse. C’est l’été.
Je suis trempé, qu’importe. Instant de vérité.

lundi 4 mai 2020

Crayonnages

D’elle je fis quelques dessins, quelques esquisses
À la pointe d’un stylo-mine. Inspiratrice ?
Une passante qui venait, qui revenait.
Ma mine aussi cherchait du sens et cheminait…

dimanche 3 mai 2020

Cacao

C’était un chocolat de grossière facture,
Épais, quelques grumeaux, dont la température
Et la rugosité rappelait la forêt,
La mousse aussi, crémeuse, me revigorait.

samedi 2 mai 2020

Flûte à becs

Il jouait de la flûte, orteils en éventail,
Pour mieux goûter la brise, à côté du portail.
Le merle répondait, toujours à la va-vite,
Entre deux vers de terre… et la musique ensuite.

vendredi 1 mai 2020

Sur les murs

Dans le salon, la cheminée projette sur
Les murs lumière et ombre, comme de futurs
Mensonges aplatis, illusions nécessaires.
Tes yeux, dans ces reflets, sont-ils encor sincères ?

jeudi 30 avril 2020

Le sablier

Le sable coloré s’échappe grain par grain
D’une ampoule de verre et, de nouveau restreint,
Finit dans une ampoule en tous points identique.
Il n’y a pas d’issue. Le monde est symétrique.

mercredi 29 avril 2020

Pas encore

Sur le bord du chemin, des rangées de statues
De chiens me dévisagent avec leurs crocs pointus.
C’est le jardin des mots qui ne sont pas encore
Entrés dans ma maison, la boîte de Pandore.

mardi 28 avril 2020

À rire

Nous en avions tant ri de ces bons mots lâchés
Juste à l’instant précis qui permet d’enclencher
La belle mécanique (une bulle qui crève
À la surface pétillante de nos rêves).

lundi 27 avril 2020

Rue fantôme

Curieuse cette rue, sans l’ombre d’un passant.
Le réverbère éclaire un trottoir impuissant,
Quelques papillons fous qui sans fin tourbillonnent,
Un espace, une artère où plus rien ne bouillonne.

dimanche 26 avril 2020

Électricité

J’écrivais une liste (un papier, un stylo)
Quand ta jupe plissée frôla mon vieux polo.
Peu s’en fallut qu’alors la petite étincelle,
Une escarbille bleue, tous deux, nous ensorcelle.

samedi 25 avril 2020

Comme trois pommes

Les hautes herbes sont fauchées, de mon enfance,
Élevées comme des bambous qui se balancent
Et moi le petit bout qui marche en leur milieu,
Comme l’explorateur d’un monde merveilleux.

vendredi 24 avril 2020

Eau-forte

Les gravures ponctuent l’ouvrage des Légendes.
Elles sont, claires eaux, des sources dans la lande
Aride de l’écrit, qui baignent l’homme errant.
L’insensé croit savoir. Le sage désapprend.

jeudi 23 avril 2020

Où tout commence

Aurait-il le cœur grand comme quatre océans
De voyager plutôt que de rester céans,
Dans la peur des hivers et des brumes qui rôdent ?
La douche était toujours ou trop froide ou trop chaude.

mercredi 22 avril 2020

Sauvetage

Il jette par-dessus le pont quelques injures.
Au-dessous la rivière écoute ses blessures
Et sa rage se fond dans chaque goutte d’eau.
Toujours le flot paisible allège le fardeau.

mardi 21 avril 2020

La traversée

Les pans de murs d’une telle hauteur m’oppressent :
Ici la ville, en cette matière, ne cesse,
Obscure, d’entraver l’horizon des passants.
Qu’importe, de plein droit, je file avec, ou sans.

lundi 20 avril 2020

Élite

Il s’appesantissait sur les malheurs des gens
Montrant qu’il était, lui, bien trop intelligent
Pour descendre aussi bas dans l’échelle sociale.
Il avait tout de l’arrogance seigneuriale.

dimanche 19 avril 2020

La vérité

Il en avait tourné des pages et des pages
À la recherche de véritables messages,
Il en avait tant vu des cartes et des plans,
Pas le moindre trésor. Un désert insolent.

samedi 18 avril 2020

Couleurs passées

Le temps patine lentement les souvenirs,
En vieux roses que plus rien ne saurait ternir.
J’ai retrouvé dans un placard des lettres tendres,
Encre pâlie. Le feu couve encor sous les cendres.

