Héroïque

Et ma dette là-bas sera longue et vorace,
Où le chêne au feuillage vert aura, sans grâce,
Un mauvais faune, amer, dans une cavité,
Las, mohican vaincu par sa longévité.

Régie

Mille pavés ne font pas une grande route
Et la mort en passant, qui jamais n’a de doute,
Orne, aveugle, nos pas d’un décompte précis.
Elle archive gaiement nos chemins. C’est ainsi.

Relais

Au mauvais temps, hargneux, je cède la parole,
Ainsi j’indique à tous la direction d’Éole
Et quand, gauche, je perds ma propre identité,
Intrigué, mon savoir se dilue. Vanité.

Eau rare

Mon gave aime à filer comme un cheval sauvage
Et coule, noueux, vif entre de flous rivages.
Ah, je l’envie quand luit l’embrun de sa folie :
Même nuance folle en ton âme jolie !

Errements

La nuit je tombe au fond de gouffres noirs, glacés,
Maudits, de fiefs hantés, que mon corps harassé,
Dégoûté, se traînant, cherche à fuir. La comtoise
Insensée, au sommeil, dit sa haine bourgeoise.

Ironie

Je rouille à n’aligner que des chiffres otages,
À ne me souvenir que de chaînes, de cages
Où l’homme emmuré erre au milieu des entiers.
Je fuis le sommeil lourd des infinies moitiés.

En rade

Oublie ses noirs desseins qui enserrent ton cœur
Et ris ! La parole est du côté des moqueurs.
L’humain regimbe tant à donner sans reprendre.
Assez fumée se nimbe vaine de ses cendres.

Heureuse

Tu es seule et bouquines au bord de l’étang vert,
Mais tu communies mieux que d’autres dans ces vers,
À vendanger sans peine les mots et les rimes…
Et j’aime à dévoiler ta présence sublime.

Âme en paix

Mireille a beau papillonner, ses ailes pleurent
Et Bobby bienveillant, modère assez les heures.
Qui n’a pas confié sa vie ne sait juger
Si un répit peut libérer, peut alléger.

Mi-éveillé

Un curieux cocon entoure l’animal,
Mais c’est bien peu joyeux d’être ainsi minimal,
Insolite vaincu d’une geôle éphémère…
Et si, incognito, ton nid était chimère ?

Âme anguille

Oisif, j’erre sans fin le long de la falaise,
Amer, rétif au vent, à sa danse mauvaise.
Est-elle épave indue cette âme ballottée ?
Moi, je ne peux qu’aller de l’hiver à l’été.

Magie

L’or ne se tarit pas, de cette suite folle,
Et pi plonge toujours plus loin dans le Pactole.
Étonnante nuée, pi côtoie l’infini.
Son utopie jalouse est gage d’insomnie.

Mêlée

Onctueux, ce lassi que nous bûmes gourmands,
Coupant nos nuits câlines, paresseusement.
Puis je fus bâillonné par des griffes immondes.
La vie, peine muette, amère, fit sa ronde.

Muraille

Tu n’ignores pas l’eau des secrets égarés,
La muraille est masquée par les runes sacrées :
Étranges lueurs dans la nuit qui dissimule
Et pâles flammes nues sans matière qui brûle.

Émoi humain

Ton cou mi-ange mi-démon tant me fascine,
Au chaotique feu qui rosit ta peau fine.
Une dorée chevelure vient compléter
Rare, ce paysage d’éternel été.

Imminent

Une coque effilée paraît à l’horizon…
Qui écoute mes rêves ? Est-ce la déraison ?
Unique lac : encore quelques encablures.
Vieille pêcheuse à bord, à grise chevelure…

À moitié

Naissance, est-ce la vie ? Que de métamorphoses !
Et j’ai vu étonné comment viennent les roses
Et déroulent neigeux leurs pétales d’hiver,
Mais l’âge sait faner… vital est le revers.

Âme souillée

Ma forge est quiète et peu rougeoie. Le temps s’ébroue,
Rêve de fer, coulée de feu, vis et écrous.
Je cache un chat, pelage roux, qui m’accompagne,
Errant solo. Tout me dit que la rouille gagne.

Inhibé

Encaisser l’immobile indifférence est lourd.
Un antique décor aux rideaux de velours
Gêne un peu mon dessein d’avouer, de te dire
Que j’incline à frôler ces lèvres qui m’attirent.

Inavoué

À côté passent quelques ombres fugitives,
Insinuantes… quand boirai-je à l’autre rive ?
Au fond, j’espère aimer dans le parfum du vent,
Mais consigne inquiet chaque jour dérivant.

Un écueil

Sans fin j’enseigne ici dans la classe trop blanche,
Au timon, barrant bien la gabarre qui penche,
Arche immobile, lourde, au milieu du canal.
Un onirique moi pérore, artisanal…

Nuit échouée

Une épave m’émut qui grinçait sans arrêt,
Jonque un moment jetée sur les galets. J’errais.
Une aurore, assiégée par la moiteur urbaine,
Allongeait chèrement les heures incertaines.

Non-lieu

Un rêve peut tenir dans le creux d’un instant,
En occupant ma vie si peu… mais dans ce temps,
D’infimes stimuli déclenchent ce voyage
Où tu pourras bondir aussi dans les parages.

Nerfs

Pigeonne qui roucoule là-haut, tu me soûles,
À plagier comme une oie tes proches dans la foule,
Il te faut voler haut et loin, tel est mon vœu.
Que la nuit gagne enfin, nul ici ne te veut !

Anima

Un pommier danse, lent, sous le vent de l’automne.
Intuitif, l’aérien mouvement chante ou sonne
En faisant courir l’onde douce sur ma peau.
Je ne m’encombre pas, alors, de mon tempo.

Nom honni

Mes sapinettes sont au fond d’un val rieur…
Au fond ? Je doute que les avides scieurs,
Mafieux, dépouillent mon trésor à leur usage,
Un ange tente, inquiet, de cacher le passage.

Nanti

En remuant mon sol à mains nues, je jubile,
Aucun examen n’offre une vue si fertile.
En joie la glèbe dit sous la caresse nue
L’abondant puits, la vie sous ses formes ténues…

Nuancé

Une dame ivoirine est sortie de l’hôtel,
Étrange et belle fée négligeant les mortels.
Déparant dans l’espace alentour, je m’esquive,
Indu, tache sépia… je suis d’une autre rive.

Toupet

Ho ! Cesse d’intimer ta manière de voir !
Muselle au moins ces crocs qui déchirent l’espoir.
Le rêve évanoui fait la peine méchante.
Aussi, rejuge-les, ces pensées différentes.

Diva

Sceptique au teint de pêche, en colère toujours,
Elle me charme tant que j’oublie le discours
Et je confie penaud mon être à son aumône.
Elle a bisé ma joue ! Je suis au pied du trône…

Antique

En gravant vos tombeaux, vous rêviez en post-face
Aux lignées à bénir, mais le temps les efface,
Est-ce bien ? Je n’ai vaine réponse à donner.
Nos banales rainures disent nos années.