De ces rêves

Je fus du flot puissant des rêves d’une vie,
De ceux qui portent l’âme et passent les envies.
L’univers souriait à nos élans. L’ivresse
Envahissait les corps… puis vinrent les faiblesses.

Crayons de couleur

Je ressortis la boîte aux crayons de couleur,
Et les taillais avec le soin d’un rémouleur,
Puis je pris le carnet de croquis, la main sûre
À te dessiner, belle, avec ta chevelure.

Exorcisme

J’ouvre le grand portail pour qu’entre la lumière,
Il y a fort longtemps que règnent la poussière
Avec l’obscurité, dans le hangar déchu.
Se dissipent alors des visages crochus.

Faconde

De la verve enjouée d’un diseur de pays,
L’homme attirait les gens en cercle autour de lui,
Vantant sa marchandise à nulle autre pareille,
Il faisait déguster les nectars de ses treilles.

Tambours de guerre

J’entends les grands tambours de guerre qui résonnent
Et la chair et la pierre tremblent, s’abandonnent.
Ils en appellent tous aux dieux circonvenus.
Nous, nous restons debout, sous le ciel, tête nue.

Tourelle

Il fit belle tourelle avec du bois de chêne
Et fit grandir ainsi sa maison pour que vienne
Y loger un beau jour sa tendre dulcinée.
Son amour brûla tant qu’elle fut calcinée.

Palettes

Les palettes s’amassent, tas désordonnés,
Sur le béton noirci de l’aire abandonnée.
J’y vais de temps en temps pour écouter la brise
Au milieu des bois morts. Ainsi l’air s’amenuise.

Douce vie

Elle frémit, la peau luisante des étangs,
Sous la pluie grise et douce, amie qui va chantant.
La fertilité dort aux portes de la terre
Et le peuple menu demeure, élémentaire.

Le puits des fées

Vite vite le sang palpite sur vos tempes,
Un instant dévoilées par l’éclat de ma lampe
En cette galerie qui mène vers le puits
Des fées. Je vois enfin tout ce qui m’a séduit.

La source

La source murmura des paroles de fées…
Sans façon tu plongeas, la tête ébouriffée.
Puis ce fut la vision si fraîche, ravissante
Et ton rire pareil, dans l’onde transparente.

Corps serrés

Voluptueusement, mille lianes s’enroulent
Autour des corps serrés comme un fagot de goules
À l’orée des bois noirs. La lune se corrompt
Dans les flaques ridées, tout près des mousserons.

Galopade

Il était tout petit, galopant sur la lande
Il criait tous les noms des fleurs, comme une offrande
Et les nuages blancs courraient dans l’air léger.
J’étais ce vent, l’azur et le sang mélangés…

Le premier chant

J’envoie la graine ailée vers les terres fécondes
Et la pluie qui abreuve où le tonnerre gronde…
Ainsi monte le chant de la bergère amie,
Qu’il me plaît de croiser quand je suis endormi.

Galeries

La montagne est truffée de galeries obscures
Où jadis à l’abri mes ancêtres vécurent,
Où des glyphes étranges marquent les parois,
Vers d’antiques chemins d’avant les rouges croix.

Bleue

C’est cette brume bleue qui s’élève dans l’or
De l’aube rayonnante. Il fait si froid dehors
Et dans mon être aussi. Je ressens la morsure
Obligeante des dieux. La douleur me rassure.

De la couleur des anges

Des anges colorés voltigent autour d’elle
Et la lumière joue, candide sur leurs ailes.
À la croisée des mondes, il est encore temps,
Que je lui dise tout, mais je suis haletant.

De la cave

Je vivais au-dessus d’une cave fantôme,
Ou du moins c’était là mon angoisse de môme.
Au-dessous trottinaient des monstres souterrains
Qu’il me fallait combattre, en pleutre souverain.

Le vieux forestier

Eut-il maille à partir avec les farfadets,
Quand il partait le soir, perché sur son baudet ?
Je trouvai cette note au fond du secrétaire :
« Laisser ce soir un bol de lait posé à terre ».

Couteau

Il façonne la lame avec délicatesse
Et parfait le tranchant d’une simple caresse.
Un manche de cormier demande plus d’effort.
Fer et bois sont unis. Le couteau naît alors.

Notes endormies

J’ai retrouvé des partitions dans une caisse,
Un peu rongées par les souris, mais rien ne presse.
Car maintenant, pas un rongeur ne vit ici.
La maison dort et la poussière s’épaissit.

Place de mai

Je revois cette place aux pavés scintillants
Sous le soleil de mai, les fidèles bruyants
Du bar épanoui, attablés en terrasse
Et cet instant floral où tendre tu m’embrasses…

Le silence des oiseaux

C’est une approche sombre et j’avance à pas lents.
La lumière si glauque et les arbres tremblants
Me conduisent au fond d’un monde délétère
Où même les oiseaux finissent par se taire.

Près des dunes

Algue et sable s’entassent au pied des pilotis,
Sous la maison. Le vent maraude et ralentit.
J’attends la fin du jour qui éclaire la scène,
Espérant que les yeux de mon chat me surprennent…

Petite mine

 Sous ton regard battu, je te devine mal.
Tu vis ton dénuement comme un état normal,
Mais parfois tu souris, petit instant complice,
Une tienne couleur dans l’arc-en-ciel se glisse…

Rosée

Les surfaces cachées de l’herbe reverdissent
Où la rosée perlée laisse des traces lisses.
Impalpable poussière, au gré du vent tu viens
Te poser sur le bord de la feuille, pour rien.

Papier peint

Les muses de papier me froissent la blancheur
De l’aube et je m’étire, en quête de chaleur.
Les spectres anciens, sur la tapisserie
Glissent dans le néant. Le rêve se tarit.

Franchir

Vais-je franchir l’orée, les colonnes de pierre
Étrangement serrées dans un fouillis de lierre ?
À regarder le sol, je devine les cieux,
L’âme d’une dryade à l’envol silencieux.

Indigence

Je suis bouleversé, quand j’avise tes mains
Qui se tordent sans but (et quoi de plus humain?),
Tandis que ton discours semble trop monocorde,
Appris par cœur. Je bous. La misère déborde.

Passants

J’embrasse ou bien enlace en rêve les passants,
Cherchant dans les regards croisés quelques accents
D’humanité… mais point d’étincelle n’attire,
Au bout de la sortie, mon âme : tristes sires.

Des mots

Je suis un assembleur de mots hétéroclites,
Invétéré chineur de termes insolites
Et rapporte chez moi les trouvailles de-ci
De-là, collectionnant sur des pages noircies.

Égotique

Une heure à ressasser, les genoux me font mal.
La prière se tend, le doute est maximal.
Au sein du rituel, mon égo se tortille
Et résiste, agrippé à de  vaines vétilles…