dimanche 30 juin 2024

Nef sauvage

La brume sur le lac sournoisement s’étale,
Imitant le charroi lourd de la cathédrale.
Ici pas de travée, pas d’autel, pas d’écho.
Silence et profondeur font les ors cléricaux.

samedi 29 juin 2024

La feuille de l’ange

L’ange a laissé la tasse blanche se teinter
De la lente agonie d’une feuille de thé.
Que l’amertume ou non des larmes se propage,
Il ne reste plus rien… qu’un mot sur une page ?

vendredi 28 juin 2024

Eurythmique

Un geste, une pensée, l’un et l’autre s’enchaînent,
Et, la musique aidant, s’évapore la haine.
Alors la danse naît, coule, s’épanouit…
Se libérer ainsi de ce qui est enfoui.

jeudi 27 juin 2024

Mal de bordure

Dedans l’alcôve douce, un peu geôle, un peu nid,
Dehors, tout l’univers, du vertige au déni…
Trop souvent je succombe à ce mal de bordure,
Empêtré que je suis à chercher ce qui dure…

mercredi 26 juin 2024

Foulées félines

Pourquoi les pas feutrés des chats sont des mystères,
Arpentent-ils ainsi les lignes de la Terre
Afin de refermer les failles du Shéol ?
Ou est-ce un pas de danse avant le grand envol ?

mardi 25 juin 2024

Engluées

Oui, de vous, je suis las de ces rodomontades
Articulées autour des écrans, des façades,
Engluées dans la toile vaine des on-dit.
Puissiez-vous ranimer le bon sens engourdi !

lundi 24 juin 2024

Dans la jungle

Fasciné par les cris de la jungle, je reste,
Entre deux souffles courts, une bête modeste,
Apeurée, qui répond aux étranges désirs
Dont nul ne peut, vivant ici, se dessaisir.

dimanche 23 juin 2024

Le fond du cœur

« Je n’irai nulle part si loin qu’au fond du cœur. »
Cet adage vieillot me serinait, moqueur,
Face à la vacuité de ma propre existence.
Et pourtant, vide et cœur forçaient la ressemblance…

samedi 22 juin 2024

Les signes

Je vis le brin de laine à la branche noué
Sur la sente secrète où j’aimais tant jouer.
Puis d’autres se laissèrent voir, comme une invite
À rejoindre moi seul les dryades proscrites.

vendredi 21 juin 2024

Scellée

Je scelle la missive avec la cire chaude,
En y pressant la tête de mon émeraude,
Aux vert et sang mêlés vit l’éphémère instant.
Cette lettre est à toi que j’aime et j’aimais tant.

jeudi 20 juin 2024

Taupes

Partout des galeries souterraines progressent
Irradiant de douleur la terre enchanteresse,
À la recherche vaine d’or et de diamants.
Les taupes vont soigner la terre, patiemment.

mercredi 19 juin 2024

Pomme de terre

Minuscule est le fruit de la pomme de terre
Et rare, avec sa robe glauque et son mystère.
Il peut donner la vie tout autant que la mort,
La plante est ce qu’elle est, sans l’ombre d’un remords.

mardi 18 juin 2024

Cohorte

L’ancienne voie romaine a des pavés enfouis
Sous le bitume noir. Le temps s’évanouit.
J’imagine sans peine un autre paysage :
Une cohorte lasse avance, d’un autre âge.

lundi 17 juin 2024

Cailloux

Les cailloux me font mal sous mes semelles fines,
Il faut que je m’éloigne au plus tôt de ces ruines,
Elles rongent mon corps autant que ma raison.
Vision de l’avenir ? Serait-ce la maison ?

dimanche 16 juin 2024

Le temps se plie

C’était avant, c’était après, comment saurais-je ?
Un an se plie comme un drapé de fine neige…
Et quand l’hiver trop longtemps dure, on oublie l’or
Du soleil chaud sur la peau crue puis l’on s’endort.

