Je n’ai pas prolongé le compte de mes nuits
Qu’elles passent ainsi, dans le plus fade ennui !
L’eau lasse du Léthé, noire et lente, s’écoule
Où je trempe mes mains, sous le flot qui s’enroule.
samedi 31 août 2024
Léthé
vendredi 30 août 2024
Loin
J’ai des velléités de routes inconnues,
De folles escalades faites à mains nues,
De voiles de soie bleue qui doucement faseyent,
À l’horizon perdu, de sampans qui sommeillent…
jeudi 29 août 2024
La valise
La valise est ouverte au bord de la piscine,
(Une porte d’entrée sur une vie badine)
Où est passé l’humain ? Peut-être a-t-il franchi
Le portail, au-delà du fond bleu défraîchi ?
mercredi 28 août 2024
Île
L’île est née ce matin, surgie de l’insondable,
Et moi, vague oubliée, qui vient frôler le sable,
En goûtant la noirceur des basaltes, je tue
Mon désir d’être, au fil de la plage pentue.
mardi 27 août 2024
Lierre
À quelques millimètres près, j’ai vu la forme singulière
Émerger de la fine pierre, entre la sculpture et le lierre.
Ainsi l’arcane dévoilé d’un sourire longtemps déchu,
Réenchanta cette clairière au grand dam du lierre crochu.
lundi 26 août 2024
Guerre
J’entends le son cruel des grands tambours de guerre,
Et les peuples s’en vont dans la rage grégaire,
Oubliant ce qui fait leur part d’humanité,
Faut-il donc se noyer dans cette indignité ?
dimanche 25 août 2024
Tout passe
À trois pas de côté, j’ai chu dans la rigole,
Un flot noir y courrait comme une farandole,
Les horreurs de la ville étaient noyées dedans.
L’ivresse a du mérite… on n’est pas regardant.
samedi 24 août 2024
Bastringue
La mélodie sortait d’un vil piano bastringue,
Avec un chat posé, comme un paquet de fringues
Au-dessus du clavier. La pianiste jouait,
Le matou miaulait comme s’il la rabrouait…
vendredi 23 août 2024
Cartes sur table
L’espace est envahi de mots inconsistants,
Qui se déposent, pleins de leur poison latent,
Je vais quitter la place inique, irrespirable,
À force de ne pas mettre cartes sur table.
jeudi 22 août 2024
Ombre chaude
Du lierre et du tilleul, les corps entrelacés
Dans une étreinte lente aux frôlements lassés,
Je n’ai vu que l’instant, dans l’ombre verte et chaude,
Où, frêle, tu lanças ta robe, un peu faraude.
mercredi 21 août 2024
Holà, là-haut !
Que nos âmes tannées retrouvent la souplesse
Aux vents qui décoiffaient nos années de jeunesse,
Au sourire retors de la Mort je réponds :
« Holà, tout doucement, quant à passer le pont ! »
mardi 20 août 2024
En descente
La route file sous mes roues, comme une chute,
À toute allure, et seul le vent tente une lutte,
Aux freins je confie mon destin, juste un clin d’œil
À la montagne minérale sans orgueil !
lundi 19 août 2024
Présente ligne
Jamais je n’ai tracé de ma plume une droite
À l’encre noire intense, et cependant étroite,
Isolant simplement deux zones du papier.
Avant, après : la ligne m’a fait perdre pied.
dimanche 18 août 2024
Dernière neige
La neige s’est cachée dans l’ombre d’un rocher,
Là-haut, juste au-dessus des estives, tachée
Par les effritements des aplombs de granite.
Au-dessous, dans la neste, insouciante, une truite…
samedi 17 août 2024
Au plus profond
La chaleur à l’assaut des murs est insistante.
