L’eau coule

L’eau s’égoutte, ruisselle entre les pavés noirs,
Coule dans la rigole et les flaques miroirs,
Continue dans l’égout qui charrie notre fange
Et finira peut-être un jour, dans une orange.

Mots

J’attends sans fine bouche à la table des grands,
Mes petits points serrés posés dessus. J’apprends
Les mots qui disent oui, qui disent non, les mêmes,
Aussi, dans le silence, un parfum de « je t’aime ».

Caresses de l’air

Le souffle inassouvi lentement soliloque
Oubliant peu à peu le soi qui se disloque
Aux caresses de l’air. Le monde est en dedans.
L’idée s’épanouit. Je pleure, en attendant.

Esprits frappeurs

Ma maison de papier recèle des espaces
Encore inexplorés. Peut-être des impasses…
La vie ne suffit pas. J’accumule les peurs,
Trop de papier froissé. J’ai mes esprits frappeurs.

Tous les pas

L’espace froid du marbre étant ses griffes sombres.
À compter les échos des pas perdus en nombre,
Où la rumeur se tait, les esprits prennent corps.
Le tissu près du mur dissimule les morts.

Les vieux papiers

Fébrilement il fouille un tas de vieux papiers,
Des croquis annotés, des textes recopiés,
L’encre pâle défile et cache ses mystères…
Il est bien loin d’avoir tari son inventaire.

Le dernier flocon

La neige déposée, fragile sur la branche,
Oscille sans connaître rien des avalanches.
Au-dessus le ciel noir scintille également.
De la neige, le sort dépend du firmament.

Crépusculaire

La rosace m’éclaire un peu sous la lueur
De cette fin du jour. J’ai dû faire une erreur.
Je me sens étranger dans ce temps, cette église.
À genoux sur ce banc, la prière m’épuise.

Porte close

La chaumière du parc a des lames qui teintent
À sa porte d’entrée. C’est le vent qui se pointe
Et moi, juste en second. Faut-il frapper aussi ?
Mais la porte ne s’ouvre pas. Fin du récit.

Tout près de

Les confettis épars, les canettes qui roulent,
Un chien des rues qui flaire au milieu de la foule,
Et toi. Je vole un peu plus haut dans le ciel gris,
La fête me rejette au-dessus de Paris.

Dans la foule

Tout est parti de là, son sourire esquissé,
Dans la foule dansante et les flots épicés.
J’ai tendu sans savoir une main tout près d’elle
Elle ne m’a pas vu… partie à tire-d’aile.

Une peau

D’où qu’il vienne, le vent rapporte les rumeurs
Du monde. Ainsi la peau ressent toutes les peurs,
Les doutes, les désirs, les frissons, les liesses…
Une peau qui devrait se nourrir de caresses.

La rue

Sur les pavés bancals, la calèche progresse
Et le bruit du métal sur la pierre l’agresse.
Il rêve d’un brouillard capable d’étouffer
Les sons, l’aube, les peines. Il en appelle aux fées.

Dehors

Le mur ocre est dans l’ombre, elle est assise là,
Tandis que les passants masqués regardent la
Vitrine scintillante à côté. Je devine
À son regard serein que rien ne la confine.

Espère

Espère lentement, comme un souffle léger.
Le ciel de tes yeux vire au gris ennuagé.
Nous sommes plus que nous. L’instant qui recommence
Est un baume de l’être. Ainsi va l’espérance.

Maraude

La rue sent la sueur, les chiens sont dans des cages.
Un violoniste las joue pour un mariage.
Une bouche d’égout, sur le trottoir pavé
Dégorge lentement. Un rêve inachevé.

La croix

C’est une croix perchée sur ma haute montagne.
On la voit par temps clair avant que la nuit gagne
Aux dernières lueurs. L’éclat de ces rayons
Fugaces me ravit. Puis sa disparition.

Ébéniste

L’écorce de tes mains me dit tous les ouvrages
Ici, dans l’atelier, que tu fis. Le séchage
Était pour toi sacré. Les planches de bouleau
Toujours entreposées, sont de la plus belle eau.

Banc public

La place reste vide au milieu des platanes.
Il fait chaud loin de la bienveillance océane.
Et sur le banc, nous deux, comme des fruits tombés
D’un paradis perdu, tout près de succomber…

Échoué

Ce fut un beau moment. J’étais des deux côtés,
De la mer déroutante et du sable, jeté
Là par quelque hasard. Tu marchais dans les dunes
À grandes enjambées… toi, fille de Neptune.

La lettre

L’écriture est penchée, du rouge sur du noir,
Quelques feuillets cachés dans le fond d’un tiroir,
Une lettre d’amour, peut-être, ou de passion.
Je ne la lirai pas. Trois points de suspension...

L’hiver

Je ne l’ai vu qu’à pied, sa cape de velours
Gonflant dans la tempête, ondulant tout autour.
Toujours, avec ses mains, rageusement il bat
La campagne. Il est sûr de gagner. Vil combat.

Carte postale

Au dos de cette carte, en travers, j’ai pu lire :
« Un petit souvenir du haut du Cachemire. »
Une larme séchée bleuissait dans le coin,
Larme ou flocon de neige ? Indice sans témoin.

Papillon

Je suis le papillon qui vole à sa manière
En allant vers l’avant puis parfois en arrière...
Un secret bien gardé, c’est le chemin des fleurs !
Je me tiens à distance afin qu’il n’ait pas peur.

L’entourage

Qui pourrait apparaître au-delà du brouillard ?
Un baladin des bois qui pratique son art ?
Une dryade aimée par de belles personnes ?
Un loup ? Je viens toujours là quand elle me sonne.

En barque

Je navigue sans rame au milieu de l’étang,
Porté par des courants étranges. Je me tends
Sous les gouttes glacées qui piquent mon visage,
Une main déchirant le reflet d’un nuage…

Désunion

À peine perceptible à l’oreille, le son
Secoue les feuilles bleues des pensées en buisson.
Le corps est une terre où plongent leurs racines,
Un égo crevassé. Je vis, je m’imagine.

Interférence

Acide dans le ton, nostalgique au-delà,
Tu me parlais travail, moi je rêvais de la
Poétesse Emily, qui marchait sur l’eau vive,
Enivrée d’air. Enfin, ta parole m’arrive…

Second rôle

Je suis dans cette histoire un curieux personnage
Aux contours indécis, présent sur quelques pages
Et toi, toujours plus loin, dans le texte, tu vas,
Superbe, m’ignorant, lumineuse diva.

Raphaëlle

Elle chante, elle va, tel un battement d’ailes,
Et ballade mon cœur en des mélodies belles.
Infime, je me glisse, oubliant la portée,
Dans le feu de sa voix, sous les notes bleutées.

Chanterelles

Des effluves de terre enrobent, sensuelles,
Envoûtantes, les troncs. Là-bas, les chanterelles
Au-dessus de la mousse, imitent la couleur
Du soleil des beaux jours. C’est mon petit bonheur.