Hantise

La cendre est encor chaude et j’y marche pied nu,
Le ciel tout déchiré de couleurs inconnues
Tend ses doigts décharnés vers la terre fumante.
Insane… Je vais bien. Juste un songe qui hante.

Voile

Je cherchais le visage estompé sous le voile.
Une larme coulait, mais les yeux, les étoiles
Étaient pudiquement dans un ailleurs, cachés.
La peine ou le bonheur ? Je n’ai pas pu trancher.

Ô collines

Ô collines aimées, joliettes rondeurs,
Qui tout autour paissez, blonde ou verte pudeur,
Sous le ciel azuré, forces élémentaires
Humaines sous nos pieds, vous êtes notre terre.

Sous couvert

Du tournesol, les têtes, flammèches dorées
Virevoltent d’azur et de terre enivrées,
Tu cours sous le couvert, petite perdrix grise,
En gloussant, dans ce temps des feuilles sous la brise.

Du dit

Ton slam coule en cailloux coruscants, acérés.
J’esquive les esquilles, mon cœur est serré.
C’est rare que je sois la proie des mots acides,
Assis devant toi, coi… nos âmes coïncident.

Rock and roll

Être assis comme un roc au bord de l’océan,
Sans que vague ou ressac n’ébranle ce géant,
C’est l’image qui fuit devant moi, qui m’échappe.
Un roc, on ne le poursuit pas… on le rattrape.

Portrait en bleu

En quelques traits à la peinture bleue, je vis
Sur le mur ton portrait, qui, simple, me ravit.
Chaque jour j’attendis, innocent que tu viennes…
Assis, transis, dessous… mais l’attente fut vaine.

À coups de poing

Le soleil tape à coups de poing sur le béret
Noir qui me tient lieu de cuirasse et de secret,
Mais l’air coulis plein de fraîcheur, me soigne et muse.
Entre la terre et le ciel j’erre et me diffuse…

Pendule

J’ai remis la pendule à l’heure de chez nous,
Sa carcasse de fer posée sur mes genoux.
Son battement m’émeut comme un cœur qui palpite,
Un pétale de moins, la pauvre marguerite.

Fleur de jasmin

Ce fut pour nous le thé de la tendre amertume,
Une fleur de jasmin, se dilatant, posthume,
Au milieu du liquide d’or que tu prisais.
Dans cette heure, le temps vainement s’épuisait.

Grillon

Cette touche carmin sur tes paupières closes
Est gardienne menue de tes rêves en prose.
Et pourtant moi, grillon, dans le creux de ta main,
Stridule doucement, pressé d’être à demain.

Comme un tambour

Elle est Colère et son cœur bat comme un tambour
Dans les rues, les ruelles noires du faubourg.
Son pas résonne et les murs un à un s’écroulent.
Sous les yeux ronds, effarés, veules de la foule.

La porte

La femme aux poings meurtris sur la charpente cogne
En repoussant l’esprit qui sournoisement grogne.
Un instant le silence étale son dépit.
Tout va recommencer, aller de mal en pis.

Quartier d’hiver

La brume sort du fleuve en serpent langoureux,
Fétide, remontant les ruelles des gueux.
C’est Londres un soir d’hiver. Limehouse suinte.
Une femme et sa fille, en une longue étreinte…

Sous les toits

Sous les voliges, l’eau sourd en petites gouttes,
En flic-flac dans un bac pour les recueillir toutes.
À côté mon chat dort sans se soucier de l’eau.
Sans doute rêve-t-il de souris, de mulots…

Un parfum

J’ai suivi ta déroute en pèlerin retors
N’ayant pas su t’aimer quand tu aimais encor.
Le thé fume devant tes mains fines qui tremblent.
Y a-t-il un parfum qui soudain nous rassemble ?

Orbite

J’orbite autour de la planète infiniment,
Foulant léger le velours noir du firmament.
Le vide aimant me circonvient. Je vais trop vite
Et ma chair se métamorphose en monolithe…

Aux corolles

Elles ont tant à dire, à dire et à aimer,
Ces corolles ténues qui toujours m’ont charmé.
Flottant sur leur fragile tige, elles caressent,
Autant la douce main que celle qui les blesse.

Haleine

L’haleine rauque du molosse m’a fait peur,
Je suis ainsi soudain sortir de ma torpeur.
Le cœur battant, dans la nuit blanche, je détale
Espérant une lutte pas trop inégale…

Papier las

Longue est la nuit, courte est la vie, vaine est l’attente,
Ainsi les pages sont tournées, exténuantes,
Un pli parfois pour se dire d’y revenir,
Mais la blancheur du livre ne peut que jaunir.

Débonder

Il se peut que, levant la tête, un coin de ciel
Lâche la bonde en un torrent continuel.
Se laver ainsi des cauchemars qui me hantent
Augure bien de ces vraies joies insignifiantes…

De visu

L’espace autour de moi se plie, crépusculaire,
Un à un les vaisseaux poursuivent sur leur aire,
Immenses, menaçants, meute affamée d’humains.
Papa ne me croit pas. Je ne suis qu’un gamin.

Main basse

J’ai fait main basse sur l’azur et le néant
Pensant refermer le stigmate qui, béant,
Laisse jaillir, dans ma langueur, le sang, les larmes.
Je n’ai guéri que lorsque j’ai mis bas les armes.

Habitus

Le secret, le remords des paroles non-dites,
Un peu d’hypocrisie tout autour qui s’agite,
Édulcorent l’absence crue des sentiments.
La peine se fait corps. Je te mens, tu me mens.

À liquider

Je ruisselle et me brise en fragments inouïs,
Particules ténues, furtives, enfouies
Dans la terre moussue de la forêt première.
Être moi me façonne une vie traversière.

Tuyaux

Que de tuyaux courant le long des murs, réseau
De plastique ou métal ! Là se perche un oiseau
Parfois, pépiant, joyeux dans cet univers fleuve
Où des fluides lourds de technique se meuvent.

Signal

Le signal se propage au gré de la douleur
Dans l’aube aseptisée qui prohibe la peur.
Je hais le grondement des machines féroces…
Sur les rochers, la vie, la tempête me drossent.

Iode lasse

L’été là-bas, l’hiver qui bat, le temps qui passe,
Aux nues, le nez hume l’odeur de l’iode lasse
Et les mains fouillent sable et mer d’un désir cru
De coquillages déposés par la décrue.

Arcades, arcane

Les arcades blanchies par le soleil d’hiver
Défilent sous mes yeux. Soudain vous venez vers
Moi, souriante, émue, vous me tendez les bras…
Je ne sais qui vous êtes et suis dans l’embarras.

Dune

C’est la bibliothèque aux murs de briques jaunes
Assise sur la dune, immuable, elle trône.
Un vain sable se lance et ronge tout autour…
Entre le sable et moi, ce même désamour.