vendredi 31 mai 2024

Pas léger

Le plancher de ma chambre est d’une platitude !
Impossible avec lui d’échanger. D’habitude,
Il grince quand je passe. Or, ce soir, pas un bruit,
Serais-je aussi léger qu’un fantôme à minuit ?

jeudi 30 mai 2024

Ver

Le ver de terre dort, la taupe se désole,
Elle le repère au bruit qu’il fait quand il bricole
Et peint ses galeries de mucus enjoué.
Le vers de terre dort. C’est un être doué.

mercredi 29 mai 2024

Indécise

La mine irrésolue, le geste qui s’étend,
Tu déroules ta vie, barque sur un étang,
Princesse au fil de l’eau, sans royaume, sans rames
Et, la laissant filer, les rides font le drame…

mardi 28 mai 2024

Milieu

Chemin faisant, la nuit levait l’armée des ombres,
Et je marchais recru, défait, la mine sombre,
Oubliant jusqu’au nom des routes et des lieux.
Je n’avais pas trouvé le chemin du milieu…

lundi 27 mai 2024

Vestibule

Je me retrouve seul dans l’étroit vestibule,
Au mur, le papier peint, dans ma frayeur, ondule,
Et ses lianes brunies cherchent à me saisir…
Au-delà de l’entrée se cache le plaisir.

dimanche 26 mai 2024

Plongée

Ce monde a la rondeur subtile du néant,
Je m’y suis enfoncé comme dans l’océan,
Sans air, mais dans un temps singulier, immobile,
Les méduses sont là, palpitantes, fragiles.

samedi 25 mai 2024

Au détour

Je titubais, transi, dans la foule sans rênes,
Essayant d’éviter l’odieux chant des sirènes,
Et votre face pâle, au détour d’un pilier,
Fit que je restait coi, tandis que vous hurliez.

vendredi 24 mai 2024

À la peine

Rue des pénitents gris, j’ai gravi, lent, les marches
En quête d’un navire singulier, d’une arche,
Élevant mon corps las, sans la moindre vigueur,
Hors des palpitations sauvages de mon cœur.

jeudi 23 mai 2024

Foulard de soie

Ce foulard de soie bleue fluide comme une eau
Couvrait si joliment tes épaules quand nos
Mains le firent glisser, adorable cascade,
Et la caresse fit plus d’effet qu’une aubade…

mercredi 22 mai 2024

Conditionnel

J’aurais pu, j’aurais dû, le conditionnel brûle
Un à un mes vaisseaux de paille ridicules.
Alors la mer immense et profonde m’étreint,
Les baleines perdues pleurent leur chant serein.

mardi 21 mai 2024

De papier

Ma maison de papier cahote, sur le sable,
En tous points tatouée de mille mots pendables,
Et j’y vis, dans l’oisive tranche de mon temps,
Derrière un éventail, cachant mon cœur battant.

lundi 20 mai 2024

Diapos

J’ai repassé tout un lot de diapositives
Et laissé ma mémoire aller à la dérive,
Interrogeant tous ces visages que j’aimais…
Pas un n’a répondu. Le silence. À jamais.

dimanche 19 mai 2024

Béton

Le béton gris des murs aveugles me fascine
Et de plus près, de quelque façon, je devine
Un sens occulte à l’agencement de ses grains,
Me révélant, sans âme, tout ce que je crains…

samedi 18 mai 2024

Labour

Quand je traversais le labour, le sol me dit
Soudain de faire demi-tour. Abasourdi,
Je vis les sillons autrement : des plaies béantes
Éreintant ma terre crûment, pour quelque rente.

vendredi 17 mai 2024

Sous le soleil

Sous les rais de soleil, je m’étale, docile,
Oubliant jusqu’à la seconde difficile
Où ton silence emplit l’été jusqu’à l’hiver,
Mais maintenant la vie renaît. J’écris des vers.

jeudi 16 mai 2024

Rhizomes

Au pied du noir donjon, les rhizomes d’orties
Souterrainement font des entrées, des sorties
Sans craindre les moellons épais de roche altière.
La vie a toujours su comment percer la pierre.