vendredi 17 avril 2020

Venez voir

Les horizons cuivrés de la fanfare sonnent
Et les bourgeons d’avril au soleil s’abandonnent.
À la fenêtre tous agitent leurs mouchoirs.
Les musiciens s’éloignent… nul n’a pu les voir.

jeudi 16 avril 2020

Prestidigitateur

Il cachait dans sa main la pièce, virtuose
Et nul ne devinait qu’il empalmait la chose.
Il dissimulait tout, maître des illusions.
Il faillit perdre ainsi son âme, à l’occasion.

mercredi 15 avril 2020

Auprès de son arbre

Dans l’ombre également, sa lumière transpire,
Elle danse sous l’arbre et, telle feuille, vire
Et volte avec bonheur, sans jamais se poser.
Autour se joue la brise, en guise de baiser.

mardi 14 avril 2020

Hautes terres

Elles sont entassées, les cohortes de pierres
Ou bien éparpillées. Ma route entre elles, fière,
Étire ses lacets. Je laisse un peu de moi
Dans cette pente austère, ou de pierre ou de bois.

lundi 13 avril 2020

Bien faire

La liberté s’efface au profit du mérite,
Où la peur s’insinue, la voix se fait petite.
Ainsi la vie s’écoule avec parcimonie,
Vainement l’un consent à ce que l’autre nie.

dimanche 12 avril 2020

Place

Vêtue de jaune et noir, telle une salamandre,
Assise sur ton sac, tu attends, car attendre
Est ta vertu première. Ils passent sans te voir.
Tu traverses souvent l’eau calme du miroir.

samedi 11 avril 2020

Unis

Sur ton âme il y a quelques grains de beauté,
Petites îles sombres au sein de la clarté.
Parfois nous y allons tous les deux à la nage
Avec le sentiment d’atteindre le rivage…

vendredi 10 avril 2020

D’un rien

Je suis dans cette grâce où la descente est belle
Et de plus en plus bas, je vais, frôlant des ailes
Un air au long velours, qui bientôt me reprend,
Me lançant dans l’azur. Le monde est transparent.

jeudi 9 avril 2020

Sous-main

Il tenait dans sa main son plus beau stylo-plume
Et son buvard avait la couleur du bitume,
Absorbant la lumière autour du papier blanc.
Le tracé des premières lettres fut tremblant.

mercredi 8 avril 2020

Des planches

Entre cour et jardin, le spectacle se dresse
Et l’héroïne joue, dès lors que sa main presse
Son cœur, à l’âme pâle, au destin qui secoue.
Les larmes ont tôt fait de glisser à son cou.

mardi 7 avril 2020

Lazaret

Qu’il pousse, le déclin de l’homme tout autour.
Un parterre de fleurs subsiste dans le bourg.
Mon lazaret s’emplit des vies de toutes souches,
Un brun d’herbe, un mulot, des arbres, quelques mouches.

lundi 6 avril 2020

Dans la durée

La solitude grise et les couloirs sans fins
Sont encombrés de tant de voix d’esprits défunts.
Je les entends souvent qui grincent, qui murmurent.
Interlude. Leurs sens inachevés perdurent.

dimanche 5 avril 2020

Sans compter

C’est l’été. La torpeur dans l’azur se propage.
Où le vent souffle, s’évaporent les nuages.
Un chat ronronne à l’ombre d’un drap vert et bleu.
L’éternité c’est cet instant miraculeux.

samedi 4 avril 2020

Le clos du bey

Près du moucharabieh, le jardin se devine.
On entend l’eau de la cascade, cristalline
Et les chardonnerets dans les buissons, perchés,
De roses empourprées, belles endimanchées.

vendredi 3 avril 2020

Sinon

Nous étions sur le seuil, elle allait me le dire
Et puis sa bouche s’est fermée. Son âme, pire.
Ici la vie passait plus vite que là-haut.
C’est la taille des cœurs, ils ne sont pas bien gros.

jeudi 2 avril 2020

Pune

Les aromates lourds d’un tandoori mahratte
Embaument sous la tôle et la teinte écarlate
En dit long sur l’aurore ou le coucher sanglants.
L’ombre n’est pas si noire et le riz pas si blanc.