Elle est passe-muraille, invinciblement lente
Et je suis obligé d’aller au plus profond
D’une crypte sans âge où jamais rien ne fond.
vendredi 16 août 2024
La routine
Combien grande est la force au cœur de la routine,
Alliée fidèle par tous temps, bénédictine,
Elle me guide silencieuse, à chaque pas,
Moi qui n’ai pas le choix, de naître ou n’être pas.
jeudi 15 août 2024
De ce ciel
Combien de temps faut-il rester devant ce ciel
Pour être plein de sa beauté, son bleu pastel ?
L’égo résiste à se vider pour laisser place
À cette immensité ténue. Rien ne le lasse.
mercredi 14 août 2024
Ostéopathe
L’ostéopathe a pris le temps d’examiner,
De toucher, de sentir les tensions concernées.
Par la voie de ses mains, ma peine s’est défaite.
Encore un peu, la vie s’est remise à la fête.
mardi 13 août 2024
Vieille planche
Je caresse les fibres du bois dans l’instant
Cette planche de chêne a plus de cinquante ans,
Je devine la scie, la cicatrice brute…
En forêt, n’oublie pas le moment de sa chute.
lundi 12 août 2024
Noire tasse
La tasse en porcelaine de Limoges, noire
A des airs de bayou, de lune, vibratoires.
Au fond le café stagne avec sérénité.
Je veux pas troubler ce temps de vacuité.
dimanche 11 août 2024
Les petits sabots
J’ai bien affûté cette gouge de Grand-père,
Avec laquelle il fit des choses singulières,
Ainsi ces deux sabots qu’il laissait au-dehors
Aux lutins ! Disait-il… Je le revois encor…
samedi 10 août 2024
Pleine peine
Je ne peux oublier les jours de pleine peine,
Quand même le bonheur s’enfuit à perdre haleine,
Et qu’on ne comprend rien au passage du temps.
Pourquoi ces souvenirs sont aussi persistants ?
vendredi 9 août 2024
Étiquettes
De la cave au grenier, dans la maison d’été,
Toutes les choses sont dûment étiquetées.
Chaque phrase est écrite avec un trait de plume,
Une histoire éclatée dans les objets… posthume.
jeudi 8 août 2024
Vain tissu
Ma lassitude ? Un chat, tapis dans un coin d’ombre,
Attendant que je baisse un peu ma garde et sombre,
Un félin qui déchire méthodiquement,
Le tissu de ma vie, ce vain lamé qui ment.
mercredi 7 août 2024
Assourdissant silence
J’eusse voulu briller dans l’art de l’oraison,
Ma logique est rétive à cette inclinaison,
Mais j’escomptais de l’heure pleine de silence,
Hélas un bataillon d’idées toujours s’y lance.
mardi 6 août 2024
Équipées
Aux miennes équipées, je n’ai donné de nom,
(Le temps se chargera de les bannir ou non)
Mais dedans maintes gens valent qu’on se souvienne…
Au fil des ans je prie pour que mon encre tienne.
lundi 5 août 2024
Chambre bleue
La chambre est bleue comme une lagune océane,
Et la femme alitée, sous son masque diaphane,
Imagine nager dans l’eau des profondeurs.
Pour elle je ne suis qu’un poisson maraudeur.
dimanche 4 août 2024
Exultation
Le cœur s’emballe et l’oxygène se répand,
Le corps exulte sans une once de dopant.
Sous le soleil ravi la bicyclette file
Et j’y suis accordé, dans ce temps immobile.
samedi 3 août 2024
Vol d’aubade
Le monde s’harmonise autour d’une fenêtre
Ouverte. Je vais m’éveiller et puis renaître.
Une aubade s’envole avec un martinet,
Vite il me faut noter cela dans un carnet.
vendredi 2 août 2024
Officier civil
Avec son encre noire et sa plume d’acier,
Ses registres ouverts, tel un vil créancier,
Il paraphait, gourmand, les décès, les naissances…
Au mariage il donnait, malgré tout, préséance.
jeudi 1 août 2024
Antidote
Rien ne la distinguait du reste des passants
Son petit air frondeur, peut-être, ou agaçant.
Je fis le premier pas, lui demandait de l’aide,
À la déréliction me trouver un remède…