mercredi 15 mai 2024

Louange

Quand la louange vint, telle une résurgence
Après un chemin noir, un flot de transparence
Où les mots scintillaient comme des gouttes d’eau,
D’évidence la joie remplaça le fardeau.

mardi 14 mai 2024

Salle de garde

Les rideaux cachent mal la lumière blafarde
Insinuant des rais, dans la salle de garde
Où je suis allongé, d’avoir trop guerroyé.
Les armes sont ternies, la triste chair ployée.

lundi 13 mai 2024

Basse tension

Tout se tend, tout se tord sous les forces contraires
Avec cette impossible marche du mystère…
Exalté, dans le pré je m’élance pieds nus,
Le nez vers le zénith, bien au-delà des nues.

dimanche 12 mai 2024

Antenne

L’antenne déployée singulièrement songe
À tout ce qu’elle émet, ces relents de mensonge
Et son métal essaie dans le vent de chanter
Ce que le ciel plus haut verse de vérité.

samedi 11 mai 2024

Outre-geôle

Y dorment plus de livres que de détenus,
Dans cette geôle noire où je suis parvenu.
Tant de pages amies me soufflent des sésames
Éparpillant les murs qui étouffent mon âme.

vendredi 10 mai 2024

Peur de l’eau

C’est un jour de mousson, les averses crépitent,
Arrogantes, sur la toiture d’éverite.
Un livre s’est blotti sous un vieil abat-jour
De peur que l’eau ne vienne abîmer ses atours.

jeudi 9 mai 2024

Flacon

Le flacon ne dit pas qu’amère est la liqueur
Qui coule goutte à goutte, en imprégnant le cœur,
Qu’il laisse au fond de soi le goût de la défaite
Et pousse tout autant vers l’ombre de la fête.

mercredi 8 mai 2024

Songe noir

La traque bat son plein (suis-je chasseur ou proie ?)
La fin du jour me point, je suis vêtu d’effroi,
J’avance, pieds sanglants, des lames d’air me cinglent,
Ego me flagellant, dans un sarrau d’épingles…

mardi 7 mai 2024

Voie incertaine

J’avance, étonnamment, poursuivant tes brisées,
Vacillant, mais debout, sous le ciel écrasé,
Cherchant coûte que coûte à semer l’espérance
Afin d’aller, serein, tirer ma révérence.

lundi 6 mai 2024

Supplément d’âme

En roulant ce jour-là, l’entour prit consistance,
Et ce faisant, le monde entier fut dans la danse,
Oiseau, caillou, poussière, insecte, et l’air léger,
Tout était dans le vrai… mon âme en fut changée.

dimanche 5 mai 2024

Do

Des notes enfilées comme des perles rares,
Il n’en faudrait garder, que peu, de sa guitare,
Ainsi cette dernière, un jour gris de fado,
Qui battait comme un cœur… on la disait un do.

samedi 4 mai 2024

Halte-là

C’était le terminus, le havre tant voulu,
Dans l’océan des jours, la planche de salut.
La fée qui me reçut brandit une baguette
Et me fit écureuil… je vis ses yeux noisette.

vendredi 3 mai 2024

Les bouches du chemin

Bordé de soupiraux, le chemin me fascine.
Ils ont le bord étroit des bouches assassines.
En hiver, ils exhalent des airs pestilents,
Parfois un chat terreux s’en échappe en hurlant.

jeudi 2 mai 2024

Filet

Je me sentais réseau, lignes et points mêlés,
Réparti dans l’espace-temps, comme étalé,
N’ayant pas de milieu, de symétrie, de centre,
Et la vie palpitait, suave, charnelle… entre.

mercredi 1 mai 2024

Qui-vive

Je m’assois sur un banc, la pose silencieuse,
À contempler les gens, dans cette vue oiseuse,
Accrochés du regard aux funestes écrans…
La vie se manifeste ailleurs, c’est effarant.

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