mercredi 1 avril 2020

Juste ainsi

La surprise est un art qui de l’instant fait grâce.
Où nous évoluons, le destin perd sa place
Et le jour se détend comme un chat qui s’endort,
Rien qui ne soit dedans, rien qui ne soit dehors.

mardi 31 mars 2020

Ambivalence

Je me suis échappé ce soir par voie des airs
Dans une nuit câline où tout était désert.
Même les chats fuyaient l’asphalte encore tiède.
Étais-je oiseau, nuage ? Il fallait que je cède.

lundi 30 mars 2020

Bienheureuse

Le bois sculpté frémit sous l’heure lumineuse,
Au fond de la chapelle où gît la bienheureuse.
Après la lueur, l’ombre à nouveau se répand…
Mais la prière est là qui chasse le serpent.

dimanche 29 mars 2020

Sable noir

Le sable de basalte est noir comme la nuit
J’y imprime mes pas, les pas de mon ennui.
L’océan est désert, toujours à marée basse
Et n’efface jamais aucune de mes traces.

samedi 28 mars 2020

Ronde heure

L’homme était imposant comme une citadelle
Et sa panse pensait, repoussant ses bretelles,
À la dilatation de l’espace et du temps.
L’instant de vérité. Tableau déconcertant.

vendredi 27 mars 2020

N’être

Affamé d’être ainsi loin des âmes chéries,
J’erre sans même voir l’ombre d’une égérie.
Le ciel d’un bleu cruel, comme un œil fanatique,
Offre à l’humaine lie la fuite chimérique.

jeudi 26 mars 2020

Ce lieu

Ce lieu ne souffre pas qu’on lui tienne la longe.
Il est cheval rétif, aucun mors qu’il ne ronge.
Avec nous, les enfants des herbes et des champs,
Jamais il ne sera farouche ni méchant.

mercredi 25 mars 2020

Le long du fleuve

Longtemps il étudia les nombres qui se scindent
Ou non, dans son village aux mille enfants des Indes
Or, longeant le grand fleuve, il réfléchit, se tut,
L’eau qui coulait emportant toutes les vertus.

mardi 24 mars 2020

Dialogue

Un vélo fait d’osier, une ferme en carton,
Un fleuve de mercure, un nuage en coton,
Tes deux mains qui ponctuent mes listes sibyllines
En sculptant dans l’air frais quelque magie mutine.

lundi 23 mars 2020

Coup de barre

Elle tenait les mains dans le creux de son cou,
Sans doute pour le soutenir un peu...beaucoup.
La fatigue passant, la nuit devenait douce.
Entre la chouette hulotte et Séléné la rousse.

dimanche 22 mars 2020

Victoire

Dans un tournoi quelconque il finit seul en tête,
Il ne se souvint pas pourquoi c’était la fête.
On voulut lui offrir une décoration,
Tout son être disait son incompréhension.

samedi 21 mars 2020

Enceinte

La muraille se dresse, avec ses pierres sèches,
Informes, depuis tant de siècles, mais sans brèche,
Immense comme un cri censé fendre le ciel.
Rien ne semble franchir l’espace interstitiel.

vendredi 20 mars 2020

Matelot

Ballotté par le vent, les embruns, poursuivi,
Le matelot s’enfonce au creux de ses envies
Dans les ruelles sombres de son port d’attache.
Il n’a que cette nuit pour vivre avec panache.

jeudi 19 mars 2020

Le vigile

Dans le palace éteint, Joe traîne son humeur
De salle en salle, hautain, recherchant la primeur
De quelque soubresaut des heures, de l’espace.
Ici rien ne défile, hormis le temps qui passe.

mercredi 18 mars 2020

Voir plus haut

J’eus beau supplier l’homme au costume de nuit
De m’emmener ailleurs, loin de ce damné bruit,
Mais il disparut dans une sombre ruelle.
Il me restait la nuit. Mon Dieu, qu’elle était belle !

mardi 17 mars 2020

L’eau, céans

Les corps mourants des cormorans gisent le long
Des flancs serrés des chaluts laids au ventre oblong.
Je marche lent, tout en laissant sous mes sandales
Le sable gris, l’empreinte qui sous l’eau s’étale...

lundi 16 mars 2020

Altruiste

Elle l’encombre sa pitié, comme un fardeau,
Toute la misère du monde sur le dos.
Son cœur n’a pas franchi le seuil, close la porte,
Alors il court après l’ombre des amours mortes.

