Souvenir

Les moineaux piaillent dans le vieil azerolier,
Je ne suis pas très loin, je n’ai pas oublié
D’autres sons, d’autres lieux, l’azur toujours intense,
Une robe flottant autour de toi, qui danses.

Falot

La lanterne vacille au fond du jardin clos,
Créant à son entour un genre de halo.
J’y vais sans réfléchir. Mes pas suivent la sente.
Au milieu de l’obscur, cette lueur, présente.

Magnétophone

Cette cassette audio gisait dans un tiroir.
Je l’ai mise dans mon magnétophone noir.
Je me suis entendu raconter à voix basse
Un rêve débridé. Tant d’années qui s’amassent.

Silence à deux

Entre nous, ce silence a duré joliment
Il y avait du thé, voluptueusement,
Qui lançait ses volutes à l’assaut de l’espace
Et nous, dans nos pensées, sereinement, qui passent.

Nadir

L’ascenseur lentement descend vers des étages
Inconnus. Je suis seul, dans cette obscure cage.
Outre les bruits de câble, on entend des soupirs,
Des âmes sans espoir croupissant au nadir.

De cette heure

Il vivait à midi, toujours, dans le soleil
D’un jardin débordant d’insectes non pareils
Et cette heure sans fin s’écoulait pour lui-même.
Il composait pour elle un incessant poème…

Éclair

Quand l’orage est passé, ce soir, des lueurs mauves
Ont éclairé soudain le coin de mon alcôve
Et j’y ai vu des perspectives inouïes.
Puis le vertige étrange s’est évanoui.

Front de mer

Là, sur le front de mer, elle marche à pas lents,
Juste où le liseré de l’écume est ballant.
L’emprunte de ses pieds reste un instant, fugace
Et puis la mer s’en vient, qui peu à peu l’efface.

Au hasard

Entre les murs crépis des antiques maisons,
La ruelle m’expose à l’ombre de saison,
Chaude, chargée d’odeurs de fleurs et de cuisine.
Au pas de mes détours, je vais, je m’imagine.

Voix

Peau pâle, yeux gris, voûtée, chenue, la dame chante
Et sa voie s’en va dans les nues, si vive, ardente.
Au point que même les grimauds sont interdits
Si près du cœur, la voix… ne leur a-t-on pas dit ?

Plastique

La maison se dérobe à sa propre substance,
Enveloppée qu’elle dans de fausses nuances.
Ici, les souvenirs anciens restent cachés
Sous l’avalanche du plastique, effarouchés.

Courrier

Plume d’acier, encre de fer, papier rugueux,
Je goûte à l’art épistolaire des aïeux.
Pleins, déliés suivent le cours des pensées tendres.
Le pli chemine et j’aime tant le fait d’attendre…

Aubert

La beauté de ce paysage me confond.
Je suis assis sur l’herbe rase et vois le fond
De l’eau limpide et le reflet d’un ciel de traîne.
Au loin, les neiges éternelles, souveraines…

La cave

La cave se prolonge à même le rocher
La pierre maçonnée côtoie le flanc penché
De la montagne. J’erre en ce lieu de froidure.
Au-dessus la lumière et le soleil murmurent.

Serpentine

La couleur de la pierre est dans son épaisseur.
J’aimerais la poser sur toutes mes erreurs
Comme un presse-papier sur un paquet de lettres
Encore cachetées. Je suis prêt de renaître.

Ventoux

Tout est serré, le temps, la matière et le souffle.
En des moutons de brume les loups se camouflent.
Ils hurlent sur la pente en faisant vaciller
La bicyclette et l’homme recroquevillés.

Sagesse du chat

Sur l’appui de fenêtre, il veille la maison,
Hiératique silhouette, en silence. À raison.
Tout autour la folie lentement se propage.
Il a conscience d’être un gardien de passage.

Poussière

Je suis une poussière emportée par le vent,
Radieuse parfois dans le soleil levant,
Parfois certaines nuits, obscure particule,
Infiniment je rêve… un rêve minuscule.

Nage

Je nage loin dans cette mer aux eaux turquoise
Et le rivage disparaît. Nul n’apprivoise
Un seul instant le flot qui file lentement.
Mon seul espoir, trouver une terre urgemment.

Modestie

Pour être franc, la modestie n’est pas mon fort.
Mis au bûcher des vanités, tous mes efforts
Brûlent sans laisser nulle trace, nulle cendre.
Il ne me reste au demeurant qu’à me surprendre…

Nuance

Je cherche la couleur exacte de vos joues.
Je mêle les pigments, je tente un autre ajout
D’un bleu céruléen, mais tout au plus je gâche
Encore les couleurs…à l’huile ou à la gouache.

Sandwich

Les pavés sont disjoints, les enseignes ballottent,
Agitées par le vent. Par terre, tu grignotes
Un sandwich au fromage. Il est sept heures et quart.
Je te lance un sourire, à peine un peu trop tard.

Faïences bleues

Les faïences sont bleues, les étagères blanches.
Il écrit ses histoires sans fin, quelques tranches
Issues des souvenirs des autres, notamment.
Il se les approprie fort intelligemment.

La flaque

Mes pensées gouttent lentement du fond percé
D’un réservoir d’incertitudes ressassées,
Pour finir sur le ciment dur en flaque noire.
Au milieu se cache une pensée des plus rares.

Boîte

Les gens sont entassés sous de stroboscopiques
Éclats, vagues de sons si loin de la musique.
Encore un peu, le temps se fissure en dedans
Se délite et se perd. Tout est faux… cependant…

Montagne

Aussi loin que je voie, la force minérale
Emplit de son silence immense la florale
Odeur autour de moi. Je peux fermer les yeux,
La montagne me porte et le roc est joyeux.

Petite forme

Noyé dans la rousseur de cannisses persanes
À peine caressées par la brise océane,
Indolent, je m’endors. Je rêve du désert.
Je suis un grain de sable lancé dans les airs.

Mes peurs

J’ai peur de l’eau qui dort, des pensées rebattues,
D’un sourire flatteur ou d’un qui me dit tu.
J’ai peur de n’être pas là dans l’instant qui passe.
Un sourire de toi… mes peurs sitôt s’effacent.

Trémière

À côté de la route, une rose trémière,
Isolée, dans un pré, peut-être la dernière,
Offre aux regards perdus sa beauté de carmin.
J’espère qu’elle soit encore là demain…

Le rêve du chat

Voluptueusement le chat s’étire au bord
De la fenêtre et feint de regarder dehors,
Mais il rêve en dedans, loin des oiseaux qui chantent,
Aux proies de l’anti monde aux pattes trébuchantes.

Entre les pavés

Les brins d’herbe poussaient entre les pavés gris.
Le soleil aspergeait de flaques rabougries
De lumière les pas, au cours de son voyage,
Écrasant çà et là l’ébauche du feuillage…