L’or indéterminé du silence m’endigue
À l’issue des paroles que tu me prodigues.
Est-ce un moment perdu ? L’interstice fécond ?
Nos yeux se sont trouvés. Comme nos mains. Trinquons !
jeudi 31 octobre 2024
À ta santé !
mercredi 30 octobre 2024
Coffret
C’est un petit coffret, sans doute de noyer,
Satiné, les bords vifs, joliment travaillé.
Qui recèle de vieux documents de famille,
Un peu comme un cerneau gisant dans sa coquille.
mardi 29 octobre 2024
Halage
Immobile, l’eau verte du canal s’étend,
Répandant tout autour un silence inquiétant.
Je déambule au long du chemin de halage,
Où court l’amont, l’aval ? L’eau même est un mirage.
lundi 28 octobre 2024
Zone de biens
L’entrepôt gris se tient au milieu d’une zone
Aussi grise que lui. Je ne vois qu’une faune :
Autour, dressés à mordre, en patrouille, deux chiens
Qui aboient dans un pathétique va-et-vient.
dimanche 27 octobre 2024
Moiteur
Un feutre sale occupe un coin du vieux bureau,
Le ventilo zonzonne et ce n’est pas de trop.
Lui s’est carapaté, sans doute dans la cave,
En quête de fraîcheur, d’alcool. Ô mort suave.
samedi 26 octobre 2024
Coulée
L’ordinaire coulée des jours s’étale lente,
En unissant les eaux contraires, ruisselantes.
À côté, l’inconnu se distingue charmeur
Par ses lumières, ses ténèbres, ses rumeurs…
vendredi 25 octobre 2024
Tout est dit
Cela revient, les rires, les palpitations,
Quand les regards se croisent, l’élan des passions,
La beauté. Tout est dit. Le silence nous aime.
Un plein de vie, de mort, c’est du pareil au même.
jeudi 24 octobre 2024
En pluie
La prairie s’est courbée sous le vent qui froufroute
Une rainette au bord flûte un air. Une goutte
Effleure l’épillet d’un pâturin ténu.
La mélodie de l’eau touche le continu.
mercredi 23 octobre 2024
Tchernobyl
Un grillage imposant sépare les deux mondes.
Ici, c’est le désert, là le gibier abonde,
Ici les hommes crèvent, là pas un ne vit.
Le Paradis se forme où l’atome sévit.
mardi 22 octobre 2024
Oniriques sous-bois
En rêve, je déplie des cartes et des plans,
Cherchant du bout des doigts les chemins les plus lents.
Je navigue dans des sous-bois hyperboliques,
Effleuré par les corps de bêtes fantastiques.
lundi 21 octobre 2024
Colline
Je passe en bicyclette au pied de la colline
Étrange, singulière, avec sa tour en ruine.
À chaque tour de roue remonte le passé,
J’imagine les os, les armes entassées.
dimanche 20 octobre 2024
Où es-tu ?
Je parcourus les flots épars des mers de Chine,
En maraudeur, à bord de jonques assassines,
Une lune gibbeuse, immobile, saignait.
Je ne te vis jamais. Les requins ondoyaient…
samedi 19 octobre 2024
Chavirement
Devant moi, les remous d’un bateau qui chavire
Accompagnent mon âme aux cales du navire
Où se tordent les flots dans les trois dimensions.
La quatrième joue le jeu de la scansion.
vendredi 18 octobre 2024
Aquarium
Le poisson rouge a des envies d’océan bleu,
Mais son bocal est horriblement frauduleux,
De par sa transparence et sa rondeur de globe…
Rien ne l’empêchera de finir claustrophobe.
jeudi 17 octobre 2024
Anthologique
C’est une anthologie, disait la couverture.
Au fil des pages ainsi je lisais l’écriture
Informe, éparpillée, sans consistance, imbue
De vaines prétentions… d’anthologie ? L’abus.
mercredi 16 octobre 2024
Sédimentation
L’esquif enseveli dans les boues du passé
Tant me dit les amours, les voyages lassés
Que la boue se durcit sous mes gestes fébriles…
Et plus rien ne sépare un continent d’une île.
mardi 15 octobre 2024
Maître Chat
Juste fut le seul mot qui me vint à l’esprit
Quand le vieux Maître Chat tranquillement repris
Sa marche indifférente et légère vers moi.