dimanche 15 mars 2020

Bestiaire

Aux griffons, manticores, licornes, soumis,
Je vais par la pensée de mon corps endormi
Jauger les étendues de sable et leurs empreintes,
Ignorant la férocité comme la crainte.

samedi 14 mars 2020

Où tu souris

La baie de Sialong est en lambeaux de brume.
Un vieux cargo s’approche et sa cheminée fume,
Ajoutant des couleurs de suie au gris de plomb,
Mais je t’ai vu sourire en baie de Sialong.

vendredi 13 mars 2020

Galon

Le passement brodé de fils d’or et de soie
Gondole lentement quand le sbire s’assoie.
La veste en est usée. Ses yeux gris se condensent,
Un peu du firmament d’antan peut-être y danse.

jeudi 12 mars 2020

Les enchaînés

Les enchaînant, le temps chérit les hommes liges
Et leurs vieux os lustrés par ceux qui les obligent.
Ils en oublient le vent frais de la liberté.
Le temple de leur corps est leur château hanté.

mercredi 11 mars 2020

Amphigouri

J’eusse réduit la chaise en un fagot de bois
Pour calmer cette rage en moi, d’être aux abois
Face aux mots incertains qui bousculaient la trame.
Où se cachait le sens dans un tel amalgame ?

mardi 10 mars 2020

Tension

La pesanteur est forte et le corps est lassé,
Pourtant quelque fureur contenue coule assez
Dans les rouges artères, les pensées secrètes,
Un même sang qui roule, un souffle qui halète.

lundi 9 mars 2020

Bref

C’était une étincelle, à peine née d’un bond
Qu’elle disparaissait en un obscur charbon.
Je restais là, badaud de la plus vile espèce,
Si loin de la beauté de cette maladresse.

dimanche 8 mars 2020

Pauvre pêcheur

La paille était rentrée, les chaumes rouissaient.
J’étais allé pêcher au bord de la saussaie
Quand un gros cumulus de plomb noircit le ciel :
Qu’étais-je devant ce déluge torrentiel ?

samedi 7 mars 2020

Paroles

Que dire des mots doux que nous nous échangeâmes
En ce soir de tempête où ballottaient nos âmes ?
Ils eurent la douceur des êtres enlacés
Puis firent du silence un feu recommencé.

vendredi 6 mars 2020

Ainsi vont

Mon vaisseau de papier vogue sur l’encre bleue,
Le paisible lagon d’un lointain fabuleux.
Lorsqu’il regagnera le port de ma conscience,
Un autre partira vers d’autres espérances.

jeudi 5 mars 2020

Tectonique

J’ai levé mes armées sur des terres fertiles
Espérant contenir ainsi la foule hostile
Autour vociférant. Puis j’ai compris l’erreur
Qui mortelle exilait de la tête le cœur.

mercredi 4 mars 2020

Voie du milieu

Laisse la main filer dans l’onde qui soupire.
Au corps entier flottant, donne un peu du navire
Et fort des univers de l’air et de l’eau, va
Près de l’alme sirène ou du bodhisattva.

mardi 3 mars 2020

Qui passe

J’ai pris le temps de suivre, aujourd’hui, l’ombre bleue
De l’élégant cyprès qui oscille frileux
Sous les assauts du vent. Le soleil est fugace
Et l’ombre tout autant. Le mouvement sans trace.

lundi 2 mars 2020

L’heure brune

La tenture en batik est un voile enchanteur
Qui bouge lentement sous le ventilateur.
Je ne suis pas très sûr qu’ainsi les âmes dansent.
Il est tard. Je somnole et ressens leur présence.

dimanche 1 mars 2020

Bascule

Agir rythmait son souffle et ses pas sans jamais
Que l’émotion l’emporte, ou même l’être, mais
Un jour tout bascula. La vie joue de mystères.
Il fut à la merci d’un nouveau jour sur terre.

samedi 29 février 2020

Amants

Les corps glacés depuis tant de milliers d’années
Gisent dans le grand blanc de filons bleus veinés,
Rêvant, main dans la main, de prés verts, de fleurs rouges
Au soleil zénithal. Déjà la glace bouge.

vendredi 28 février 2020

Le quai

Sur le quai dépeuplé résonnent des pas rares,
Incertains, d’une dame errant dans cette gare,
Alors qu’elle devrait être dans un ailleurs.
Le train n’arrive pas… le pire ou le meilleur.