samedi 15 juin 2024

Obsidienne

Le thé de jade infuse et sa rondeur se moire.
À côté, menaçante, une obsidienne noire
Agrippe trop souvent la lueur de tes yeux.
Je verse… passe ainsi le moment périlleux.

vendredi 14 juin 2024

Éperdu

Les instants vrais ou faux se cognent, se bousculent,
Offrant quelque délai dans mes choix ridicules.
L’alouette là-haut, vive, chante son dû,
Grisolant dans l’azur, son bonheur éperdu.

jeudi 13 juin 2024

Les tiroirs

Les briques des hauts murs du labyrinthe sont
Des tiroirs à secret gravés d’un écusson,
Différent pour chacun. Le contenu se cache
Inviolé dans le creux… Que jamais nul ne sache.

mercredi 12 juin 2024

D’une rive

Nous restâmes longtemps assis sur le rivage,
À regarder le flot de la rivière sage
Enchantant le silence, alors, pareillement
De la première étoile et du noir firmament.

mardi 11 juin 2024

Où va le souffle ?

Le travail peu à peu se fond dans l’univers
Quand l’intention s’efface ou se perd à travers…
Ma joie d’être s’emballe. Ô combien se dénude
Alors la vérité ! Mon souffle est gratitude.

lundi 10 juin 2024

Brun

Le vent s’est emparé d’un drapeau sans couleur
Flottant au bout d’un mat, dans un jardin sans fleur.
Puis il s’est acharné sur les tristes figures…
Au fond des yeux le brun semblait le seul augure.

dimanche 9 juin 2024

Mots de sable

Il allait à la plage et du bout de sa canne
Écrivait quelques vers sur la rive océane,
Ainsi le flot montant aurait tout effacé
De son poème quand il serait repassé…

samedi 8 juin 2024

Errants

La folie s’était emparée de mes compères
À l’orée du taillis qui couvrait l’ossuaire.
Ils tenaient à la main leur téléphone-écran,
Ne devinant pas l’ombre insane des errants…

vendredi 7 juin 2024

Entrée

Je lissai de la main ma chemise pouilleuse
Afin de lui donner une apparence heureuse
Et rentrai dans le hall aux parois décorées.
Le poison du mépris coulait dans l’air doré.

jeudi 6 juin 2024

Visions

Quelques visions d’antan, dans les ombres me viennent,
Un sourire perdu, des reflets d’obsidienne,
Un foulard qui s’envole, triste, aux vents marauds.
Mon destin se complaît aux cartes du Tarot.

mercredi 5 juin 2024

Fidèle

Un pied de myosotis sauvage est apparu,
Dans ce coin de jardin, cher à mes disparus.
Je suis resté longtemps, agenouillé dans l’herbe,
À chuchoter aux fleurs… cinq pétales superbes.

mardi 4 juin 2024

Fanal

Aux confins de l’espace lent de ma conscience,
Un fanal ancien tremblote et se balance,
Est-ce un signal d’alerte, une invite à venir ?
Je vais laisser le temps faire, me racornir.

lundi 3 juin 2024

Terreau

Le tissu qui se tend, fait d’ombre et de lumière,
Enveloppe, élégant, la grâce singulière
Où l’ordre du chaos, tangible, se nourrit.
Nous sommes le terreau d’un parterre fleuri.

dimanche 2 juin 2024

Ruisseau

Je rêve d’un ruisseau dont l’eau fraîche babille,
Un jour de fin d’été, quand tu te déshabilles
En riant sous le dais des grands saules pleureurs.
Le vent se joue de nous. Volage est le bonheur.

samedi 1 juin 2024

Reflux

La chaleur de ma peau s’en va, fuite spectrale,
Au loin, vers la coupole de la cathédrale
Où les anges lassés laissent venir le flot
Sans ciller d’un duvet. Mon être est bien falot.

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