Entraide

Elle a les yeux déserts. Avec ses airs de rien,
Il fait une oasis de ses yeux aériens.
De sa main retenue, ténu le sang palpite,
Un sourire fleurit, la peine enfin la quitte…

Chat penaud

Mimétique il se tient sur la poutre, perché
Comme un dieu égyptien, prêt à se pourlécher
Les babines quand vient une hirondelle lasse,
Et sitôt déconfit de rater cette chasse…

Guichet

À ce guichet j’attends interminablement.
L’hygiaphone est voilé par les halètements,
Je vieillis au milieu de cette humaine file
Et quand j’arrive au bout… le guichet s’annihile.

En cascade

Tout près de la cascade, assis sur un rocher,
Je fixe l’arc-en-ciel et ses gouttes cachées.
Je rêve que je compte une à une les gouttes
Et que le temps s’étire et que plus rien ne coûte…

Maints papiers

Le brouillon s’accumule en maints papiers épars.
De cet aléatoire-là, l’ouvrage part
Et la peine alentour, la joie aussi, volettent.
Attendre, le cœur calme et la plume muette…

Route, routine

L’ornière est assez large et j’y roule serein.
La liberté s’étend, devant, comme un refrain.
J’ignore, l’à-coté, l’ailleurs, la plaine immense
Et c’est réconfortant d’asservir mon errance.

Tournis

Le vertige est venu de lui-même, disert ,
Me donnant des images et se donnant des airs…
Tout tanguait, tout roulait, j’étais la proie des anges
Ou des démons, qui sait ? Même le chaos change.

La peur

La peur s’est abreuvée de nos incertitudes,
Attirant nos noirceurs, rongeant nos habitudes.
Où le cœur se cognait, la mort était dessus.
Aimer plus, aimer mieux… mais nous n’avons pas su.

Un sourire

Un sourire parfois, quand il jaillit de source,
Allume dans le ciel, tout près de la Grande Ourse
Une petite étoile aux reflets rouge sang…
Que mon ciel intérieur t’en soit reconnaissant !

Filer

Je vais dans la ruelle aux façades blanchies.
Des fastes de l’égo je me suis affranchi…
Dans ce rêve du moins. Je cherche ma déroute
À grands pas. La vitesse est pour les gens qui doutent.

Chair

La chair a des élans de cascade et d’orage
Et son chaos se perd dans l’océan de l’âge.
Indocile elle rompt les singularités,
Mais au-delà, toujours, émane la beauté.

IA

Cela n’a rien à voir. L’intelligence rue
D’être à ce point restreinte à sa portion congrue.
Le frémissant écho des anciennes ballades
Aura raison de vous, captieuse monade…

Dans les ombres

Cette bibliothèque a des portes cachées
Qu’on ouvre en déplaçant un volume broché
Dont le titre est « Visite au royaume des nombres »
Au-delà le temps coule et fluctue dans les ombres.

Des tas

Au-dessus du bureau, les papiers s’accumulent.
En procrastinateur, autour, je déambule.
Ou prédateur ou proie ? Je ne sais. Mon chat dort.
Les écrits sont d’argent…mais le silence est d’or !

Reflets

Pour ne pas retourner, les miroirs se retournent
Et l’image perdue dans les limbes séjourne.
Informe et las je suis de ces jeux réflectifs
Qui font la pensée vaine et l’égo putatif.

Au burin

La pierre était rétive et l’argile suait,
Qu’importe, j’étais ivre et je continuais
De frapper le grain tendre de la serpentine
Au burin. Vint la forme… et c’était une ruine.

D’un éden

Il y avait cet homme au milieu de la rue,
Curieusement rêveur, dans la folle cohue.
Sa façon toute à lui de se tenir, serein,
Suggérait qu’il était d’un éden, riverain.

Lune pâle

La lune pâle vient au secours de l’esquif,
Hésitant à glisser dans le marais, craintif.
L’île noire est là-bas, près des grandes massettes.
Au mitan de la nuit voltigent les roussettes.

Petit ange

Tant grouillent les démons entre les rochers gris
Qu’il sort son glaive, l’ange aux ailes rabougries,
Frissonnant dans l’espace entre ciel et noirceur,
Hésitant à chanter, futile intercesseur.

Transparence du bleu

J’avance sens dessus dessous, le ciel en bas.
De mes mains de mes pieds, indifférent, je bats
Quelque fluide bleu, merle, merlu, qu’importe
Et l’onde me sourit, qu’elle soit vive ou morte.

Sabots

J’entends le battement des sabots sur la plaine
Et mes pas sont si lourds… Je marche à perdre haleine.
Un peu de ma raison s’échappe devant moi.
J’ai peur de l’horizon comme de mon émoi.

Où je vais

Le labyrinthe vert me pousse où je ne veux,
Refuge relatif. Au-delà sont les cieux.
J’avance au temps présent. J’ai quitté mes chaussures
Et l’herbe sous mes pas, moelleuse, me rassure.

Application

Avec application, toujours elle essuyait
L’assiette qui bientôt sur les bords reluisait.
Elle me regardait ensuite, fièrement,
Comme si l’Univers y voyait un diamant.

Évident

Je dors dans un wagon vers des steppes sans fin,
Sur le pont d’un bateau que suivent des dauphins,
Dans un hamac étroit qui longtemps se balance,
Entre deux arbres liges. Tout est évidence…

Sens caché

Sur le tissu moiré, les motifs répétés
Semblent jouer sans fin. Je les fixe, hébété,
Qui flottent sur la trame et je vois au-dessous
Le sens caché des mots. Lui-même se dissout.

Causse

Je posai pied à terre, un peu désorienté,
Sur ce causse désert aux herbes enchantées
Je dépliai ma carte, un opportun secours
Devant l’immensité des secondes, des jours.

Timbres

Les timbres sur fond noir sont d’étranges fenêtres :
Où mon imaginaire va, passe mon être.
Interminablement, je les fixe, espérant
Par cet album me fondre entièrement dedans.

En gros

Sur son bureau gisait trois paires de lunettes,
Un sous-main de cuir noir, un porte-cigarettes,
Et sur l’éphéméride, on pouvait lire, en gros,
« Racheter du papier. Retourner au bistrot. »

Sans nom

Je l’ai vu sans le voir, près de son cabanon,
Fondu dans le décor, immobile, sans nom.
Je voulais lui parler, mais autour, la poussière,
Inventive, chantait des vérités premières.

D’eau vive

J’y reviendrai toujours, à ma source d’eau vive,
Aux longs frémissements, dans son bassin, lascive,
Où mes mains lentement cherchent le souvenir
D’Ophélie endormie ne cherchant plus à fuir.