La vie ne nous laissait que de simples émois.
lundi 14 octobre 2024
Ombre et lame
Mon ombre s’est brisée sur le fil d’une lame,
À la fin de la danse, à la dernière gamme
Et je me suis tenu, debout, sans respirer,
Cherchant mon être, vain, fragile, déchiré.
dimanche 13 octobre 2024
Pensées de nuit
Les songes de ces nuits m’alourdissent les ailes,
Et me glacent le cœur. Je vois dans la ruelle
Un peu de temps mourir. Tes cheveux sont défaits.
J’aime ton souffle lent, et la cause et l’effet.
samedi 12 octobre 2024
Genoux
J’avais, de tes genoux, des souvenirs sucrés
De farandoles folles, de cauris nacrés,
Les frégates criaient ivres de coquillages
Et je te poursuivais, poisson dans ton sillage.
vendredi 11 octobre 2024
Arboricole
Le singe a des frissons dans cette nuit sanguine,
Il tremble en s’agrippant, retroussant ses babines,
Encore suspendu dans le manguier géant.
Les braconniers sont là, pourvoyeurs de néant.
jeudi 10 octobre 2024
Idées vagues
S’allongent les idées puis vidées se retirent,
En vagues océanes (tant de choses à dire) ;
Épuisé je m’étends sur le sable des mots,
Je me perds dans les interstices minimaux.
mercredi 9 octobre 2024
Aurifère
L’eau file sur les pierres, en lame transparente
Où, pieds nus, tu te tiens, tu cries et tu inventes
À ta manière l’or qui jadis était là…
Mais non, la moindre goutte est d’un plus bel éclat !
mardi 8 octobre 2024
Éclose
Tu t’agites et tu geins dans cette geôle aride,
Alors que les années te burinent de rides.
Une fleur lentement, sur la muraille, éclot.
Elle n’est pas encor peinte sur ton tableau.
lundi 7 octobre 2024
Débord
J’entends le flot terreux qui dévale la pente
En gros bouillons cruels, mordant la terre aimante.
En bas, le ruisselet devient ruisseau, rivière,
Il déborde, il s’épand, dans sa hâte ordurière.
dimanche 6 octobre 2024
Asphodèle
J’ai vissé l’appareil photo sur le trépied,
Patientant tout le jour s’il le faut, pour épier
Ce fugace moment du pollen qui s’évade
En nuages dorés : l’asphodèle parade.
samedi 5 octobre 2024
Sang dessus dessous
Un ascenseur qui monte, un autre qui descend,
Je suis devant la porte à me tourner les sangs.
Tu es sans doute là, tel un oiseau en cage…
Et moi sur le palier qui ne sais, qui enrage !
vendredi 4 octobre 2024
En salle
Le velours cramoisi des fauteuils se fait tendre
Et dans l’un d’eux je tombe comme un tas de cendres,
À peine brasillant sous le feu de l’écran.
Le film a des longueurs : la mort au plus offrant.
jeudi 3 octobre 2024
Heures
La peine et le plaisir, pareillement, pieds nus,
Sur l’asphalte glacé d’une ville inconnue,
S’entremêlent sans fin. Je poursuis mon errance
Et fuis devant ces heures, leur inélégance.
mercredi 2 octobre 2024
Geste et rime
Ce poème était lu dans la langue des signes
Y compris cet instant du retour à la ligne
Où la rime filait en d’autres dimensions.
Tes mains jouaient dans l’air… si belle traduction !
mardi 1 octobre 2024
Nos touches
De ce piano faut-il qu’elles soient blanches, noires
Et qu’ainsi je choisisse ou l’ébène ou l’ivoire ?
Un air prend la mesure et donne le tempo,
Nous conduit à danser ma peau contre ta peau.