Effondrement

Je m’approche prudent de la paroi de glace.
Aux claquements subits, je sens une menace
Et m’éloigne en courant sur le névé désert.
Soudain l’effondrement… Là je ne suis pas fier !

Perchée

La cabane perchée s’appuie sur de grands chênes.
Une échelle sommaire, arrimée par des chaînes,
Autorise l’accès. Les volets sont ouverts.
Qui peut y habiter ? Une femme aux yeux verts.

La grange

La porte de la grange aux planches équarries,
Grises sous l’assaut lent de mille intempéries,
S’ouvrit en protestant. Je vis un sombre espace
Où des monstres dormaient, machines en cuirasses.

Chaussée

À l’asphalte succède une grave légère
Et bientôt, le sentier se borde de fougères.
Envahissante, l’herbe enfin prend le dessus.
Je vogue dans le vert et les pierres moussues…

La princesse morte

Dans le sombre château de la princesse morte,
Il m’est un point d’honneur à détruire les portes
Et les oiseaux s’engouffrant dans les galeries
Cherchent partout en gazouillant l’âme chérie.

Sans retour

Je suis adepte des voyages sans retour
Où le livre est un fleuve dont je suis le cours.
À brasses lentes, je chemine vers le large
En me noyant dans la virginité des marges.

Vernal

Les murs de mon jardin font un vrai labyrinthe
Où dans les coins secrets, je connais les étreintes
Impatientes des fées, quand les papillons volent
Et le printemps joyeux rêve de fleurs frivoles.

Bise

Douce et ferme à la fois, la bise de l’hiver,
Pour qui laisse un peu les portillons entrouverts,
L’encolure bailler, les manches de chemise
À peine retroussées. L’hiver nous fait la bise.

Rira bien

De sa bouche fendue d’un rictus carnassier
Il annonça que nous étions tous licenciés.
Nous rîmes simplement devant son arrogance.
On avait notre vie, il n’avait qu’un fond rance.

Oiseau de fer

Ils se tiennent la main dans l’habitacle blanc
De l’avion qui s’envole. Ils sentent l’accablant
Trouble du décollage. Tout autour d’eux vibre.
Être ainsi prisonnier et prétendument libre ?

Ancestrale

La cuisine rutile au milieu de ses cuivres
Ainsi qu’une bibliothèque avec ses livres.
Ici ont vécu tant d’ancêtres, simplement,
Ces carreaux de vieux grès le disent nettement.

Quelque part

Quelque part, sous la pluie, tu te fonds, sans effroi
Dans la pâleur humide et bleue de la paroi.
Tu es la goutte d’eau, le nuage qui passe…
Et j’essaie de saisir la beauté de l’espace.

Hôtesse

Tu es de celles qui laissent parler les anges
Au cœur de ta maison, même si ça dérange
À l’entour les voisins. Ton rire est souverain,
Tu offres sans façon l’asile aux pèlerins.

Tandem

La peau de tes épaules est perlée de sueur,
Et j’entends palpiter, je suppose, ton cœur.
Le travail nous conduit sous la chaleur intense
À rester près de l’autre en toutes circonstances.

Révérence

Tu inclinas la tête et tes cheveux épars
Faisaient un noir rideau tombant comme un rempart.
Ainsi tu supportas les applaudissements
Qui fusaient tout autour… bel encouragement.

Rondins

Je bûcheronne à mon humeur dans la remise,
Un rouge-gorge l’œil en coin m’anatomise :
Il n’aime pas la tronçonneuse et son raffut,
Qu’il me pardonne. Ainsi je fais. J’en suis confus.

Vogue l’âme

Il faut tenir le cap quand la voile faseye,
Au bruit du clapot gris je tends mes deux oreilles.
Une frégate crie bien au-dessus du mât,
Je sens qu’ici ma vie n’est pas du cinéma.

Semailles

Dans la cire elles sont, les semences, posées
Pour un autre voyage en terres plus osées,
Par de petites mains zélées. La vie patiente
Attendra le printemps que tout se réenchante…

Bordée

Sous le comptoir en zinc, la vérité se terre
Et nul autour n’en veut. Accoudés solitaires
Accrochés au ballon de rouge, ils sont ailleurs.
Ma quête est improbable et son cours intérieur.

Sur le pavé

Hôtesse au petit jour du matou en maraude,
Égérie du poète, à l’occasion ribaude,
Il est temps de t’offrir en guise de blason
Ces quelques mots jaillis d’un puits de déraison.

Encensoir

La sphère métallique oscille lentement
Fixée par une chaîne au cœur de l’arc roman.
Mais de fait nul bedeau, ni bon ni mauvais ange,
Ici n’a fait bouger l’encensoir. Valse étrange.

Décryptage

Des milliers de registres autour de moi s’alignent
Avec docilité. Au dos, d’étranges signes
Avisent l’érudit des arcanes enfouis.
Le grain lève plus tôt sous la paille rouie.

Bas les masques

Il a tout du tribun, son discours est rodé,
Les phrases sont choisies, tout est si bien scandé !
Nul ne soupçonne sa nature d’automate…
À part une immigrée qui lance des tomates.

Encore un peu

L’aube a peint sur les murs des ombres rassurantes,
Encore un peu de temps (l’aube est insinuante)
Avant de me lever, me dis-je sans un mot.
Mon esprit vagabond s’en va pianissimo.

Pas le choix

Tout droit la masse fonce à vitesse grand V
Moi j’aime la courbure et je suis réservé
Quant à cette blessure infligée à l’espace.
Sans nulle gravité, que l’inertie se passe !

En moto

Sous mon casque je chante un air de Veloso
Et le moteur s’emballe et je suis un oiseau,
Le paysage file avec sa lenteur vive.
Où que j’aille je suis, que la beauté s’ensuive !

De ce vert

C’était juste le vert tendre de ce jardin
Qui me réjouissait, corps allongé, près d’un
Saule pleureur. Le ciel avait la partie belle,
Et tu riais, faisant tournoyer ton ombrelle.

Au mur

Des plans à l’encre bleue tapissent les parois.
Le bureau métallique est vide. C’est le froid
Qui s’insinue partout. Je cherche dans la salle
Une trace de vie. L’heure est paradoxale.

Nos pas

L’éclat d’un mur de verre, une foule pressée
Cette petite fleur poussant dans un fossé,
Nos mains entrelacées qui oscillent légères,
Ici tout me transporte, aussi longtemps que j’erre…

Escalier

Les heures sont passées, j’en ai perdu le compte.
A-t-il donc une fin, l’escalier que je monte ?
En vain, sa pierre usée par des milliers de pas
Me laisse présager une issue qui n’est pas…

Prie-Dieu

Une trame s’étend sous la voûte romane,
Aux filaments ténus d’improbables arcanes.
Une femme à genoux sur un prie-Dieu la voit
Qui bouge dans l’espace au rythme de sa voix.