jeudi 27 février 2020

Espérance gardée

La langueur me fascine, inaccessible état.
Tout semble encapsulé. Le monde placenta
Des écrans doucereux sans cesse nous inonde.
Et pourtant la beauté du réel surabonde.

mercredi 26 février 2020

Tic-tac

La pendule au-dessus de la porte s’escrime
À compter les portions de temps qu’elle supprime
Avec une vigueur de plastique et d’acier.
Le mécanisme honni n’a pas de balancier.

mardi 25 février 2020

Libre cours

J’envie le vent qui court, je cours après la vie
Puis le calme dédain d’une aube me ravit.
J’oublie l’aube, le vent, l’envie, rien ne me mène.
Entre le ciel et l’eau, le je n’est qu’un noumène.

lundi 24 février 2020

Non soi

De mon corps empêtré, parfois, vain locataire,
Immobile, je tends à vouloir me soustraire,
Individu souffrant de n’être pas plusieurs,
Épris d’altérité, dans l’eau de ma frayeur.

dimanche 23 février 2020

Jour ou nuit

Mon ombre est repassée devant. Soleil derrière,
À moins que ce ne soit la nuit, un lampadaire.
Il faudrait pour trancher que je sois dans la rue,
Mais la trame du temps est une herbe si drue.

samedi 22 février 2020

Au marché

Les fruits achalandés mûrissent sous la toile.
Elle attend la journée, l’esprit dans les étoiles.
Autour quelques moineaux volettent, quelques gens,
Qui regardent les fruits, qui comptent leur argent.

vendredi 21 février 2020

Éboulis

Le chaos des rochers sur la pente s’épand
Comme un torrent figé, minéral et rampant.
Quelque part, dans un creux, fleurit la digitale.
Un panicaut si bleu force l’horizontale.

jeudi 20 février 2020

Catégories

Dans l’infini des points, les courbes sont tracées
Sur un papier fictif aux blancheurs enchâssées.
Les chiffres, contre-points, leur donnent l’élégance
Où l’invisible le dispute à l’évidence.

mercredi 19 février 2020

Hisse et ho

Les soutes sont remplies d’épices, d’acajou.
Le capitaine veille et les matelots jouent
Aux dés sur le plat-bord. Le vent gonfle les voiles.
Après les océans, voguer jusqu’aux étoiles...

mardi 18 février 2020

Sons

Il est tous les matins trappeur d’ondes sonores
Ondulant dans l’espace. Il préfère l’aurore
Et sa constellation de sons lui donne tant
De bonheur qu’il exulte… en silence pourtant.

lundi 17 février 2020

Clôtures

Je hais les barbelés, ces sinistres barrières
Écorchant ceux qui vont et viennent des clairières,
Elfes, nymphes, dryades, faunes et lutins,
Dans notre univers clos, passagers clandestins.

dimanche 16 février 2020

Dans les livres

De ces livres épais je fis un vrai rempart,
Puis un château de siège, hanté de part en part.
L’encre noire partout pâlissait sous l’attente
Et mon âme courrait loin des peurs suintantes.

samedi 15 février 2020

Grues

Le passage fut bref, des grues dans un ciel vert,
Véhémentes, criant, à voler de travers
Sous la poussée du vent, des rafales rageuses.
En esprit je suivais comme une ombre rêveuse.

vendredi 14 février 2020

Pèlerin

À mesure, dit-on, quand on est à la peine
Et que la tâche est lourde en jours comme en semaines.
Ainsi le pèlerin marchait sur un sentier
Rude comme la vie, si loin de la moitié…

jeudi 13 février 2020

Ce silence

Il n’est pas de secret qui survive au silence
Et la musique autour, comme un écrin qui danse,
Engourdit la raison. Les papillons gracieux
S’élèvent dans la nuit pour conquérir les cieux.

mercredi 12 février 2020

Signes

Je ne sais qui détient l’ultime enchantement,
Mais je sens sa présence énigmatiquement,
Dans l’ample chuchotis des tilleuls de la place
Ou sur les vitres nues, quelques reflets fugaces.

mardi 11 février 2020

Cycle de l’eau

Je suis le froid de l’onde et la fièvre du corps
Sous l’averse qui bat, dans ce triste décor.
Les rafales secouent le vélo, sans tendresse.
À creuser mon sillon, dans le flot je progresse.
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